ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

Première Chambre                          

Audience publique du 29 novembre 2012

Pourvoi : n° 032/2009/PC du 30 mars 2009

Affaire : Syndic des Copropriétaires de la Résidence Bellerive

                 (Conseil : Myriam DIALLO, Avocat à la Cour)

contre

       La Compagnie Ivoirienne Nouvelle d’Aménagement-Dépannage

       Industriel dite CINARDI

       (Conseil : KIGNIMA K. Charles, Avocat à la Cour)

ARRET N°078/2012 du 29 novembre 2012

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), Première Chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 29 novembre 2012 où étaient présents :

 

Messieurs  Antoine Joachim OLIVEIRA, Président

Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge, rapporteur

Marcel SEREKOÏSSE-SAMBA,Juge

 et   Maître MONBLE Jean Bosco, Greffier ;

 

Sur le renvoi, en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans de l’affaire Syndic des Copropriétaires de la résidence Bellerive contre la Compagnie Ivoirienne Nouvelle d’Aménagement Dépannage Industriel dite CINARDI, par Arrêt n°85/09 de la Cour suprême de Côte d’Ivoire en date du 12 février 2009, saisie d’un pourvoi initié le 24 novembre 2006 par Monsieur TIEMOKO KOFFI, représentant légal du Syndic des Copropriétaires de la Résidence Bellerive, ayant pour Conseil Maître KIGNIMA K. Charles, Avocat à la Cour, demeurant 17 Bd Roume, Résidence Roume, 2è étage, porte 22, Abidjan-Plateau en cassation de l’Arrêt n° 126/06 rendu le 10 février 2006 par  la Cour d’appel d’Abidjan dont le dispositif est le suivant :

 

« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort ;

Vu les conclusions écrites du Ministère public ;

Reçoit le syndicat des Copropriétaires de la résidence Bellerive en son appel relevé du Jugement n°1794 rendu le 30 juin 2004 par le Tribunal de première instance d’Abidjan ;

L’y dit cependant mal fondé, l’en déboute ;

Confirme le Jugement querellé ;

Condamne l’appelant aux dépens ;

 

Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;

 

Sur le rapport de Monsieur le Juge Doumssinrinmbaye BAHDJE ;

 

Vu les dispositions des articles 14, 15 et 16 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

 

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que la Société Compagnie Ivoirienne Nouvelle Aménagement-Dépannage Industriel dite CINARDI qui se dit créancière du Syndic des Copropriétaires de la Résidence Bellerive pour la somme de 36.593.959 francs CFA, a obtenu du juge des référés au Tribunal de première instance d’Abidjan, l’Ordonnance d’injonction de payer n°1876/2003 du 21 mars 2003 condamnant cette dernière à lui payer la somme susmentionnée ; que cette ordonnance a été signifiée au Syndic le 28 mars 2003 en la personne de la comptable ; que le 14 mai 2003, ce syndic, représenté par Monsieur TIEMOKO KOFFI a, par le biais de son Avocat Maître Myriam DIALLO, formé opposition contre l’ordonnance susmentionnée ; que le Tribunal de première instance d’Abidjan, par Jugement n°194/04 du 30 juin 2004, a déclaré l’opposition irrecevable pour avoir été formée hors délai ; que sur appel du Syndic des Copropriétaires de la Résidence Bellerive, la Cour d’appel d’Abidjan a confirmé le jugement entrepris, par Arrêt n°126/06 du 10 février 2006 ; que l’appelant a formé pourvoi en cassation contre ledit arrêt devant la Cour suprême de Côte d’Ivoire qui, à son tour et en application de l’article 15 du Traité institutif de l’OHADA, a transmis le dossier de l’affaire à la Cour de céans, par Arrêt n°085/09 du 12 février 2009 ;

 

Sur la fin de non-recevoir

 

