ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Première Chambre
Audience Publique du 02 juin 2005
Pourvoi : n°077/2003/PC du 09 septembre 2003
Affaire : Société CHRONOPOST INTERNATIONAL COTE D’IVOIRE
(Conseil : Maître NIKOLA-YOWITZ Yannick, Avocat à la Cour)
contre
Monsieur CHERIF SOULEYMANE
(Conseil : Maître VAFFI CHERIF, Avocat à la Cour)
ARRET N° 036/2005 du 02 juin 2005
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.), Première Chambre, de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A) a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 02 juin 2005 où étaient présents :
Messieurs Jacques M’BOSSO, Président
Maïnassara MAIDAGI, Juge, rapporteur
Biquezil NAMBAK, Juge
et Maître KEHI Colombe BINDE, Greffier ;
Sur le renvoi, en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans de l’affaire Société CHRONOPOST INTERNATIONAL COTE D’IVOIRE, ayant pour conseil Maître NIKOLA-YOWITZ Yannick, Avocat à la Cour, demeurant Abidjan-Biétry, rue Majorette, 01 BP 2183 Abidjan 01/18 BP 2933 Abidjan 18, contre Monsieur CHERIF SOULEYMANE, ayant pour conseil Maître VAFFI CHERIF, Avocat à la Cour, demeurant Résidence ROUME, sise 17, Boulevard ROUME, 1er étage, Porte 12, 08 BP 1098 Abidjan 08, par Arrêt n°079/03 du 13 février 2003 de la Cour Suprême de COTE D’IVOIRE, Chambre judiciaire, formation civile, saisie d’un pourvoi initié le 03 mai 2002 par Maître NIKOLA-YOWITZ Yannick agissant au nom et pour le compte de CHRONOPOST INTERNATIONAL COTE D’IVOIRE, renvoi enregistré sous le n°077/2003/PC du 09 septembre 2003,en cassation de l’Arrêt n°1246 rendu le 09 novembre 2001 par la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,
En la forme :
Déclare Monsieur CHERIF SOULEYMANE recevable en son appel régulier ;
Au fond :
L’y dit partiellement fondé ;
Reforme le jugement entrepris par substitution de motifs ;
Statuant à nouveau ;
Liquide l’astreinte prononcée à l’encontre de la Société SIPE/EMS/CHRONOPOST à la somme de 65.700.000 F (soixante cinq millions sept cent mille francs) ;
Confirme le jugement querellé en ses autres dispositions ; » ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les cinq moyens de cassation tels qu’ils figurent à « l’exploit de pourvoi en cassation » annexé au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Maïnassara MAÏDAGI ;
Vu les dispositions des articles 13, 14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure que le 22 avril 1996, Monsieur CHERIF SOULEYMANE s’était rendu à Cocody, au comptoir EMS, pour y déposer un colis de 50 grammes contenant des chèques, numéraires et divers documents pour être expédiés à Mademoiselle LOUISELLE LEVESQUE demeurant, 8265 FABRE, appartement 4 à MONTREAL (QUEBEC-CANADA) ; que jusqu’au 05 juin 1996 le colis n’étant pas remis à la destinataire, sommation était faite, par exploit d’huissier, à EMS d’avoir, immédiatement et sans délai, à indiquer où se trouvait ledit colis avec les justificatifs à l’appui ; que par Ordonnance n°330/96 en date du 05 août 1996 du juge des référés du Tribunal de première instance d’Abidjan, EMS avait, à la demande de Monsieur CHERIF SOULEYMANE, été mise en demeure d’avoir à indiquer sans délai où se trouvait le colis avec les justificatifs à l’appui et ce sous astreinte comminatoire de 500.000 francs par jour de retard ; que EMS ne s’étant toujours pas exécuté, Monsieur CHERIF SOULEYMANE assignait la SIPE et EMS en liquidation d’astreinte et par Jugement n°98 en date du 09 décembre 1999, le Tribunal d’Abidjan liquidait alors l’astreinte à la somme de 44.450.000 francs CFA et ordonnait l’exécution provisoire pour la somme de 22. 225.000 francs CFA ; que sur appel de Monsieur CHERIF SOULEYMANE, la Cour d’appel d’Abidjan rendait l’Arrêt n°1246 en date du 09 novembre 2001 infirmant le jugement querellé et liquidant l’astreinte prononcée individuellement et solidairement à l’encontre des sociétés SIPE, EMS et CHRONOPOST INTERNATIONAL COTE D’IVOIRE ; que par exploit d’huissier en date du 03 mai 2002, CHRONOPOST INTERNATIONAL COTE D’IVOIRE se pourvoyait en cassation contre l’Arrêt n°1246 susénoncé devant la Cour Suprême de COTE D’IVOIRE, laquelle, par Arrêt n°079/03 en date du 13 février 2003, se dessaisissait du dossier en faveur de la Cour de céans en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique et de l’article 51 du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Sur la compétence de la Cour
