Audience publique du 30 mars 2017

 

Pourvoi :  n° 005/2014/PC du 09/01/2014

 

Affaire : Société MC BRIDGE ADVISORY LIMITED

      (Conseils : Maître Guédel NDIAYE et Associés, avocats à la Cour)

                                          contre

Société Nationale d’Electricité, dite SENELEC SA

(Conseils : SCP Mayacine TOUNKARA et Associés et Maître Karim FADIKA, avocats à la Cour)

                                 

ARRET N° 071/2017 du 30 mars 2017

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Troisième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 30 mars 2017 où étaient présents :

 

Messieurs     Mamadou DEME,                                Président, rapporteur

Victoriano OBIANG ABOGO,                 Juge

Idrissa YAYE,                                        Juge

Birika Jean Claude BONZI,                  Juge

Fodé KANTE,                                        Juge

 

et  Maître    Alfred Koessy BADO,                          Greffier ;

 

Sur le recours  enregistré au greffe de cette cour le 9 janvier 2014 sous le numéro 005/2014/PC, formé par la société MC BRIDGE ADVISORY LIMITED, société de droit suisse dont le siège est au 6901 Lugano, 3 via Lavizzari CP (Suisse), ayant pour conseils  Maître Guédel NDIAYE et Associés, avocats à la Cour, 73 bis Rue Amadou Assane NDOYE à Dakar, dans la cause qui l’oppose à la Société Nationale d’Electricité, dite SENELEC, société anonyme dont le siège est au 28 Rue Vincens à Dakar, ayant pour conseils Maître Mayacine TOUKARA et Associés, avocats à la Cour, 15 Boulevard Djily MBAYE angle rue de Thann, immeuble Xeeweul, 1er étage, Dakar, et Maître Karim FADIKA, avocat à la Cour, Abidjan, Résidence les Harmonies, Rue du Docteur Jamot, 01 BP 2297 Abidjan 01,en cassation de l’arrêt numéro 02 rendu le 16 février 2012 par la Cour d’appel de Saint-Louis (Sénégal), dont le dispositif est le suivant:

« Statuant publiquement, contradictoirement, en audience solennelle, en matière commerciale et en dernier ressort ;

 

EN LA FORME

Rejette les exceptions d’incompétence et d’irrecevabilité soulevées ;

Déclare la saisine régulière, la Cour d’appel de céans compétente et l’action recevable ;

 

AU FOND

Vu l’arrêt n°16 du 07 octobre 2010 de la Cour Suprême ;

Déclare la requête civile fondée ;

Rétracte l’arrêt rendu le 14 décembre 2006 par la Cour d’appel de Dakar,

Statuant à nouveau,

 

Déclare l’appel du 13 février 2004 irrecevable ;

 

Condamne la société MC BRIDGE ADVISORY LIMITED aux dépens » ;

 

La société demanderesse invoque à l’appui de son pourvoi cinq moyens de cassation tels qu’ils figurent à sa requête annexée au présent arrêt ;

Sur le rapport de Monsieur Mamadou DEME, 2nd Vice-Président ;

Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure que suivant arrêt n°867 rendu le 14 décembre 2006, la Cour d’appel de Dakar a infirmé le jugement du Tribunal Régional de Dakar n°407 en date du 10 février 2004, et  condamné la Senelec à payer diverses sommes à la société MC BRIDGE ADVISORY LIMITED ; que par exploit du 13 décembre 2007, la Senelec a formé requête civile contre cet arrêt ; que par ordonnance de clôture du 16 octobre 2008, le juge de la mise en état de la Cour d’appel de Dakar a rejeté l’exception d’irrecevabilité de la requête civile opposée par la Société MC BRIDGE ; que statuant au fond, la Cour d’appel a rendu l’arrêt  n°768 du 20 novembre 2008, par lequel elle a, faisant droit à la requête civile, rétracté l’arrêt de condamnation n°867 du 14 décembre 2006, et déclaré irrecevable l’appel formé par la société Mc Bridge contre le jugement du Tribunal Régional de Dakar du 10 février 2004 ; que sur le pourvoi formé par la Société MC BRIDGE ADVISORY contre l’ordonnance de clôture du 16 octobre 2008 et l’arrêt n°768 du 20 novembre 2008 précités, la Cour Suprême du Sénégal a cassé et annulé ces décisions, puis renvoyé la cause et les parties  devant la Cour d’appel de Saint-Louis, laquelle a rendu l’arrêt objet du pourvoi ;

 

Sur la compétence de la Cour

Attendu que par mémoire en réplique du 15 décembre 2014, la SENELEC a plaidé à titre principal l’incompétence de la Cour, aux motifs que dans sa requête de pourvoi, la société MC BRIDGE reproche essentiellement à la Cour d’appel la violation de dispositions du droit interne sénégalais, que tant en première instance qu’en appel, elle n’a articulé aucun grief ou moyen tiré de la violation ou de l’erreur dans l’application ou l’interprétation d’un Acte uniforme ou Règlement prévu au Traité, et qu’en vérité, elle a inséré dans son pourvoi un moyen pris de la violation d’un Acte uniforme dans le seul dessein de rendre la Cour de céans compétente ;

Attendu cependant qu’il résulte des dispositions des alinéas 3 et 4 de l’article 14 du Traité que « Saisie par la voie du recours en cassation, la Cour se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d’Appel des Etats Parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des actes uniformes et des règlements prévus au présent Traité à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales. Elle se prononce dans les mêmes conditions sur les décisions non susceptibles d’appel rendues par toute juridiction des Etats Parties dans les mêmes contentieux. »

Attendu qu’en l’espèce le juge d’appel, tranchant le débat relatif à l’application du droit sénégalais ou du droit suisse pour apprécier la validité de la représentation en justice de la Société MC BRIDGE, a fait application du droit sénégalais, en l’occurrence de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique ;

Que par son troisième moyen de cassation, la société MC BRIDGE invoque la violation de l’article 1er de cet Acte uniforme ;

Qu’ainsi, l’affaire soulève bien des questions relatives à l’application des Actes uniformes au sens des dispositions susvisées ;

Qu’il échet de se déclarer compétent ;

 

Sur le premier moyen en sa deuxième branche

 

Attendu qu’il est fait grief à la Cour d’appel d’avoir violé, par fausse application, les dispositions de l’article 295 du code de procédure civile, en retenant comme point de départ du délai de la requête civile la date du 17 octobre 2007, alors que d’après ce texte, ledit délai court du jour de la découverte de la pièce nouvelle, que la date du 17 octobre 2007 est celle de la délivrance de l’extrait du Registre de Commerce du Canton de Tessin à la Senelec et non celle à laquelle cette dernière l’a découverte ;

 

Attendu qu’il résulte respectivement des dispositions des articles 290 et 295 du code de procédure civile que « La requête civile est signifiée avec assignation dans le délai de deux mois à l’égard des majeurs, à compter du jour de la signification à personne ou domicile du jugement attaqué » et que  « Lorsque les ouvertures de requête civile sont le faux, le dol ou la découverte de pièces nouvelles, les délais ne courent que du jour où, soit le faux, soit le dol, ont été reconnus ou les pièces découvertes, pourvu que dans ces deux derniers cas, il y ait preuve par écrit du jour, et non autrement. » ;

 

Attendu que la Senelec a formé requête civile au motif qu’elle a découvert, après le prononcé de l’arrêt de condamnation n°867 du 14 décembre 2006, un extrait du Registre de Commerce de Canton de Tessin, duquel il résulte que la société MC Bridge est en situation de liquidation des biens ;

 

Attendu cependant qu’il résulte des productions qu’à l’instance devant la Cour d’appel ayant abouti à l’arrêt du 27 septembre 2007, Maître Mayacine TOUNKARA et associés, pour le compte de la SENELEC, avaient soulevé l’irrecevabilité de l’appel formé par la société MC BRIDGE contre l’ordonnance du 10 août 2007, en invoquant l’état de liquidation judiciaire de cette société, et en produisant un extrait du Registre de commerce du Canton de Tessin à l’appui de leurs allégations ; qu’il en résulte que la défenderesse a eu connaissance de cette pièce au moins à la date du 27 septembre 2007, soit plus de deux mois avant la date de dépôt de sa requête civile, le 13 décembre 2007 ; que c’est donc en violation des dispositions  invoquées au moyen que l’arrêt a déclaré celle-ci recevable ;

Qu’il échet de casser l’arrêt et d’évoquer sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens ;

 

Sur l’évocation

 

Attendu que par exploit du 13 décembre 2007, la Senelec a formé requête civile contre l’arrêt n°867 rendu le 14 décembre 2004 par la Cour d’appel de Dakar ;

 

Sur la recevabilité de la requête civile :

 

Attendu que la Société MC BRIDGE ADVISORY LIMITED soulève l’irrecevabilité de la requête, pour avoir été formée hors délai ;

Attendu pour les mêmes motifs que ceux ayant conduit à la cassation, il échet de déclarer la requête irrecevable ;

Attendu que la Senelec qui succombe doit être condamnée aux dépens ;

 

 

PAR CES MOTIFS

 

Statuant publiquement, après en avoir délibéré ;

Casse l’arrêt numéro 02 rendu le 16 février 2012 par la Cour d’appel de Dakar ;

Evoquant et statuant sur le fond,

Déclare la requête civile de la Senelec irrecevable ;

Condamne la Senelec aux entiers dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

 

Le Président

 

 

Le Greffier

 

 

ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

Troisième chambre