ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

Première Chambre

Audience publique du 08 mars 2012                               

Pourvoi : n° 074/2006/PC du 08 septembre 2006

Affaire : Abdoulaye Baby Bouya

                (Conseil : Maître Mounkaïla Yaye, Avocat à la Cour)

contre

                Banque Islamique du Niger pour le Commerce

                et l’Investissement dite BINCI      

                (Conseil : Maître Nabara Yacouba, Avocat à la Cour)

                    GARBA Souley dit ADIKOU     

                (Conseils : SCPA Yankori et Associés, Avocats à la Cour)     

ARRET N°009/2012 du 08 mars 2012

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), Première Chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 08 mars 2012 où étaient présents :

 

Messieurs  Antoine Joachim OLIVEIRA,                                   Président, rapporteur

Doumssinrinmbaye BAHDJE,                                               Juge

Marcel SEREKOÏSSE SAMBA,                                       Juge

 et      Maître MONBLE Jean Bosco,                                        Greffier ;

 

Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 18 septembre 2006, sous le n°074/2006/PC et formé par Maître Mounkaïla Yaye, Avocat à la Cour, B.P. 11972 Niamey, au nom et pour le compte de Monsieur Abdoulaye BABY BOUYA dans la cause qui l’oppose à la Banque Islamique du Niger pour le Commerce et l’Investissement dite BINCI ayant son siège à Niamey, Immeuble EL NASR, BP 12754, ayant pour Conseil Maître Nabara Yacouba, Avocat à la Cour BP 12944 demeurant à Niamey et à GARBA Souley dit Adikou, commerçant demeurant à Niamey BP 12412, ayant pour Conseils la SCPA Yankori et Associés, Avocats à la Cour, B.P. 12791 Niamey,en cassation de l’Arrêt n°117 rendu le 02 mai 2006 par la Cour d’appel de Niamey et dont le dispositif est le suivant :

 

“Statuant publiquement, contradictoirement par décision en dernier ressort en matière civile et commerciale ;

 

-reçoit la tierce opposition de ElHadji Garba Souley dit Adikou régulière en la forme ;

 

-rejette l’exception d’irrecevabilité des conclusions de BINCI soulevées par Abdoulaye BABY Bouya rétracte l’Arrêt n°96 en date du 17 mai 2004 ;

 

-confirme le Jugement n°261 du 31 juillet 2002 du Tribunal régional de Niamey ;

 

-condamne Abdoulaye BABY BOUYA aux dépens ».

 

Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi le moyen unique de cassation tel qu’il figure à la requête annexée au présent Arrêt ;

Sur le rapport de Monsieur Antoine Joachim OLIVEIRA, Président ;

Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à  l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Attendu qu’il ressort des éléments du dossier de la procédure que par acte notarié du 08 septembre 1988, la BINCI a accordé un prêt de 10.000.000 de francs CFA à Monsieur Abdoulaye BABY BOUYA ; qu’en garantie du paiement de ce prêt, le requérant a consenti à la BINCI (Banque) une hypothèque sur son immeuble, objet du titre foncier N° 15071 ; que cette convention de prêt contenait en son article 13, une clause de vente de gré à gré ; que le 26 octobre 1998, postérieurement à l’accord de prêt, Abdoulaye BABY BOUYA a donné à la BINCI, le pouvoir spécial de vendre l’immeuble objet du titre foncier n° 15071, de gré à gré ; que le 08 janvier 2002, la BINCI a fait servir au domicile de son débiteur, un commandement de payer la somme de 11.685.598 francs CFA dans un délai de 20 jours ; que le 31 janvier 2002, de retour au Niger, Abdoulaye BABY BOUYA s’acquitte de sa dette en déposant un chèque ECOBANK n°0079549 à la BNCI d’un montant de 11.685.598 francs CFA ; que Abdoulaye BABY BOUYA saisit le juge des référés sur la base de l’article 254 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution (AURSVE) aux fins d’annulation du commandement du 08 janvier 2002 ; que par Ordonnance n°039 en date du 19 février 2002, ledit juge rejette cette demande ; que la Cour d’appel, saisie par Abdoulaye BABY BOUYA, annule par Arrêt n°43 du 20 mars 2002, l’Ordonnance n°039 ; que la CCJA, saisie par la BINCI en cassation de l’Arrêt n°43, rejette le pourvoi de ladite banque par Arrêt n°007/2009 du 26 février 2009 ;

 

