ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

Première chambre

Audience publique du 09 novembre 2017

Pourvoi : N° 143/2015/PC du 21/08/2015                 

Affaire : Société SHIRE PETROLEUM SARL

                     (Conseil : Maître MASUDI KADOGO, Avocat à la Cour)

                           Contre

                Les Etablissements YEMOKO LOUZAKI 

                  (Conseil : Maître CHIRI KAHATWA Hubert, Avocat à la Cour)

Arrêt N°192/2017 du 09 novembre 2017

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), première chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 09 novembre 2017 où étaient présents :

Madame Flora DALMEIDA MELE,                                            Présidente

Messieurs Marcel SEREKOISSE SAMBA,                                    Juge, rapporteur

Robert SAFARI ZIHALIRWA,                                                       Juge

et Maître Edmond Acka ASSIEHUE,                                        Greffier ;

 

Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 21 août 2015 sous le n°143/2015/PC et formé par Maître MASUDI KADOGO, Avocat au Barreau de Goma, Numéro ONA 2705, Cabinet sis au 20, Avenue Touristes, Quartier les Volcans Commune de GOMA en ville de Goma, agissant au nom et pour le compte de la société SHIRE PETROLEUM SARL, représentée par son Gérant statutaire, sise au 5, Avenue de la Révolution, en Commune et ville de Lubumbashi, dans la cause qui l’oppose aux ETABLISSEMENTS YEMOKO LOUZAKI, résidant sur l’Avenue Touristes, n° 151/9 Quartier les Volcans, Commune de Goma en ville de Goma, ayant pour Conseil Maître CHIRI KAHATWA Hubert, Avocat au Barreau de Goma, Numéro ONA 0253, Cabinet sis à Karisimbi, Quartier Mikeno à Goma, en cassation de l’arrêt n°RCA 3231  rendu le 18 mai 2015 par la Cour d’appel de Goma (RDC) et dont le dispositif suit :

« Statuant contradictoirement à l’égard de toutes les parties ;

Le Ministère public entendu en son avis ;

Reçoit la requête introduite par sieur LOUZAKI YEMOKO et la dit fondée ;

Accorde les défenses à exécuter l’ordonnance n° 105/2015 du 13 avril 2015 prise par le Président du Tribunal de commerce de Goma ;

Met les frais d’instance à charge de la défenderesse » ;

La requérante invoque à l’appui de son pourvoi six moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;

 

Sur le rapport de Monsieur Marcel SEREKOÏSSE-SAMBA, Juge ;

 

Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

 

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure qu’en date du 23 avril 2014, la société SHIRE PETROLEUM SARL a signé avec les Etablissements YEMOKO un protocole d’accord de fourniture  de carburant ; qu’en règlement partiel de leur dette, les Ets Yemoko ont émis deux chèques respectivement de 36250$ et 55000$ qui sont revenus impayés faute de provision ; que le 25 juin 2014, SHIRE, en application de l’article 7 du même protocole d’accord, a fait délivrer une sommation à sa débitrice aux fins de paiement de la somme de 86.442,13$, dont les Ets Yemoko ont accusé réception le 1er juillet 2014 ; qu’une tentative de règlement amiable initiée par SHIRE a abouti à la signature de deux autres protocoles d’accord en date du 22 août 2014, lesquels ont permis la signature d’un procès-verbal de conciliation RCE 049/2014 devant le Président du tribunal de commerce ; que l’inobservation persistante des engagements des Ets Yemoko a amené SHIRE à recourir à l’exécution forcée du procès-verbal de conciliation par la signification à son débiteur, le 11 mars 2015, d’un commandement aux fins de la saisie de l’immeuble immatriculé sous le numéro SU 223 vol F79 Folio 166 D1/V-1313 dont LOUZAKI YEMOKO est propriétaire ; que celui-ci, estimant que la procédure de saisie a été mal dirigée du fait que l’immeuble dont saisie n’appartient pas aux Ets Yemoko , a intenté une action en annulation de la saisie immobilière dont il a été débouté par l’ordonnance n°105/2015 en date du 13 avril 2015 rendue par le Président du Tribunal de commerce de Goma qui a déclaré valable et confirmé ladite saisie immobilière ; que sur appel de sieur LOUZAKI YEMOKO, la Cour d’appel de Goma a rendu l’arrêt sus-énoncé dont pourvoi ;

Sur le troisième moyen

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 44 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général, en ce qu’il a ordonné la défense à exécuter l’ordonnance n°105/2015 du 13 avril 2015, au motif qu’il existe une contestation sérieuse au sujet de l’identification de la personne qui a contracté avec la société SHIRE dans le litige porté devant le premier juge, alors  d’une part, qu’il existe un titre exécutoire matérialisé par un procès-verbal de conciliation dûment signé par toutes les parties le 05 septembre 2014 et revêtu de la formule exécutoire et , d’autre part, qu’il ressort du RCCM CD/GOM/RCCM/14-A-00258. ANC NCR-324, que les Ets YEMOKO appartiennent à Monsieur LOUZAKI YEMOKO tel qu’il les a immatriculés conformément à l’article 44 dudit Acte uniforme ;

Attendu en effet que la procédure de saisie immobilière diligentée contre l’immeuble appartenant à Monsieur LOUZAKI YEMOKO, personne physique et seul propriétaire de l’entreprise individuelle dénommée « Ets YEMOKO », inscrite comme il l’a fait au RCCM, doit être déclarée régulière, en vertu de ce que l’identité de la personne physique commerçante créant une entreprise individuelle se confond avec celle-ci ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la Cour d’appel de Goma a violé l’article 44 sus indiqué ; qu’il y a lieu de casser l’arrêt déféré, d’évoquer et statuer sur le fond, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi ;

Sur l’évocation  

Attendu que par déclaration reçue au greffe de la Cour d’appel de Goma en date du 20 avril 2015, la société SHIRE PETROLEUM SARL a relevé appel de l’ordonnance n° 105/2015 rendue le 13 avril 2015 par le Président du Tribunal de commerce de Goma dont le dispositif suit :

« Par ces motifs ;

Statuant comme juridiction compétente en matière d’urgence et en qualité de Président et contradictoirement à l’égard des parties ;

Disons valable et confirmons la saisie immobilière pratiquée à l’initiative de la société SHIRE PETROLEUM sur l’immeuble SU 223 couvert par le certificat d’enregistrement(CE) vol F 79 Folio 166 appartenant à Monsieur LOUZAKI YEMOKO ;

Disons notre ordonnance exécutoire sur minute ;

Mettons les frais de la présente instance à charge du demandeur LOUZAKI YEMOKO »

Qu’au soutien de son appel, LOUZAKI YEMOKO expose que, d’une part, la créance de la société SHIRE PETROLEUM  est apurée suivant des pièces qu’il a produites aux débats et d’autre part, l’immeuble saisi est inscrit à son nom et non à celui des établissements YEMOKO ; que son nom n’apparaît pas dans la procédure devant le premier juge et il en infère qu’il n’a jamais fait partie de toutes les contestations relatives au paiement de la dette, objet du litige ; qu’il demande que la défense à exécution sollicitée soit accordée ;

Attendu que la société SHIRE PETROLEUM réplique que l’ordonnance querellée est fondée sur un acte authentique revêtu de la formule exécutoire ; que YEMOKO ne prouve pas matériellement l’apurement de la dette ; qu’il est le propriétaire des établissements YEMOKO ; qu’il conclut au rejet de la demande non fondée de LOUZAKI YEMOKO ;

Mais attendu que le moyen fondé sur l’apurement de la dette relève du fond du litige, lequel ne fait pas l’objet de l’instance soumise devant elle ; qu’en outre, pour les mêmes motifs ci-dessus qui ont déterminé la Cour de céans à casser l’arrêt déféré, il y a lieu de confirmer l’ordonnance attaquée et d’ordonner la poursuite de la procédure de saisie immobilière ;

Attendu qu’ayant succombé, les Etablissements YEMOKO et LOUZAKI YEMOKO doivent être condamnés aux dépens ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Casse l’arrêt n° RCA 3231 rendu le 18 mai 2015 par la Cour d’appel de GOMA         en République Démocratique du Congo ;

Evoquant et statuant sur le fond,

Confirme l’ordonnance n° 105/2015 rendue le 13 avril 2015 par le Président du Tribunal de Commerce de GOMA et ordonne en conséquence la poursuite de la procédure de saisie immobilière ;

Condamne les Etablissements YEMOKO et LOUZAKI YEMOKO aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

La Présidente

Le Greffier