ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

Audience Publique du 29 avril 2004

POURVOI N° : 010/2003/PC du 06 février 2003

AFFAIRE : Société UNIVERSAL MATERIELS dite UNIMAT

           (Conseils : SCPA “INDENIE” , Avocats à la Cour)

                    contre

          SOCIETE de DIFFUSION et de REPRESENTATION

            dite SODIREP

               (Conseils : Maîtres ELGHOZI-OUANGUI et Associés, Avocats à  la Cour)                 

ARRET N°018/2004 du 29 avril 2004

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A) a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 29 avril 2004 où étaient  présents :

 

Messieurs  Seydou BA,          Président

Jacques M’BOSSO,              Premier Vice-président

Antoine Joachim OLIVEIRA,  Second Vice-président

Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge

Maïnassara MAIDAGI,          Juge

Boubacar DICKO,               Juge, rapporteur

Biquezil NAMBAK,              Juge

et  Maître Pascal Edouard NGANGA, Greffier en chef ;

 

Sur le renvoi en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans, de l’affaire société UNIMAT contre société SODIREP, par Arrêt n°225/02 du 14 mars 2002 de la Cour Suprême de COTE D’IVOIRE, Chambre Judiciaire, formation civile, saisie d’un pourvoi initié le 20 avril 1998 par la SCPA “INDENIE” Avocats à la Cour, demeurant 3, rue des Avodirés, “Indenié”, 20 BP 1355 Abidjan 20, agissant au nom et pour le compte de la Société UNIMAT, enregistré sous le n°98-136 CIV du 20 avril 1998 contre l’Arrêt n°159 rendu le 30 janvier 1998 par la Cour d’appel d’Abidjan au profit de la Société SODIREP, et dont le dispositif est le suivant :

« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;

 

En la forme :

Déclare la Société UNIMAT recevable en son appel relevé du Jugement civil n°464/CIV/4A rendu le 28 juillet 1997 par le Tribunal d’Abidjan ;

 

Au fond

L’y dit mal fondée ;

L’en déboute ;

Confirme en toutes ses dispositions ledit jugement ;

La condamne aux dépens » ;

 

La requérante invoque à l’appui de son pourvoi le moyen de cassation tel qu’il figure à l’ « exploit d’huissier valant pourvoi en cassation » annexé au présent arrêt ;

 

Sur le rapport de Monsieur le Juge Boubacar DICKO ;

Vu les articles 13, 14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que depuis 1988, la société UNIMAT était bénéficiaire d’un bail à usage commercial portant sur un local sis à Abidjan, 28, rue THOMAS EDISON et appartenant à la Société Forestière de l’Indénié dite CFI ; que celle-ci, alors que ledit bail était renouvelé chaque année, informait, le 14 mars 1996, le preneur de son refus du renouvellement au motif qu’elle avait vendu l’immeuble abritant le local à une tierce personne, en l’occurrence, la société SODIREP ; que ce refus était matérialisé par une lettre adressée le 14 septembre 1996 au preneur par la société EBUR IMMOBILIER, société immobilière agissant en qualité de mandataire de CFI ; que le 25 septembre 1996, la société SODIREP, nouvel  acquéreur, délaissait un exploit de congé à la société UNIMAT au motif que l’immeuble devait être démoli puis reconstruit ; que par exploit en date du 25 novembre 1996, la Société UNIMAT assignait en contestation de congé et, à défaut, en paiement d’une indemnité d’éviction outre des dommages –intérêts, les sociétés CFI, SODIREP et EBUR IMMOBILIER devant le Tribunal de première instance d’Abidjan ; que celui-ci,  par Jugement n°464/CIV/4A du 28 juillet 1997, la déboutait et déclarait « valable le congé du 25 septembre 1996 comme étant conforme aux dispositions de l’article 11 de la loi 80-1069 du 13 septembre 1980 » réglementant les rapports entre bailleurs et locataires en ce qui concerne le renouvellement des baux à loyer d’immeuble ou de locaux à usage commercial, industriel ou artisanal, et ordonnait « l’expulsion de la société UNIMAT des lieux qu’elle occupe tant de sa personne de ses biens que de tous occupants de son chef » ; que par acte en date du 28 octobre 1997, la société UNIMAT relevait appel du jugement précité devant la Cour d’appel d’Abidjan et celle-ci, par Arrêt n°159 rendu le 30 janvier 1998, le confirmait en toutes ses dispositions ; que par exploit en date du 20 avril 1998, la société UNIMAT formait un pourvoi en cassation contre l’arrêt précité devant la Cour Suprême de COTE D’IVOIRE ; que cette dernière, par Arrêt n°225/02 rendu le 14 mars 2002, s’est dessaisie du dossier de l’affaire au profit de la Cour de céans aux motifs qu’elle « soulève des questions relatives à l’application des Actes uniformes, précisément l’Acte uniforme du 17 avril 1997 relatif au droit commercial général, entré en vigueur le 2 novembre 1997 » ;

 

Sur la compétence de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA 

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir commis une erreur dans l’application ou l’interprétation de la loi en ce que la Cour d’appel a débouté la requérante de sa demande de paiement d’une indemnité d’éviction au motif que le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement de cette indemnité s’il est établi que l’immeuble doit être démoli pour être reconstruit ; qu’en statuant ainsi alors, selon le moyen, qu’il résulte de l’article 10 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique que « les Actes uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les Etats parties nonobstant toute disposition contraire de droit interne antérieure ou postérieure » et qu’en vertu dudit article, seul était applicable en la cause l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général entré en vigueur le 1er janvier 1998 et notamment son article 95 relatif au bail commercial, la Cour d’appel a méconnu les dispositions d’ordre public dudit article qui, selon la requérante, abroge l’article 11 de la loi n°80-1069 du 13 septembre 1980, réglementant les rapports entre bailleurs et locataires en ce qui concerne le renouvellement des baux à loyer d’immeubles ou de locaux à usage commercial, industriel ou artisanal qui a été appliqué en l’espèce ; qu’il s’ensuit que l’arrêt attaqué doit être cassé ;

 

Attendu que par Arrêt n°225/02 du 14 mars 2002, la Chambre judiciaire de la Cour Suprême de COTE D’IVOIRE s’est dessaisie du dossier de la procédure au profit de la Cour de céans au motif que « l’affaire soulève… des questions relatives à l’application des Actes uniformes OHADA, précisément l’Acte uniforme du 17 avril 1997 relatif au droit commercial général… » ;

 

Mais attendu que l’article 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique édicte que la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA assure dans les Etats parties l’interprétation et l’application commune des Actes uniformes et, saisie par la voie du recours en cassation, se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d’appel des Etats parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des Actes uniformes et des règlements prévus au présent Traité à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales, ainsi que dans les mêmes conditions sur les décisions non susceptibles d’appel rendues par toute juridiction des Etats parties dans les mêmes contentieux ;

 

Attendu qu’il ressort de l’examen des pièces du dossier de la procédure que l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général, entré en vigueur le 1er janvier 1998, n’avait pas intégré l’ordre juridique interne de la République de COTE D’IVOIRE à la date de l’exploit introductif d’instance, soit le 25 novembre 1996 et qu’il ne pouvait de ce fait être applicable ; que dans ce contexte spécifique, aucun grief ni moyen relatif à l’application de l’Acte uniforme invoqué n’avait pu être formulé et présenté devant les juges du fond ; que dès lors, les conditions de compétence de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA en matière contentieuse, telles que précisées à l’article 14 susvisé n’étant pas réunies, il y a lieu de se déclarer incompétent et renvoyer l’affaire devant la Cour Suprême de COTE D’IVOIRE ;

 

Attendu qu’il y a lieu de réserver les dépens ;

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Se déclare incompétente ;

Renvoie l’affaire devant la Cour Suprême de COTE D’IVOIRE ;

Réserve les dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

 

Le Président

Le Greffier en chef