Vu l’article 14, alinéas 3 et 4 du Traité susvisé ;
Attendu qu’il ressort de l’exploit de pourvoi en cassation que la société CHRONOPOST INTERNATIONAL COTE D’IVOIRE invoque à l’appui de son pourvoi cinq moyens de cassation dont trois relatifs à la violation des articles 246, 255, 164 et 167 du code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative, un quatrième tiré du manque de base légale résultant de l’absence, de l’insuffisance, de l’obscurité ou de la contrariété de motifs et enfin un cinquième tiré de la violation des articles 98 et suivants de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique ; que relativement à ce dernier moyen, la requérante soutient qu’en lui imputant d’office une dette revenant à la POSTE DE COTE D’IVOIRE, responsable du service EMS en 1996, la Cour a méconnu les dispositions légales précitées ; que selon ledit moyen, l’immatriculation au registre de commerce d’une société constitue en quelque sorte sa déclaration de naissance et que cette naissance lui permet de fonctionner en tant que personne juridique qui existe et est apte à devenir sujet de droits ou d’obligations puisque disposant de son patrimoine, accédant à la pleine capacité juridique et pouvant engager sa responsabilité civile ; qu’elle dispose également d’un état qui, comme pour les personnes physiques, lui permet de se distinguer des autres personnes morales, notamment des associés dont elle ne saurait assumer les obligations ;
Attendu qu’aux termes de l’article 14, alinéas 3 et 4 du Traité susvisé, « saisie par la voie du recours en cassation, la Cour se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d’appel des Etats parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des Actes uniformes et des règlements prévus au présent Traité à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales.
Elle se prononce dans les mêmes conditions sur les décisions non susceptibles d’appel rendues par toute juridiction des Etats parties dans les mêmes contentieux » ;
Attendu, en l’espèce, qu’il est constant comme résultant de l’examen des pièces du dossier de la procédure que depuis la requête introductive d’instance la présente affaire est relative à la liquidation d’une astreinte ; que comme telle elle ne pouvait et n’a pu soulever des questions relatives à l’application d’un Acte uniforme ou règlement prévu au Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ; qu’en effet, aucun grief, ni moyen tiré de la violation ou de l’erreur dans l’application ou l’interprétation d’un Acte uniforme ou règlement prévu au Traité n’a été invoqué ni devant le premier juge, ni devant la Cour d’appel ; que l’évocation par le requérant des articles 98 et suivants de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique dans l’argumentaire accompagnant l’exposé de ses moyens de cassation ne saurait changer ni le sens, ni la motivation de l’arrêt attaqué, lequel a liquidé l’astreinte prononcée contre la société SIPE/EMS/CHRONOPOST à la somme de 65.700.000 (SOIXANTE CINQ MILLIONS SEPT CENT MILLE FRANCS ) ; qu’il s’ensuit que les conditions de compétence de la Cour de céans, telles qu’énoncées par l’article 14 susénoncé du Traité susvisé, ne sont pas réunies et qu’il échet en conséquence, nonobstant l’arrêt de la Cour Suprême de COTE D’IVOIRE qui ne lie pas la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, de se déclarer incompétent et de renvoyer l’affaire devant ladite juridiction pour qu’il y soit statué ;
Attendu qu’il y a lieu, en l’état, de réserver les dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Se déclare incompétente ;
Renvoie l’affaire devant la Cour Suprême de COTE D’IVOIRE ;
Réserve les dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier