ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Deuxième Chambre
Audience publique du 15 mars 2007
Pourvoi n° : 063/2004/PC du 28/05/2004
Affaire : Société ECOBANK-COTE D’IVOIRE
(Conseils : SCPA AHOUSSOU, KONAN & Associés, Avocats à la Cour)
contre
Société DALYNA VOYAGES TRAVEL AGENCY
ARRET N°010/2007 du 15 mars 2007
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), Deuxième Chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 15 mars 2007 où étaient présents :
Messieurs : Antoine Joachim OLIVEIRA, Président
Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge
Boubacar DICKO, Juge, Rapporteur
Et Maître ASSIEHUE Acka, Greffier ;
Sur le renvoi, en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans de l’affaire Société ECOBANK-COTE D’IVOIRE contre la Société DALYNA VOYAGES TRAVEL AGENCY, par Arrêt n°171/04 du 11 mars 2004 de la Cour Suprême de COTE D’IVOIRE, Chambre judiciaire, formation civile, saisie d’un pourvoi formé le 24 juillet 2003 par la SCPA AHOUSSOU, KONAN et Associés, Avocats près la Cour d’appel d’Abidjan, y demeurant 19, boulevard Angoulvant, 1er étage, aile gauche, 01 BP 1366 Abidjan 01, agissant au nom et pour le compte de la Société ECOBANK-COTE D’IVOIRE dont le siège est l’immeuble Alliance, avenue Terrasson de Fougères, 01 BP 4107, Abidjan- Plateau, dans la cause qui l’oppose à la Société DALYNA VOYAGES TRAVEL AGENCY demeurant à Abidjan-Plateau, 35, avenue Noguès,en cassation de l’Arrêt n°685 rendu le 30 mai 2003 par la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;
En la forme : Reçoit ECOBANK en son appel relevé du Jugement n°534 rendu le 11 juillet 2001 par le Tribunal de première instance d’Abidjan ;
Au fond : – L’y dit mal fondée ;
- l’en déboute ;
- Confirme par substitution de motifs le jugement attaqué en toutes ses dispositions ;
- La condamne aux dépens. » ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les trois moyens de cassation tels qu’ils figurent à « l’exploit aux fins de pourvoi en cassation comportant assignation à comparaître » annexé au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Boubacar DICKO ;
Vu les dispositions des articles 13, 14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que suite à des relations d’affaires, la Société les Voyageurs Réunis a tiré plusieurs chèques au profit de la Société DALYNA VOYAGES TRAVEL AGENCY en paiement des prestations fournies par celle-ci ; que présentés à l’encaissement, lesdits chèques, d’un montant de 10.409.500 francs CFA, sont revenus impayés ; que par exploit du 06 mars 2001, la Société DALYNA VOYAGES TRAVEL AGENCY a pratiqué une saisie conservatoire de créances sur le compte bancaire de la Société les Voyageurs Réunis logé à la Société ECOBANK-COTE D’IVOIRE ; que celle-ci, alléguant l’absence de protêt, s’opposait à ladite saisie ; que la Société DALYNA VOYAGES TRAVEL AGENCY, par exploit en date du 16 mars 2001, assignait la Société ECOBANK-COTE D’IVOIRE devant le Tribunal de première instance d’Abidjan aux fins d’entendre condamner cette dernière « au paiement de la somme représentant la cause de la saisie conservatoire. » ; que par Jugement n°534/CIV-7A en date du 11 juillet 2001, ledit Tribunal condamnait la susnommée à lui payer la somme de 10.409.500 francs CFA, cause de la saisie précitée ; que par exploit en date du 7 avril 2003, la Société ECOBANK-COTE D’IVOIRE ayant relevé appel, par Arrêt n°685 en date du 30 mai 2003, la Cour d’appel d’Abidjan confirmait le jugement entrepris ; que par « exploit aux fins de pourvoi en cassation comportant assignation à comparaître » en date du 16 juillet 2003, la Société ECOBANK-COTE D’IVOIRE formait un pourvoi en cassation contre l’arrêt précité devant la Cour Suprême de COTE D’IVOIRE, laquelle, par Arrêt n°171/04 du 11 mars 2004 s’est dessaisie du dossier de la procédure au profit de la Cour de céans ;
Sur le troisième moyen
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 81 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, en ce que la Société ECOBANK-COTE D’IVOIRE ayant soulevé « in limine litis » l’irrecevabilité de la demande en condamnation des causes de la saisie aux motifs que la saisie conservatoire n’avait pas été convertie en saisie-attribution, la Cour d’appel a rejeté cet argument en énonçant qu’il ne s’agissait pas en l’espèce de conversion de la saisie conservatoire en saisie-attribution mais de paiement des causes de la saisie par le tiers saisi ; qu’une telle motivation viole l’article 81 susvisé ; qu’en effet, l’obligation de garantie mise à la charge du tiers saisi est distincte selon qu’il s’agit de la saisie-attribution ou de la saisie conservatoire ; que si dans la première, cette obligation a pour objet le montant des sommes réclamées par le créancier saisissant, on ne peut retenir cette solution pour la seconde car ni l’étendue ni même l’existence des droits du créancier ne sont établis avec certitude au moment de la saisie ; que la garantie ne peut porter que sur les sommes pour lesquelles le débiteur est condamné et ces sommes ne sont connues que lorsque la saisie conservatoire est convertie en saisie-attribution ; que c’est la raison pour laquelle l’article 81 dudit Acte uniforme stipule que le tiers saisi s’expose à payer les sommes pour lesquelles la saisie a été pratiquée si celle-ci est convertie en saisie-attribution, et si cela n’est pas fait, le créancier saisissant ne peut demander la condamnation du tiers saisi au paiement d’une créance qui n’est pas encore établie ; que la Cour d’appel, en affirmant qu’il s’agit simplement de condamner le tiers saisi au paiement des causes de la saisie conservatoire, sans qu’il n’y ait lieu à conversion de celle-ci en saisie-attribution, s’est mépris sur le sens de l’article 81 et en a fait une mauvaise interprétation ; que de ce fait, son arrêt encourt cassation pour erreur dans l’interprétation de la loi ;
