ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

Deuxième Chambre

Audience Publique du 27 janvier 2005 

Pourvoi : n° 032/2003/PC du 14 mars 2003

Affaire : Société Optique Instrumentale

 (Conseil : Maître VIEIRA Georges Patrick, Avocat à la Cour)

  Contre

 Société Transit et de Groupage dite ITRAG-Transit

  (Conseil : Maître TIDOU SANOGO, Avocat à la Cour)

 ARRET N° 007/2005   du 27 janvier 2005

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.), de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), Deuxième Chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 27 janvier 2005 où étaient présents :

  1. Antoine Joachim OLIVEIRA, Président

Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge, rapporteur

Boubacar DICKO,  Juge

et Maître ASSIEHUE Acka,  Greffier ;

 

Sur le renvoi, en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans de l’affaire Société Optique Instrumentale contre Société Transit et de Groupage dite ITRAG – Transit, par Arrêt n° 636/02 en date du 17 octobre 2002 de la Cour Suprême, Chambre judiciaire, Formation civile de COTE D’IVOIRE, saisie d’un pourvoi formé le 21 mars 2002 par Maître VIEIRA Georges Patrick, Avocat à la Cour, demeurant au 3, Rue des Fromagers, Abidjan – Plateau Indénié, Immeuble Capsy – Indénié, 1er étage à gauche, 01 B.P. V 159 Abidjan 01, agissant au nom et pour le compte de la Société Optique Instrumentale, dans la cause opposant celle-ci à la Société Transit et de Groupage dite ITRAG – Transit, ayant pour conseil Maître TIDOU SANOGO, Avocat à la Cour, demeurant, immeuble Roche, Boulevard Giscard d’Estaing, 06 B.P. 1932 Abidjan 06,en cassation de l’Arrêt n° 1164 du 31 juillet 2001 rendu par la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :

« Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en dernier ressort ;

Déclare recevable mais mal fondé et rejette comme tel l’appel relevé par la Société Optique Instrumentale du Jugement n° 601/Civ./2B rendu le 17/07/2000 par le Tribunal de première instance d’Abidjan ;

Confirme ledit jugement en toutes ses dispositions ;

Condamne l’appelante aux dépens » ;

La requérante invoque à l’appui de son pourvoi le moyen unique de cassation tel qu’il figure à la requête annexée au présent Arrêt ;

Sur le rapport de Monsieur le Juge Doumssinrinmbaye BAHDJE ;

Vu les dispositions des articles 13, 14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

Attendu qu’il résulte de l’examen des pièces du dossier de la procédure que la Société Optique Instrumentale a émis le 3 août 1993 au profit de la Société Transit et de Groupage dite ITRAG – Transit une lettre de change d’un montant de 3.609.336 francs CFA qui, présentée à l’encaissement, est revenue impayée ; que la Société ITRAG – Transit a sollicité et obtenu du Président du Tribunal de première instance d’Abidjan la condamnation de la Société Optique Instrumentale à lui payer la somme de 3.609.366 francs CFA, par Ordonnance d’injonction de payer n° 1189/2000 du 4 février 2000 ; qu’un commandement de saisie-vente a été délivré à Madame Cambelle le 20 mars 2000 ; que sur opposition formée par la Société Optique Instrumentale le 6 avril 2000, le Tribunal de première instance d’Abidjan, par Jugement n° 601/Civ.2 du 17 juillet 2000, a déclaré irrecevable cette opposition ; que sur appel relevé de ce jugement le 17 août 2000, la Cour d’appel d’Abidjan a confirmé ledit jugement en toutes ses dispositions, par Arrêt n° 1164 du 31 juillet 2001 ; que la Société  Optique Instrumentale s’est pourvue en cassation devant la Cour Suprême de Côte d’Ivoire contre l’arrêt précité ; que ladite Cour s’est dessaisie du dossier de l’affaire au profit de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

Sur le moyen unique pris en sa première branche

Vu l’article 10, alinéa 2, de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 10, alinéa 2, de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution en ce que la « Cour d’appel a estimé que le délai d’opposition courait à compter de la mesure d’exécution tendant à rendre totalement ou partiellement indisponible le patrimoine de l’opposant » alors que, selon la requérante, l’opposition est recevable jusqu’à l’expiration du délai de 15 jours suivant le premier acte signifié à personne  ou, à défaut, la première mesure d’exécution ; que toujours selon la demanderesse au pourvoi, le commandement en l’espèce aurait été servi à Madame Cambelle qui n’existe pas dans sa société, « de sorte que l’exploit dont la Société ITRAG voulait tirer bénéfice n’a pu faire courir aucun délai » ;

Attendu qu’aux termes de l’article précité, « L’opposition doit être formée dans les quinze jours qui suivent la signification de la décision portant injonction de payer. Le délai est augmenté, éventuellement, des délais de distance.

Toutefois, si le débiteur n’a pas reçu personnellement la signification de la décision portant injonction de payer, l’opposition est recevable jusqu’à l’expiration du délai de quinze jours suivant le premier acte signifié à personne ou, à défaut, suivant la première mesure d’exécution ayant pour effet de rendre indisponible en tout ou en partie les biens du débiteur » ;

Attendu qu’en l’espèce, le commandement aux fins de saisie-vente a été servi à Madame Cambelle, étrangère au service et non à un responsable de la Société habilité à le recevoir ; que le rôle du commandement précité étant de permettre une saisie sans pour autant avoir pour effet de rendre indisponible en tout ou en partie les biens du débiteur,  il n’est pas une mesure d’exécution forcée ; que dès lors, le commandement n’ayant pas été reçu personnellement par le débiteur et ne constituant pas une première mesure d’exécution forcée n’a pu faire courir le délai spécifié à l’alinéa 2 de l’article 10 de l’Acte uniforme susvisé ; qu’il s’ensuit qu’en déclarant que «… l’acte de commandement en vue de la vente du 20 mars 2000 étant une mesure d’exécution tendant à rendre totalement ou partiellement indisponible le patrimoine de l’opposant, son opposition formée plus de 15 jours après cet exploit est manifestement tardive… », la Cour d’appel d’Abidjan a violé ledit article ; qu’il échet en conséquence de casser l’arrêt et d’évoquer, sans qu’il soit nécessaire de statuer sur la seconde branche du moyen ;

 Sur l’évocation

Attendu que la Société Optique Instrumentale appelante a émis une lettre de change le 03 août 1993 d’un montant de 3.609.366 francs CFA au profit de la Société ITRAG-Transit ; que la traite est revenue impayée, obligeant cette dernière à solliciter et à obtenir du Président du Tribunal de grande instance d’Abidjan la condamnation de la Société Optique Instrumentale à lui payer la somme de 3.609.366 francs CFA ; que la Société Optique Instrumentale a formé opposition à cette Ordonnance prise le 4 février 2000 sous le n° 1189 ; qu’elle soutient que l’ordonnance ne lui a pas été notifiée ; qu’elle soulève par ailleurs l’irrecevabilité de la requête aux fins d’injonction de payer au motif qu’il n’y est pas mentionné la forme de la Société Optique Instrumentale ; qu’en outre, elle conteste la somme réclamée en affirmant qu’elle a effectué divers paiements par chèques entre les mains du conseil de la Société ITRAG-Transit et qu’elle fait savoir que l’action de son adversaire ne se justifie que par la volonté de celui-ci de s’enrichir sans cause, la traite impayée n’ayant pas été restituée ;

Attendu que la Société ITRAG-Transit assignée à Mairie n’a pas conclu ;

Sur la recevabilité de la requête

Attendu qu’aux termes de l’article 4 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, « la requête [aux fins d’injonction de payer] doit être déposée ou adressée par le demandeur, ou par son mandataire autorisé par la loi de chaque Etat partie à le représenter en justice, au greffe de la juridiction compétente. Elle contient, à peine d’irrecevabilité :

1°) les noms, prénoms, profession et domicile des parties ou, pour les personnes morales, leurs forme, dénomination et siège social ;

2°) l’indication précise du montant de la somme réclamée avec le décompte des différents éléments de la créance ainsi que le fondement de celle-ci.

Elle est accompagnée des documents justificatifs en originaux ou en copies certifiées conformes.

Lorsque la requête émane d’une personne non domiciliée dans l’Etat de la juridiction compétente saisie, elle doit contenir sous la même sanction élection de domicile dans le ressort de cette juridiction.» ;

Attendu qu’en l’espèce, la requête ne contient pas la forme de la Société Optique Instrumentale ; que cette mention de la forme de la Société étant prévue à peine d’irrecevabilité, il échet d’infirmer le jugement entrepris et d’annuler l’Ordonnance d’injonction de payer n° 1189 rendue le 4 février 2000 par le Président du Tribunal de première instance d’Abidjan ;

Attendu que la Société ITRAG-Transit ayant succombé, doit être condamnée aux dépens.

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Casse l’Arrêt n° 1164 rendu le 31 juillet 2001 par la Cour d’appel d’Abidjan ;

Evoquant et statuant au fond,

Infirme le Jugement n° 601 rendu le 17 juillet 2000 par le Tribunal de première instance d’Abidjan ;

Annule l’Ordonnance d’injonction de payer n°1189/2000 rendu le 4 février 2000 par le Président du Tribunal de première instance d’Abidjan ;

Condamne la Société Transit et de Groupage dite ITRAG-Transit aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et  an  que dessus et ont signé.

 

Le Président

Le Greffier en chef