ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

Première chambre

Audience publique du  16 avril  2009

POURVOI : n°064/2004/PC du 04 juin 2004

AFFAIRE : Union des Assurances du Togo dite UAT S.A.

                             (Conseil : Maître Yawovi AGBOYIBO, Avocat à la Cour)

                                  contre

             1°/ Société Industrielle de Coton dite SICOT S.A

            (Conseil : Maître Adama DOE-Bruce,  Avocat à la Cour)

 

2°/ Négoce Tacheronnage Divers dite NETADI SARL

                                               (Conseil : Maître  Mawuvi A. MOUKE,  Avocat à la Cour)

ARRET N° 014/2009 du 16 avril  2009

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A), Première chambre, de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 16 avril 2009où étaient présents :

 

Messieurs Jacques M’BOSSO,                Président

Maïnassara MAIDAGI,       Juge, rapporteur

Biquezil NAMBAK,               Juge

 

et Maître ASSIEHUE Acka,   Greffier ;

 

Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 04 juin 2004 sous le n°064/2004/PC et formé par Maître YAWOVI AGBOYIBO, Avocat à la Cour, 64, Avenue du 24 janvier, BP 06 Lomé (TOGO), agissant au nom et pour le compte de l’Union des Assurances du TOGO (UAT), société anonyme de droit togolais dont le siège est sis à Lomé, 169, Boulevard du 13 janvier, dans la cause l’opposant, d’une part, à la Société Industrielle du Coton (SICOT) société anonyme de droit togolais dont le siège est sis à Lomé, immeuble BANAMBA, zone industrielle du Port Autonome de Lomé, ayant pour conseil Maître Adama DOE-BRUCE, Avocat à la Cour, domicilié au 133, Boulevard du 13 janvier, BP 1097 Lomé (TOGO) et, d’autre part, à la Société Négoce Tacheronnage Divers (NETADI), société à responsabilité limitée de droit togolais dont le siège est sis à Lomé, face Hôtel Mercure Sarakawa, ayant pour conseil Maître Mawuvi MOUKE, Avocat à la Cour, domicilié au 36, Rue n°74 d’Assoli, BP 61611 Lomé (TOGO),

 

en cassation de l’Arrêt n°244/2003 rendu le 17 décembre 2003 par la Chambre civile de la Cour d’appel de Lomé et dont le dispositif est le suivant :

 

« Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard de toutes les parties, en matière civile et en appel ;

En la forme : Reçoit les appels de la SICOT et de NETADI, et l’appel incident de l’UAT ;

Ordonne la jonction de toutes les procédures ;

Au fond : infirme l’ordonnance entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau

Dit que les intérêts de droit ne peuvent courir qu’à compter du jour où l’arrêt du 25 mars 1999 est devenu exécutoire ;

Dit qu’en conséquence la saisie attribution ne peut porter que sur la somme de 54.000.000 F (CINQUANTE QUATRE MILLIONS DE FRANCS) CFA ;

Dit encore que les décisions de la Cour d’appel et de la Cour Suprême mises à exécution n’ont fait l’objet d’aucune transaction entre UAT et la SICOT, et que l’UAT est toujours tenue à garantie ;

Dit que l’UAT est conjointement et solidairement tenue avec la SICOT du paiement de la somme de 54.000.000 F CFA à la société NETADI ;

Ordonne aux tiers saisis de l’UAT et de la SICOT de payer entre les mains de la Société NETADI la somme de 54.000.000 F (CINQUANTE QUATRE MILLIONS DE FRANCS) CFA sous astreinte de 100.000 F (CENT MILLE FRANCS) CFA par jour de résistance ;

Reconventionnellement, condamne l’UAT à rembourser à la Société SICOT la somme de 53.521.143 F (CINQUANTE TROIS MILLIONS CINQ CENT VINGT ET UN MILLE CENT QUARANTE TROIS FRANCS) CFA sous astreinte de 100.000 F (CENT MILLE FRANCS) CFA par jour de résistance ;

Rejette la demande en réparation du préjudice financier et commercial de l’UAT comme non fondée ;

Condamne l’UAT aux entiers dépens. » ;

 

La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les trois de moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;

Sur le rapport de Monsieur le Juge Maïnassara MAÏDAGI ;

Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que la Société Industrielle de Coton dite SICOT S.A a, dans le cadre de ses activités, conclu un contrat d’entreposage de coton-graine dans les entrepôts de Négoce Tacheronnage Divers dite NETADI SARL ; que pour se prémunir des risques d’avarie, incendie et autres dommages aux produits ainsi stockés, SICOT S.A a souscrit auprès de l’Union des Assurances du Togo dite UAT S.A. une police d’assurance n°428 000 100751 R ; qu’à la suite de l’incendie qui s’est produit dans l’un des entrepôts de NETADI contenant du coton-graine appartenant à SICOT S.A et locataire des lieux, plusieurs dommages ont été causés audit entrepôt ; qu’en exécution du contrat d’entreposage susindiqué, NETADI avait attrait SICOT en réparation des dommages causés à son entrepôt et SICOT appelait à son tour en garantie UAT ; que par Arrêt n°07 du 25 mars 1999, la Cour d’appel de Lomé condamnait SICOT à payer à NETADI diverses sommes s’élevant au total à 109.985.831 CF A et déclarait UAT tenue à garantir lesdites condamnations ; que sur pourvoi formés par SICOT et UAT, la Chambre judiciaire de la Cour Suprême du Togo, par Arrêt n°03 du 20 mars 2003 cassait et annulait par voie de retranchement l’arrêt déféré seulement en ce qu’il avait dit que les intérêts courront du jour de l’assignation ; qu’alors que la procédure susindiquée était pendante devant la Cour Suprême, SICOT S.A et UAT S.A signaient le 15 juin 2001, à la suite d’une action intentée par SICOT contre UAT par assignation en date du 09 mai 2001, un procès-verbal de conciliation aux termes duquel UAT acceptait de verser à SICOT la somme de 3.600.000.000 FCFA toutes causes de réclamation et demande confondues ; qu’en exécution des Arrêts n°03 du 20 mars 2003 de la Cour Suprême du Togo et 07 du 25 mars 1999 de la Cour d’appel de Lomé, NETADI avait fait pratiquer des saisies-attribution sur les avoirs tant de SICOT que de UAT auprès des institutions bancaires de la place de Lomé, à la demande des conseils de SICOT et d’UAT, celui de NETADI avait volontairement fait mainlevée des différentes saisies-attribution avec promesse de trouver un arrangement pour la désintéresser ; qu’ainsi SICOT réglait la somme de 53.452.143 F CFA étant entendu que le reliquat de 54.000.000 F CFA serait réglé par UAT ; que cette dernière ne s’exécutant pas, NETADI avait dû procéder à nouveau le 08 juillet 2003 à une saisie-attribution des avoirs de SICOT et de UAT ; que par exploit en date du 07 août 2003, UAT élevait contestation de la nouvelle saisie-attribution pratiquée sur ses comptes et en demandait la mainlevée ; que par conclusions en date du 08 août 2003, SICOT faisait une intervention volontaire dans la procédure initiée par UAT afin que la décision à intervenir soit commune à toutes les parties ; que par Ordonnance n°424/03 du 12 août 2003, le Président du Tribunal de première instance de première classe de Lomé avait, entre autres, déclaré recevable l’intervention volontaire de SICOT, déclaré fondée l’action en contestation de UAT, ordonné mainlevée des saisies pratiquées sur les comptes de UAT, rejeté les demandes de SICOT, enjoint à SICOT de verser à NETADI la somme de 73.092.244 F CFA sous astreintes de 100.000 F CFA par jour de retard ; que sur appels principaux de SICOT et NETADI et incident de UAT relevés de l’Ordonnance susindiquée, la Cour d’appel de Lomé rendait l’Arrêt n°244/2003 du 17 décembre 2003 dont pourvoi ;

Sur le premier moyen

Vu l’article 170 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé les articles 13 et 14 du Traité du 17 octobre 1993 et l’article 170 de l’Acte uniforme susvisé en ce que, pour confirmer la recevabilité de l’intervention de la SICOT dans la procédure de contestation initiée par l’exposante, la Cour d’appel s’est basée sur des considérations équivalant à une interprétation de l’article 170 susindiqué alors que, selon le moyen, l’article 13 du Traité ne lui confère qu’une compétence d’application en la matière et que de surcroît, le texte invoqué ne comporte aucune lacune justifiant son interprétation ; que cet article ne saurait être davantage clair et complet sur la procédure à suivre par le débiteur qui a des raisons valables à contester la saisie-attribution pratiquée à son préjudice, la prescription s’appliquant bien entendu au cas où plusieurs personnes sont saisies simultanément pour une même créance alléguée ; qu’il revient à chacune d’elles d’élever sa contestation en se conformant à la procédure requise, quitte à la juridiction saisie de joindre les dossiers d’assignation ; qu’en l’espèce, faute d’avoir contesté par assignation les saisies-attribution pratiquées à son préjudice, SICOT a cru pouvoir s’en rattraper en intervenant dans la procédure initiée par la requérante ; que la Cour d’appel a curieusement couvert l’irrégularité en s’appuyant sur des motifs pour le moins étranges ; qu’en admettant (par simple simulation) comme elle l’insinue, que le libellé de l’article 170 comporte des lacunes et qu’il faille « découvrir la vraie intention du législateur » pour savoir la décision à prendre au sujet de la forme de la contestation choisie par SICOT, la Cour d’appel a incontestablement violé les textes visés ;

Attendu qu’aux termes de l’article 170 de l’Acte uniforme susvisé, « à peine d’irrecevabilité, les contestations sont portées, devant la juridiction compétente, par voie d’assignation, dans le délai d’un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur.

Le tiers saisi est appelé à l’instance de contestation.

Le débiteur saisi qui n’aurait pas élevé de contestation dans le délai prescrit peut agir en répétition de l’indu devant la juridiction du fond compétente selon les règles applicables à cette action. » ;

Attendu qu’il résulte de l’analyse des dispositions susénoncées de l’article 170 de l’Acte uniforme susvisé, que le débiteur saisi qui entend contester une saisie-attribution de créance qui lui a été dénoncée doit le faire, à peine d’irrecevabilité, par voie d’assignation ; que s’il ne le fait pas dans les forme et délai prescrits, il ne pourra agir que par la voie de l’action en répétition de l’indu devant la juridiction du fond compétente selon les règles applicables à ladite action en répétition de l’indu ;

Attendu, en l’espèce, qu’en contestant les saisies-attribution de créance qui lui ont été dénoncées par la voie de l’intervention volontaire  dans une autre procédure de contestation initiée par son co-obligé UAT, même si les deux séries de saisies attribution de créance découlent d’une même cause, la SICOT n’a point observé les dispositions susénoncées de l’alinéa 1er  de l’article 170 susvisé et la Cour d’appel de Lomé, en statuant comme elle l’a fait, pour déclarer recevable l’appel de la Société SICOT, a violé par mauvaise interprétation les dispositions susénoncées dudit article 170 et exposé son arrêt à la cassation ; qu’il échet, en conséquence, de casser l’arrêt attaqué et d’évoquer, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens  du pourvoi ;

Sur l’évocation

Attendu que par exploit d’huissier en date du 14 août 2003, la SICOT a relevé appel de l’Ordonnance n°424/2003 du 12 août 2003 rendue par le Président du Tribunal de première instance de première classe de Lomé et dont le dispositif est le suivant :

« Statuant contradictoirement à l’égard des parties, en matière civile et en premier ressort et en référé ;

Déclarons recevable l’intervention volontaire de la société SICOT ;

Donnons défaut réputé contradictoire contre les tiers saisis ;

Déclarons recevable l’action en contestation initiée par l’Union des Assurances du TOGO ;

Au fond, la disons fondée ;

Ordonnons en conséquence la mainlevée des saisies pratiquées sur les comptes de l’UAT ;

Rejetons les demandes de la Société SICOT ;

Reconventionnellement, enjoignons à la Société SICOT de verser à la Société NETADI la somme de 73.092.244 F CFA et ce, sous astreintes de 100.000 F CFA par jour de retard ;

Ordonnons l’exécution provisoire de la présente décision ;

Condamnons la SICOT aux dépens. »

Que par un autre exploit d’huissier en date du 29 août 2003, NETADI a également relevé appel de la même ordonnance ;

Qu’enfin, à l’audience du 03 décembre 2003, UAT intimée, a relevé appel incident de ladite ordonnance. ;

 

Sur la recevabilité des appels principaux relevés par SICOT et NETADI

Attendu que UAT, appelante incidente conclut en la forme à l’irrecevabilité de l’appel de la SICOT pour défaut de qualité, la reconnaissance de la SICOT comme partie en première instance dit-elle, procédant d’une erreur de droit ; que sur ce point l’article 170 de l’acte uniforme de l’OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution dispose qu’« à peine d’irrecevabilité, les contestations sont portées devant la juridiction compétente, par voie d’assignation dans le délai d’un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur… » ; que l’article 31 du code de procédure civile précise que « les fins de non-recevoir doivent être accueillies sans que celui qui les invoque ait à justifier d’un grief » ; que cette prescription vient conforter le caractère impératif de l’article 170 de l’acte uniforme ; qu’il est constant que la SICOT n’a pas élevé sa contestation sous forme d’assignation, mais acru pouvoir s’ingérer par voie d’intervention dans la procédure initiée par l’exposante ; que si la SICOT avait des raisons sérieuses de s’opposer aux saisies pratiquées sur ses comptes et voulait que son opposition soit jointe à celle de l’UAT, elle aurait pu élever la contestation par voie d’assignation et demander que les deux procédures soient jointes ; que c’est donc à tort que le juge des référés a reconnu en première instance la qualité de partie à la SICOT en recevant son intervention ;

Attendu que l’UAT soulève également l’irrecevabilité de l’appel de NETADI au seul motif tiré du défaut d’intérêt ; que l’objet poursuivi par NETADI, à savoir le paiement par les tiers saisies des sommes qui lui avaient été attribuées suite aux saisies, était impossible du fait de l’exécution de la décision de mainlevée du juge des référés ; qu’il est constant que le premier juge avait assorti d’exécution provisoire la mainlevée des saisies-attribution pratiquées sur les comptes de l’exposante ; que la société NETADI a acquiescé à cette décision faute d’en avoir demandé la suspension ; que dans le respect des textes, les établissements bancaires ont libéré les sommes attribuées à NETADI, suite à la notification qui leur a été faite le 14 août 2003 de l’ordonnance de référé du 12 août 2003 ; qu’il n’est donc pas possible d’ordonner aux établissements bancaires de reverser à NETADI des sommes qui depuis le 14 août 2003 ont cessé d’être attribuées à cette dernière ; qu’ainsi, l’appel de NETADI est irrecevable pour défaut d’intérêt ;

Attendu qu’en réplique aux observations de Maître AGBOYIBO pour l’UAT, Maître DOE-BRUCE Adama pour le compte de SICOT relève que l’article 172 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement des créances dispose que « la décision de la juridiction tranchant la contestation est susceptible d’appel dans les quinze jours de sa notification » ; que la décision avait été rendue le 12 août 2003 et la SICOT a relevé appel le 14 août 2003 donc dans les délais ;  que la SICOT ayant été partie à l’instance qui a rendu la décision dont appel, elle dispose d’un droit d’appel en vertu de l’article 185 du code de procédure civile ; que dans son exploit introductif d’instance en date du 07 août 2003 de contestation de saisie-attribution, l’UAT avait fait une interprétation abusive du procès-verbal de conciliation du 15 juin 2001 et la SICOT ne pouvait rester sans réaction pour qu’il soit préjudicié à ses intérêts ; que l’intervention de la SICOT était conforme à l’article 102 du code de procédure civile qui n’a pas été abrogé par l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement des créances et des voies d’exécution ; que ledit  article dispose que peut intervenir à l’instance celui qui peut exciper d’un intérêt ; que l’argumentation de l’UAT procède d’une interprétation singulière et restrictive de l’article 170 de l’acte uniforme sur le recouvrement des créances ; qu’à suivre le raisonnement de l’UAT, le législateur de l’OHADA obligerait les débiteurs à exercer les contestations au moment voulu par chacun d’eux, de sorte qu’une décision rendue entre le créancier et l’un d’eux, n’aurait pas d’effet à l’égard de l’autre, chacun devant obtenir sa propre décision à l’issue de la contestation ; que tel n’a pas pu être l’intention du législateur de l’OHADA ;

Mais attendu que les articles 172 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution et 178 du code togolais de procédure civile disposent respectivement que « la décision de la juridiction tranchant la contestation est susceptible d’appel dans les quinze jours de la notification… » et « le droit d’appel appartient à toute partie qui a intérêt, si elle n’y a pas renoncé.» ;

Attendu, en l’espèce, que la décision attaquée étant rendue le 12 août 2003, les appels relevés les 14 août 2003 et 29 août 2003 l’ont été dans le délai de quinze jours prescrit par l’article 172 de l’Acte uniforme énoncé ; que de même, l’ordonnance attaquée lèse les intérêts des parties appelantes en ce qu’elle a, d’une part, ordonné la mainlevée des saisies pratiquées par NETADI sur les comptes de l’UAT et, d’autre part, rejeté les demandes de SICOT et, enfin reconventionnellement enjoint à SICOT de verser à NETADI la somme de 73.092.244 F CFA et ce, sous astreintes de 100.000 F CFA par jour de retard ; que de tout ce qui précède, il y a lieu de déclarer recevables les appels principaux interjetés par SICOT et NETADI ;

 

Sur le fond

Attendu que SICOT soutient à l’appui de son appel que dans son arrêt du 20 mars 2003, la Cour suprême procédant par voie de retranchement, a déclaré que le calcul des intérêts doit être fait conformément à la loi ; qu’ainsi, les intérêts doivent être calculés à partir du jour où l’arrêt est devenu exécutoire ; qu’en exécution des arrêts de la Cour d’appel et de la Cour suprême, le reliquat de la somme de 73.092.244 F CFA réclamé est désormais de 54.000.000 F CFA, déduction déjà faite de la somme de 19.092.244 F CFA due à l’erreur de calcul ; que la saisie attribution doit donc porter sur la somme de 54.000.000 F CFA ; que pour donner une base à sa décision dont appel, le juge des référés a relevé que c’est en considération des éléments contenus dans le rapport de l’expert commis d’un commun accord que les deux parties ont signé le 15 juin 2001 le procès- verbal de conciliation ; que l’analyse du rapport de cet expert révèle que l’expert a tenu compte aussi bien du préjudice subi par l’assuré que de celui subi par les tiers ; qu’à la page 10 de ce rapport, il y a des rubriques intitulées dommages à autrui, frais de remise en état des lieux, frais divers d’entretien ; qu’il en est aussi à la page 14 ; que le rapport ayant englobé les deux sortes de préjudices, les parties en ont tenu compte au cours de la conciliation ; qu’il est donc indéniable que la somme de 3.600.000.000 F CFA que la SICOT a perçu couvre aussi bien les dommages causés à autrui en l’occurrence la NETADI et qu’ainsi, le paiement des sommes réclamées incombe à la société SICOT ; qu’en fondant sa décision sur ces seuls motifs, le juge des référés a procédé à une curieuse dénaturation des faits et a commis une erreur de droit manifeste ; que le rapport sur la base duquel, tant le jugement de première instance, l’arrêt de la Cour d’appel que celui de la Cour suprême ont été rendus date de février 1996 et a été rédigé par le cabinet OMNITRA ; que les dommages évalués par ce cabinet ont été chiffrés à 52.219.750 F CFA et n’ont rien à voir avec les sommes évoquées dans le rapport du tiers expert à ses pages 10 et 14 ; que s’il est vrai que le procès-verbal de conciliation du 15 juin 2001 indique que la somme de 3.600.000.000 F CFA est payée toutes causes de réclamation et de demande confondues y compris les frais d’expertises, les honoraires d’avocats et autres frais de poursuites, cette mention est relative non pas au procès initié par la NETADI, mais à celui initié par la SICOT contre l’UAT le 09 mai 2001 et dans lequel la SICOT réclamait plusieurs sommes à divers titres dont les frais entre la procédure initiée par NETADI et ayant abouti aux décisions mises en exécution, et celle intentée par SICOT et qui a abouti à la signature du procès-verbal de conciliation du 15 juin 2001 ; que de façon définitive, l’article 43, alinéa 3 du code CIMA dispose, « en cas d’assurance du risque locatif ou du recours du voisin, l’assureur ne peut payer à un autre que le propriétaire de l’objet loué, le voisin ou le tiers subrogé à leur droit, tout ou partie de la somme due, tant que lesdits propriétaires, voisin ou tiers subrogé, n’ont pas été désintéressés des conséquences du sinistre jusqu’à concurrence de ladite somme. » ; que UAT ne peut ignorer l’existence de cette disposition légale ;

Attendu que, reconventionnellement, la société SICOT fait valoir que c’est suite au refus de l’UAT de faire jouer sa garantie en qualité d’assureur, qu’elle a été amenée à servir à la société NETADI la somme de 53.521.143 F CFA ; qu’elle est donc fondée reconventionnellement à demander la condamnation de l’UAT à lui rembourser la somme de 53.521.143 F CFA payée à la société NETADI sous astreinte de 100.000 F CFA par jour de retard ; qu’elle sollicite qu’il plaise à la Cour infirmer l’ordonnance attaquée en toutes ses dispositions, et évoquant et statuant à nouveau :

  • dire et juger que les intérêts de droit ne peuvent courir qu’à compter du jour où l’arrêt du 25 mars 1999 est devenu exécutoire ;
  • dire et juger qu’en conséquence la saisie-attribution ne peut porter que sur la somme de 54.000.000 F CFA ;
  • dire et juger que les décisions mises à exécution n’ont fait l’objet d’aucune transaction entre la SICOT et l’UAT, et que l’UAT est toujours tenue à garantie ;
  • dire et juger que les causes de la saisie-attribution, telles que rectifiées seront cantonnées sur les comptes de l’UAT ;

Reconventionnellement :

  • Condamner l’UAT à rembourser à la SICOT, la somme de 53.521.143 F CFA sous astreinte de 100.000 F CFA par jour de retard ;
  • Ordonner l’exécution provisoire de l’arrêt à intervenir ;

Attendu que la société NETADI, autre appelante principale, fait valoir que le premier juge a fondé sa décision sur le motif tiré de ce que les décisions dont l’exécution a donné lieu à des saisies-attribution, n’ont pas expressément prononcé une condamnation solidaire ; qu’en appuyant sa décision sur un tel motif, le juge des référés d’instance n’a pas suffisamment motivé celle-ci, d’autant plus que les décisions dont l’exécution est contestée ont toutes déclaré l’UAT tenue à garantie des condamnations pécuniaires prononcées contre la SICOT ; qu’il tombe sous les sens qu’en déclarant l’UAT tenue à garantie des condamnations, la Cour n’a plus besoin de prononcer expressément la condamnation solidaire de l’UAT, l’acquisition de la garantie s’entendant implicitement aux termes de la loi sur les assurances d’une condamnation solidaire et conjointe en ce que cette formule permet à celui qui a subi le préjudice de poursuivre aussi bien l’assuré que l’assureur, en l’espèce l’UAT ; qu’il suit qu’en ordonnant mainlevée de la saisie attribution querellée au motif que l’arrêt exécuté n’a pas expressément prononcé la condamnation solidaire de l’UAT, le premier juge n’a pas suffisamment motivé sa décision, l’entachant ainsi de vice susceptible de l’annuler ; que par ailleurs, le premier juge en estimant que l’UAT a rapporté la preuve qu’en exécution du procès-verbal de conciliation signé le 15 juin 2001, elle a versé à la SICOT la somme de 3.600.000.000 F CFA, en réparation du préjudice subi, toutes causes de réclamation et de demande confondues, et qu’il y a lieu de considérer qu’elle s’est libérée aussi bien vis-à-vis de la SICOT que de la société NETADI, s’est lourdement trompé ; que la société NETADI n’étant pas partie au procès-verbal du 15 juin 2001, celui-ci ne peut pas lui être opposable ; que cela est d’autant plus patent que la NETADI n’a jamais donné procuration à la société SICOT à l’effet de recevoir en son nom et pour son compte un quelconque paiement de la part de l’UAT ; que si ce procès-verbal de conciliation concernait le préjudice subi par la NETADI, celle-ci aurait dû y être appelée, puisqu’à la date où il a été signé par l’UAT et la SICOT, le procès intenté contre elles était encore pendant devant la Cour Suprême du Togo ; qu’en opposant ce procès-verbal à la société NETADI, le premier juge n’a pas donné de base légale à sa décision ; qu’il convient d’annuler purement et simplement l’ordonnance attaquée pour défaut de base légale, d’évoquer et de statuer à nouveau ;

Attendu que l’UAT, appelante incidente et intimée, fait grief à l’ordonnance attaquée de n’avoir pas statué sur la demande en réparation du préjudice financier et commercial qu’elle a subi du fait des saisies-attribution abusives ; qu’elle relève que l’ordonnance attaquée révèle à sa lecture que le premier juge a effectivement omis de se prononcer sur ce chef de demande ; qu’elle sollicite qu’il plaise à la Cour, réformer l’ordonnance sur ce point et faire ce que le premier juge aurait dû faire, en condamnant NETADI à lui servir à titre de dommage-intérêts la somme de 500.000 F CFA par jour de blocage des comptes saisis jusqu’à la date du 14 août 2003 soit la somme totale de 15.500.000 F CFA ;

Attendu qu’en réplique au moyen d’appel de la SICOT, l’UAT fait observer que le moyen soulevé est une illustration de la mauvaise foi évidente de la SICOT ; que la société SICOT feint d’oublier qu’elle était en désaccord profond avec NETADI au sujet de l’évaluation par le cabinet OMNITRA des dommages causés à l’entrepôt ; que c’est pour être conséquente avec elle-même que, lors des pourparlers avec l’UAT, SICOT a fait valoir au titre de sa dette de réparation envers NETADI l’estimation ressortant des pages 10 et 14 du rapport du tiers expert RUPPRECHT ; qu’il est choquant que la société SICOT se prévale après coup du rapport du cabinet OMNITRA qu’elle-même a écarté pour prétendre qu’il fallait s’y référer dans le procès-verbal de conciliation pour justifier que la transaction couvrait les préjudices causés à NETADI ; que le grief formulé par la SICOT contre l’ordonnance entreprise pêche donc par son manque de sérieux et qu’il y a lieu de le rejeter, avec toutes les conséquences de droit ;

Attendu que pour répondre au moyen d’appel de la société NETADI, l’UAT expose que le grief articulé par la SICOT contre l’ordonnance entreprise est injustifié en fait et en droit ; que c’est la SICOT qui a été poursuivie et condamnée à payer diverses sommes à NETADI ; que c’est au cours de la procédure qu’elle a donné une procuration pour transiger  sur l’action en garantie qu’elle même a introduite ; que l’UAT n’a pas eu à prendre fait et cause pour SICOT dans l’action en responsabilité civile qui a opposé celle-ci à NETADI ; qu’il y eut ainsi deux procès parallèles qui ont donné lieu à des décisions distinctes ; que de toutes ces constations, il ressort qu’aucune des décisions dont se prévaut NETADI n’a fait cas de condamnation solidaire de l’UAT et de la SICOT ; qu’en droit, contrairement à ce que prétend NETADI, l’UAT ne pouvait en sa qualité d’assureur, être solidairement condamnée avec la SICOT, son assurée ; qu’il n’y a pas entre l’assureur et l’assuré, obligation solidaire bien que chacun soit engagé au tout ; que la NETADI a confondu « obligation solidaire » avec « obligation in solidum », (obligation au tout) ; qu’en réalité, la vraie question qui se pose est celle de savoir si après avoir réglé le principal de la réparation due à la victime, NETADI peut se soustraire au paiement du reliquat ; que c’est de mauvaise foi que NETADI reproche au premier juge d’avoir ordonné mainlevée des saisies-attribution sans motifs appropriés ; qu’elle sollicite quant au fond qu’il plaise à la Cour, réformant partiellement l’ordonnance entreprise, condamner la société NETADI à payer à l’exposante en réparation du préjudice financier et commercial qu’elle a subi du fait des saisies-attribution abusives, la somme de 13.500.000 F CFA ; qu’il plaise également à la Cour, subsidiairement, rejeter les griefs formulés par NETADI contre l’ordonnance de référé, avec toutes les conséquences de droit ;

 

Sur l’intervention et les demandes de SICOT

Attendu que pour  les mêmes motifs que ceux sur le fondement desquels l’arrêt attaqué a été cassé, il y a lieu de déclarer l’intervention de SICOT irrecevable et de la débouter, en conséquence, de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

 

Sur les demandes de NETADI

Sur la demande de condamnation conjointe et solidaire de UAT et SICOT

Attendu que lors de l’examen d’une procédure de contestation de saisie-attribution de créances, le rôle du juge est de se prononcer sur les conditions de fond et de forme de ladite saisie-attribution ; que le juge n’a pas à se prononcer sur la responsabilité du débiteur saisi, laquelle est en principe déterminée par le titre exécutoire sur le fondement duquel la saisie a été opérée ; qu’en l’espèce, UAT ayant élevé une contestation sur les différentes saisies opérées sur ses comptes dans différentes banques de la place de Lomé, il y a lieu de se prononcer uniquement sur les motifs invoqués par elle en vue d’obtenir la mainlevée desdites saisies ; que ce sont les procès-verbaux de saisie et les actes de dénonciation qui déterminent la portée des saisies en précisant notamment le montant de la créance cause des saisies, tant en principal qu’en intérêts et frais ; que la demande de NETADI tendant à la condamnation conjointe et solidaire de UAT et de SICOT ne rentrant pas dans ce champ d’application, il y a lieu de rejeter la demande de condamnation conjointe et solidaire formulée par NETADI ;

 

Sur la demande tendant à ordonner aux tiers saisis de payer entre les mains de NETADI sous astreinte

Attendu que NETADI ayant été débouté de sa demande tendant à la condamnation conjointe et solidaire de UAT et de SICOT, il y a lieu de relever que la présente demande devient sans objet ;

Sur les demandes de UAT

Sur la demande de mainlevée des saisies-attribution pratiquées à son préjudice

Attendu que c’est en exécution des Arrêts n°03 du 20 mars 2003 de la Cour Suprême du TOGO et n°07 du 25 mars 1999 de la Cour d’appel de Lomé que NETADI a pratiqué une série de saisies-attribution au préjudice de UAT sur des comptes ouverts dans différentes banques de la place de Lomé ;

Attendu que le procès-verbal de conciliation signé le 15 juin 2001 entre UAT et SICOT, « en réparation du préjudice subi, toute cause de réclamation et de demande confondues », ne lie pas NETADI et ne peut lui être opposable, puisque n’étant pas partie audit procès-verbal ; que mieux, à la date de la signature dudit procès-verbal, l’action intentée par NETADI contre SICOT et à laquelle UAT était appelée en intervention, était encore pendante devant la Cour Suprême du TOGO ; que l’Arrêt n°03 du 20 mars 2003 de ladite Cour Suprême, intervenu plus tard ne fait pas état  dudit procès-verbal ; que de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter la demande de UAT tendant à ordonner la mainlevée des saisies-attribution pratiquées à son préjudice et d’infirmer, en conséquence, l’ordonnance attaquée sur ce point ;

 

Sur  la demande de réparation du préjudice financier et commercial subi

Attendu que les saisies-attribution pratiquées par NETADI sur les comptes de UAT étant justifiées et sa demande de mainlevée étant rejetée, il y a lieu de débouter UAT de sa demande susindiquée ;

Attendu que SICOT et UAT ayant succombé, il y a lieu de les condamner, in solidum, aux dépens ;

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Casse l’Arrêt n°244/2003 rendu le 17 décembre 2003 par la chambre civile de la Cour d’appel de Lomé ;

Evoquant et statuant sur le fond,

Infirme l’Ordonnance n°424/2003 rendue le 12 août 2003 par le Président du Tribunal de première classe de Lomé ;

Déclare irrecevable l’intervention volontaire de SICOT et la déboute, en conséquence, de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

Rejette la demande de NETADI tendant à la condamnation conjointe et solidaire de UAT et SICOT ;

Rejette la demande de UAT tendant à la mainlevée des saisies-attribution pratiquées à son préjudice ;

Rejette la demande de UAT en réparation de préjudice financier et commercial subi ;

Condamne SICOT et UAT, in solidum, aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

Le Président

Le Greffier