Attendu que par exploit en date du 11 février 2002,  Abdoulaye BABY BOUYA saisit le Tribunal régional de Niamey, aux fins d’annuler la vente de l’immeuble hypothéqué ; que par Jugement n°261 du 31 juillet 2002, cette juridiction déboute Abdoulaye BABY BOUYA de sa demande en annulation de la vente et le condamne à payer à la BINCI 1.500.000 francs de dommages-intérêts demandés reconventionnellement par celle-ci ; que sur appel de Abdoulaye BABY BOUYA formé à l’encontre dudit jugement, la Cour d’appel de Niamey par Arrêt n°096 rendu le 17 mai 2005, infirme celui-ci, déclare la vente de l’immeuble inopposable à Abdoulaye BABY BOUYA et rejette la demande en dommages-intérêts de la BINCI ; que saisie en tierce opposition par GARBA SOULEY contre l’Arrêt n°96 du 17 mai 2004, pour dit-il n’avoir été appelé à l’instance alors qu’il est propriétaire de l’immeuble vendu, la Cour d’appel de Niamey par Arrêt n°117 du 02 mai 2006, rétracte l’Arrêt n°096 du 17 mai 2004 et confirme le jugement n°261 du Tribunal régional de Niamey ; que c’est contre cet Arrêt n°117 du 02 mai 2006 que Abdoulaye BABY BOUYA a formé son recours ;

 

Sur le moyen unique

Attendu que l’article 246 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures de recouvrement et des voies d’exécution (AUPSRVE) dispose que : «Le créancier ne peut vendre les immeubles appartenant à son débiteur qu’en respectant les formalités prescrites par les dispositions qui suivent. Toute convention contraire est nulle » ;

 

Attendu que ces formalités prescrites sont celles notamment des articles 247, 253 et 254  du même Acte uniforme ; que l’examen simultané de ces dispositions rend impossible toute interprétation contraire à leur caractère d’ordre public ; qu’en déclarant valable la vente de gré à gré opérée par la BINCI en vertu de sa convention avec Abdoulaye BABY BOUYA, la Cour d’appel de Niamey a méconnu les dispositions irréfragables de l’Acte uniforme susindiqué ; qu’ainsi son arrêt encourt la cassation ;

 

Attendu qu’aussi  le pouvoir de vendre de gré à gré conféré par le débiteur Abdoulaye Baby BOUYA à son créancier  BINCI  n’étant pas « un titre définitivement exécutoire » au sens des article 33 et  247 alinéa 2 de l’Acte uniforme précité, la vente ainsi opérée doit être déclarée nulle et de nul effet ;

 

Sur l’évocation

Attendu que la Cour de céans, saisie par la BINCI en cassation de l’Arrêt n°43 du 20 mars 2002 rendu par la Cour d’appel de Niamey dans l’instance opposant les mêmes parties sur le même objet, a rendu le 26 février 2009 l’Arrêt n°007/2009 dont la substance des motifs relatifs à la validité de la convention de vente de gré à gré signée par les deux parties postérieurement à l’octroi du prêt fait par BINCI à Abdoulaye BABY BOUYA est ainsi énoncée : « …dans ces conditions, requis par ce dernier (BABY BOUYA) de prononcer la nullité du commandement susévoqué pour violation de l’article 254 de l’Acte uniforme précité, c’est à bon droit que les juges d’appel, bien que saisis pour statuer uniquement sur la régularité dudit commandement, ont implicitement relevé la nullité de la vente de gré à gré de l’immeuble hypothéqué en se fondant sur la violation, en la cause, de l’article 246 du même Acte uniforme qui annule toute convention subséquente de ce genre contraire aux dispositions d’ordre public dudit article ; qu’il suit qu’en décidant comme il a fait, l’arrêt attaqué n’encourt pas les reproches visés au moyen, lequel doit de ce fait être rejeté comme étant non fondé » ;

 

Attendu que l’arrêt susénoncé de la Cour de céans a acquis l’autorité de la chose jugée sur la question précise de la validité de la vente de l’immeuble du débiteur opérée par son créancier en vertu d’une convention de vente de gré à gré ; que la Cour d’appel de Niamey a fait une application ou interprétation erronée de l’article 246 de l’AUPSRVE ;

Attendu que la BINCI, ayant succombé, doit être condamnée aux dépens ;

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

En la forme

Déclare recevable le pourvoi ;

Au fond

Casse l’Arrêt n°117 du 02 mai 2006 de la Cour d’appel de Niamey ;

Evoquant et statuant à nouveau :

Dit que l’Arrêt n°007/2009 du 26 février 2009 de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA a acquis l’autorité de la chose jugée ;

Condamne la BINCI aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 
Le Président
Le Greffier