Attendu que la Compagnie Ivoirienne d’Aménagement-Dépannage Industriel dite CINARDI soulève l’irrecevabilité du pourvoi en cassation formé par le Syndic des Copropriétaires de la Résidence Bellerive pour violation des dispositions de l’article 20 alinéas 3 et 4 du code de procédure civile, commerciale et administrative ivoirien aux termes desquels « les personnes morales privées ou physiques ne peuvent comparaître devant la Cour d’appel qu’en étant représentées par un avocat » ; que selon les défenderesses au pourvoi, il ressort des dispositions précédentes que l’introduction du pourvoi en cassation pour toute personne morale doit être faite par un avocat ; qu’ils précisent qu’en l’espèce, le pourvoi en cassation a été initié par Monsieur TIEMOKO KOFFI, fondé de pouvoir de la personne morale dénommée Syndic des Copropriétaires de la Résidence Bellerive ; que pour ces derniers, il est donc évident que Monsieur TIEMOKO KOFFI n’est pas un avocat inscrit au tableau de l’ordre et l’action qu’il a initiée doit être déclarée irrecevable ;

 

Mais attendu que les dispositions susvisées du code de procédure civile, commerciale et administrative ivoirien s’appliquent aux recours exercés devant les Cours d’appel ; que les pourvois relatifs à l’irrecevabilité devant la Cour de céans sont régis par l’article 28 du Règlement de procédure de la CCJA ; que le présent pourvoi ayant observé les conditions de recevabilité édictées par ledit article 28,  il suit que la fin de non recevoir soulevé par la CINARDI n’est pas fondée et doit être rejetée ;

 

  1. Sur la recevabilité de l’opposition

 

Attendu que le requérant relève que toutes les mentions requises ont fait défaut dans l’ordonnance qui lui a été signifiée, ordonnance rendue en faveur de la CINARDI ; qu’il soutient en outre que la signification n’a pas été faite à sa personne, conformément aux dispositions de l’article 10 alinéa 2 du Traité institutif de l’OHADA ; qu’il précise que la Cour d’appel, pour déclarer l’opposition irrecevable, a estimé que l’acte de signification critiqué fait ressortir que le débiteur est invité à former opposition dans le délai de quinze jours afin de faire valoir ses moyens de défense ; que du fait que c’est l’alinéa précité qui a été choisi, ledit article laisse expressément le choix à l’huissier instrumentaire ; qu’il affirme que cette manière d’interpréter l’article 8 du Traité susvisé est erronée ; que pour lui, ledit article 8 dispose qu’« à peine de nullité, la signification de la décision portant injonction de payer contient sommation d’avoir :

-soit à payer au créancier le montant de la somme fixée par la décision ainsi que les intérêts et frais du greffe dont le montant est précisée :

-soit, si le débiteur entend faire valoir des moyens de défense, à former opposition, celle-ci ayant pour objet de saisir la juridiction de la demande initiale du créancier et de l’ensemble du litige… » ;

 

Attendu en effet que l’article 8 ne donne pas le choix à l’huissier instrumentaire de sommer le débiteur d’avoir à payer, soit d’avoir à exercer la voie de recours qui est l’opposition, et ce contrairement aux motivations de la Cour d’appel ; que dans la rédaction de l’article 8 et dans l’esprit du législateur, celui-ci n’entend pas faire obligation au créancier de sommer son débiteur afin de l’amener à exercer une voie de recours en l’occurrence l’opposition ; que le législateur fait obligation au créancier de mentionner dans l’acte de signification de l’ordonnance d’injonction de payer, à peine de nullité, sommation au débiteur d’avoir à payer le montant fixé dans la décision ainsi que les intérêts et frais de greffe dont le montant est précisé » ; que si le débiteur venait à contester la créance, lui indiquer également sous peine de nullité dans le même acte la voie de recours à exercer, le délai dudit recours et la juridiction compétente ; qu’il faut préciser cependant que selon ledit article 8 du Traité susvisé, si le montant de la somme fixée par la décision, les frais de greffe sont précis, les intérêts ne sont par contre pas déterminés ; « qu’en l’espèce, c’est un cas de nullité de l’exploit de signification ; que la nullité étant rétroactive, la signification est sensée n’avoir jamais été faite ; que donc les juges d’appel, dans leur motivation, ont commis une erreur dans l’interprétation de la loi, le débiteur devant en outre recevoir personnellement l’acte de signification de la décision portant injonction de payer ; que si ce n’est pas le cas, l’opposition est recevable jusqu’à l’expiration du délai de quinze jours suivant le premier acte signifié à personne ou à défaut suivant la première mesure d’exécution ; qu’en l’espèce, l’exploit de signification a été délaissé à la comptable ; que concernant la remise des exploits d’huissier au sens des dispositions de l’article 255 du code de procédure civile, les actes sont délaissés, pour les personnes morales de droit privé autres que les sociétés de commerce, en la personne de leur représentant légal ; que dans ces conditions, l’exploit de signification n’ayant pas été servi à la personne de Monsieur TIEMOKO KOFFI, l’opposition formée par lui est recevable ; que de ce qui précède, les juges d’appel ont méconnu les dispositions des articles 8 et 10 du Traité OHADA et que pour cela, la Cour de céans voudra annuler ou casser l’arrêt querellé sur ce point » ;

 

Mais attendu que l’examen de l’acte de signification critiqué fait ressortir que le débiteur avait été invité à former opposition dans le délai de quinze jours afin de faire valoir ses moyens de défense ; que l’alinéa 3 de l’article 8 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution dont il est fait ici application a laissé expressément le choix à l’huissier instrumentaire ; que dès lors, l’exploit incriminé ayant valablement fait courir le délai d’opposition, c’est à bon droit que le premier juge a déclaré irrecevable l’opposition formée tardivement par le Syndic des Copropriétaires de la Résidence Bellerive ; qu’il s’ensuit que le grief de la recevabilité de l’Acte de signification soulevé par le requérant n’est pas fondé et doit être rejeté ;

 

Sur le deuxième moyen, tiré du défaut de base légale

Attendu, selon le moyen, que la CINARDI prétendant être créancière du requérant, doit faire la preuve de sa créance ; qu’au lieu de cela, l’intimé se borne à faire des affirmations gratuites ; qu’à ce jour, elle n’a pu fournir le moindre élément de preuve comme il le lui a été demandé à maintes reprisés ; que c’est donc pour cela que le requérant est en droit de considérer qu’il n’est nullement le débiteur de l’intimée ; que si par hasard, la Cour estime la demande fondée, elles constatera qu’il y a compte à faire entre les parties, étant donné le nombre d’intervenants dans ce litige et les encaissements faits de part et d’autre, ainsi que le désaccord entre les parties » ;

 

Mais attendu qu’il ressort des dispositions de l’article 8 susvisé que l’acte de signification souligne le fait que le débiteur est invité à former opposition dans le délai de quinze jours pour faire valoir ses moyens de défense ; que cela a été justement fait ; qu’il s’ensuit que la Cour n’a en rien violé l’article 8 susvisé mais qu’elle en a fait au contraire une juste application ; que c’est donc à juste raison qu’elle a confirmé le jugement entrepris qui a déclaré l’opposition irrecevable que le défaut d’indication des intérêts dans l’exploit de signification ne remet pas en cause sa validité dès lors que lesdits intérêts n’ont pas été  réclamés par la créancière ; qu’il s’ensuit que le pourvoi en cassation formé par le Syndicat des Copropriétaires de la Résidence Bellerive contre l’Arrêt n°126/06 du 10 février 2006 de la Cour d’appel d’Abidjan n’est pas fondé et doit être rejeté ;

 

Attendu que le Syndic de la Résidence Bellerive ayant succombé, doit être condamné  aux dépens ;

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard des parties ;

-Rejette la fin de non recevoir soulevée par la Compagnie Ivoirienne Nouvelle Aménagement-0Dépannage Industriel dite CINARDI ;

-Rejette le pourvoi formé par le Syndic des Copropriétaires de la Résidence Bellerive contre l’Arrêt n°126/06 rendu le 10 février 2006 par la Cour d’appel d’Abidjan ;

Le condamne aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

Le Président

Le Greffier