Attendu que l’article 81, alinéa 1, de l’Acte uniforme précité dispose que « le tiers saisi qui, sans motif légitime, ne fournit pas les renseignements prévus, s’expose à devoir payer les sommes pour lesquelles la saisie a été pratiquée si celle-ci est convertie en saisie-attribution, sauf son recours contre le débiteur. » ;
Attendu en l’espèce, que pour confirmer le Jugement n°534/CIV.7A rendu le 11 juillet 2001 par le Tribunal de première instance d’Abidjan qui a condamné la requérante au paiement « des causes de la saisie », la Cour d’appel a considéré que « …la saisie-attribution n’est exigée par le texte susvisé que lorsqu’il s’agit de demander le paiement des sommes conservatoirement saisies… qu’en l’espèce, il s’agit pour l’instant de condamner le tiers saisi aux causes de la saisie ; qu’il n’est donc pas besoin d’exiger la conversion de la saisie conservatoire [de créances] pratiquée en saisie-attribution ; qu’une telle mesure ne s’imposera qu’au moment de solliciter d’ECOBANK le paiement effectif des sommes dues… » ; qu’en statuant ainsi alors que l’article 81, alinéa 1, susénoncé de l’Acte uniforme susvisé soumet la condamnation du tiers saisi au paiement des causes de la saisie à la condition préalable d’une conversion de la saisie conservatoire de créances en saisie-attribution et qu’en l’espèce, le créancier saisissant n’ayant pas requis et fait opérer cette conversion conformément aux prescriptions procédurales énoncées par ailleurs aux articles 82, 83 et 84 du même Acte uniforme, desquels il ressort que seule cette conversion, en permettant l’attribution immédiate de la créance au créancier saisissant, lui ouvrait droit au paiement ultérieur et éventuel des causes de la saisie conservatoire de créances, l’arrêt confirmatif attaqué encourt les reproches visés au moyen ; qu’il échet en conséquence de le casser et d’évoquer sans qu’il soit besoin d’examiner le premier et le deuxième moyen ;
SUR L’EVOCATION
Attendu que par exploit en date du 07 avril 2003, la Société ECOBANK-COTE D’IVOIRE a relevé appel du Jugement n°534/CIV 7A rendu le 11 juillet 2001 par le Tribunal de première instance d’Abidjan et dont le dispositif est ainsi conçu : « Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en premier ressort :
- Déclare la Société DALYNA VOYAGES AGENCY recevable en son action ;
- L’y dit partiellement fondée ;
- Condamne la Société ECOBANK à lui payer la somme de 10.409.500 francs ;
- Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire ;
- Condamne la Société ECOBANK aux dépens. » ;
Attendu que dans son « acte d’appel valant premières conclusions » en date du 07 avril 2003, l’appelante, sous la plume de ses conseils, la SCPA AHOUSSOU, KONAN et Associés, Avocats à la Cour, a, entre autres chefs de demandes, présenté une exception tendant à « l’irrecevabilité de l’action de la Société DALYNA VOYAGE » aux motifs que la saisie dont se prévaut cette dernière est une saisie conservatoire qui n’a pas été convertie en saisie-attribution ; que le tiers saisi, en application de l’article 81 de l’Acte uniforme précité, ne peut être poursuivi en paiement des causes de la saisie que si la saisie conservatoire est convertie en saisie-attribution ; que tel n’étant pas le cas en l’espèce, l’action en paiement des causes de ladite saisie conservatoire non convertie en saisie-attribution est irrecevable ;
Attendu qu’à cet égard, la Société DALYNA VOYAGES TRAVEL AGENCY, intimée, sous la plume de ses conseils, la SCPA ASSAMOI et N’CHO-KATCHIRE, Avocats à la Cour, soutient en substance dans ses conclusions en date du 30 avril 2003 que « …cette action ne viole en aucun cas les dispositions du Code de procédure civile ; que la Société DALYNA VOYAGES TRAVEL AGENCY remplit pleinement les conditions de l’article précité ; que c’est donc à bon droit que le Tribunal a déclaré recevable son action ; qu’il plaira à la Cour confirmer le jugement tant sur ce point que sur le fond. » ;
Sur la recevabilité de la demande de l’appelante
Attendu que pour les mêmes motifs que ceux relevés lors de l’examen du moyen de cassation retenu, il échet d’infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de déclarer la demande de paiement des causes de la saisie formulée par l’intimée, la Société DALYNA VOYAGES TRAVEL AGENCY, à l’encontre du tiers saisi, la Société ECOBANK-COTE D’IVOIRE, appelante, irrecevable ;
Attendu que la Société DALYNA VOYAGES TRAVEL AGENCY, intimée, ayant succombé, doit être condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Casse l’Arrêt n°685 rendu le 30 mai 2003 par la Cour d’appel d’Abidjan ;
Evoquant et statuant sur le fond,
Reçoit l’exception d’irrecevabilité présentée par la Société ECOBANK-COTE D’IVOIRE, appelante ;
Infirme en toutes ses dispositions le Jugement n°534/CIV 7A rendu le 11 juillet 2001 par le Tribunal de première instance d’Abidjan ;
Déclare en conséquence la demande de paiement de la Société DALYNA VOYAGES TRAVEL AGENCY irrecevable ;
La condamne aux dépens ;
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier