ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

Assemblée plénière

                  

Audience Publique du 27 avril 2015 

                                 

Pourvoi : n°005/2013/ PC du 15/01/2013

 

Affaire : Société Malienne de Promotion Immobilière dite SOMAPIM

                       (Conseil : Maître Magatte A.SEYE, Avocat à la Cour)

 

                                    contre

 

     Société Immobilière et Foncière du Mali dite SIFMA

                      (Conseils : Maître Seydou S. COULIBALY,

                                         Maître Souleymane Adamou CISSE,  Avocats au barreau du Mali)

              Banque Internationale pour le Mali dite BIM, intervenante forcée

       (Conseil : Maître  Salif SANOGO,  Avocat à la Cour)              

                         

Arrêt N°059/2015 du 27 avril 2015

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Assemblée plénière, a rendu l’Arrêt suivant en son audience foraine tenue le 27 avril 2015 à Bamako (République du Mali), où étaient présents :

 

Messieurs  Marcel SEREKOÏSSE-SAMBA,         Président, rapporteur

Abdoulaye Issoufi  TOURE            Premier Vice Président,

Madame        Flora DALMEIDA MELE,            Seconde Vice-Présidente

Messieurs   Mamadou  DEME,                      Juge

Djimasna  NDONINGAR,            Juge

 

et  Maître  Paul LENDONGO,                              Greffier en chef

 

Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 15 janvier  2013  sous le n°005/2013/ PC et formé par maître Magatte A.SEYE, avocat à la cour, BP 605, Bamako, agissant au nom et pour le compte de la Société Malienne de Promotion Immobilière dite SOMAPIM, représentée par son directeur général  monsieur Mamadou B. Tounkara et dont le siège social   est à Quinzambougou, rue TITI Niaré, angle 33, BP 2102 Bamako,  dans la cause l’opposant à la Société Immobilière  et Foncière du Mali dite SIFMA dont le siège social est à Badalabougou, BP E 902, représenté par son administrateur  El Hadj A. Kouyaté, ayant pour conseils, maître Seydou S. COULIBALY, avocat à lacCour , 883 rue des 30 mètres , avenue de la Tour de l’Afrique, Faladié SEMA , porte 641 BP 73, Bamako  et maître Souleymane Adamou Cissé, Avocat à la Cour, immeuble Filany, Faso Kanu, BP E 4187, Bamako, Mali,

 

Sur l’intervention forcée de la Banque Internationale pour le Mali dite BIM suivant assignation en date du 5 mai 2010 de la SIFMA devant le tribunal de commerce de Bamako, représentée par monsieur Dioukhamady KEÏTA et dont le siège social est à Bamako Bolibana, boulevard de l’indépendance , BP 15, ayant pour conseil, maître  Salif SANOGO,  avocat à la Cour, Djélibougou rue 303 porte 121 , BP 705 Bamako,  en cassation de l’arrêt n°509  rendu le 1er août 2012 par  la cour d’appel de Bamako   et dont le dispositif est le suivant :

 

«  PAR CES MOTIFS ;

Statuant publiquement, contradictoirement en matière commerciale et  en dernier ressort ;

 En la forme : reçoit l’appel interjeté.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Met les dépens à la charge de l’appelante. » ;

 

La requérante  invoque à l’appui de son pourvoi le moyen unique de cassation tel qu’il  figure  à la requête annexée au présent arrêt ;

 

Sur le rapport de Madame Flora DALMEIDA MELE, Seconde Vice-présidente;

 

Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

 

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Attendu qu’il  ressort des pièces de la procédure que la Société Malienne de Promotion Immobilière dite SOMAPIM et la  Société Immobilière  et Foncière du Mali dite SIFMA  ont , par acte notarié du 28 décembre 2004, crée un groupement d’intérêt économique dénommé « SIFMA- SOMAPIM » – GIE  qui avait pour objet l’acquisition de terrain non bâti à Kolimangni, son lotissement, sa mise en valeur et la commercialisation de tout ou partie de l’ensemble;  que le GIE a acquis ledit terrain en contractant  auprès de la  Banque Internationale pour le Mali dite BIM un prêt de 200 000 000  FCFA pour lequel monsieur  Mamadou B. Tounkara; s’est porté caution; que le GIE n’ayant pas démarré ses activités  et face à la réclamation par la BIM du remboursement du prêt, monsieur  Mamadou B. Tounkara, directeur général  de la SOMAPIM a, après plusieurs lettres adressées à monsieur le directeur général  de la SIFMA   demeurées sans réponse, procédé au remboursement du prêt ; qu’estimant que la GIE n’avait plus de raison d’exister pour avoir procédé seul au remboursement de  la dette contractée alors que les membres du groupement sont tenus des dettes de celui-ci sur leur patrimoine propre,  la SOMAPIM a saisi le tribunal du commerce de Bamako qui  a rendu le 25 août 2010,  le  jugement n°391/JUGT; que  sur appel de la SOMAPIM, la cour d’appel de Bamako a rendu le 1er août 2012 l’arrêt n°509  dont pourvoi ;

 

Attendu que la Banque Internationale pour le Mali dite BIM, intervenante forcée, rappelle que le GIE « SIFMA- SOMAPIM » a bénéficié, le 25 mai 2006,d’une facilité de caisse de 200 000 000 FCFA à échéance le 15 janvier 2007 au taux de 7,39% l’an + TAF ; que le prêt a connu plusieurs prorogations d’échéance pour non respect d’échéance ; qu’elle affirme que la SOMAPIM  a remboursé le 8 septembre 2009 le montant du prêt ; que le GIE reste redevable des intérêts ; qu’elle  sollicite que soit constaté son concours financier et le montant reliquataire du prêt qui se chiffre à 36 573 055 FCFA sous réserve  des intérêts de 7,39% l’an + TAF et des frais  courant jusqu’à parfait paiement ;

 

Sur le moyen unique de cassation

 

Vu les articles 885 de l’Acte Uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du GIE et 24 des statuts du GIE « SIFMA- SOMAPIM »

 

Attendu que la demanderesse au pourvoi fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir, par fausse application ou refus d’application, violé l’article 885 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du GIE et 24 des statuts du GIE « SIFMA- SOMAPIM » en ce que le juge a procédé  lui-même au partage bien qu’ayant désigné un liquidateur alors, selon le moyen, que le juge doit simplement se limiter à la désignation du liquidateur qui mènera les opérations de liquidation ;

 

Attendu qu’en confirmant  le jugement n°391/JUGT dans lequel le juge a lui-même procédé au partage entre les associés après désignation d’un liquidateur en la personne de Siné DIARRA, expert comptable agrée à qui il enjoint de se conformer à sa décision de partage sans même que les opérations de liquidation aient commencé, le juge d’appel a violé les articles 885 de l’Acte uniforme sus indiqué et 24 des statuts du GIE qui reconnaissent au liquidateur le pouvoir de procéder au partage entre les membres du groupement après extinction du passif ; que dès lors, qu’il convient de casser l’arrêt attaqué ;

 

Sur l’évocation

 

Attendu que par acte du greffe du 8 septembre 2010, la SOMAPIM a relevé appel du  jugement n°391/JUGT rendu le 25 août 2010 par le tribunal du commerce de Bamako et dont le dispositif est le suivant :

« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en premier ressort ;

En la forme : reçoit la demande de la Société Malienne de Promotion Immobilière (SOMAPIM) ;

 

Au fond : la déclare bien fondée, y faisant droit ;

Dissout le  Groupement d’Intérêt  Economique dénommé « SIFMA- SOMAPIM » – GIE ;

En conséquence, dit que les parcelles de terrain  sises à Kolimagni, cercle de Kati, région de Koulikoro, objet des titres fonciers 10108 – 10109 – 10110- 10112 – 10113 – 10114 – 10115 – 10116 – 10117 – 11227 – 11228 – 11229 – 11230 – 11232 – 11233 – 11237 – 11238 – 11240 – 11242 – 12877 – 12881 – 12882 soit vingt deux (22) au total seront restituées à la  Société Immobilière  et Foncière du Mali dite SIFMA  et celle , objet des titres fonciers n°10111 – 12880 sises dans la même zone reviendront à la Société Malienne de Promotion Immobilière (SOMAPIM) ;

 

Dit que le concours financier de la BIM se chiffre à la somme totale  de 236 573 055 FCFA (deux cent trente six millions cinq cent soixante treize mille cinquante et cinq Francs) dont 92,41% à la charge de la SIFMA et 7,59% à la charge de la SOMAPIM ;

 

Désigne Siné Diarra, Expert comptable  agréé  Tel : 66 – 89 – 69 – 69 en qualité de liquidateur ;

 

Dit qu’il doit y procéder conformément à cette décision et accomplir les autres formalités telles que prévues par les dispositions de l’Acte Uniforme relatif au Droit des Sociétés Commerciales et GIE régissant matière ;

 

Dit que le GIE supportera les frais de la dissolution ;

 

Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement nonobstant l’exercice des voies de recours ;

 

Laisse les dépens à la charge commune des parties ; » ;

 

Attendu qu’à l’appui de son appel, la SOMAPIM expose que l’ensemble des titres fonciers a été acquis grâce au financement de la BIM  pour lequel elle s’est portée  seule caution ; que compte tenu des difficultés qu’éprouvent le GIE SIFMA- SOMAPIM  pour démarrer ses activités, le tribunal a, à bon droit, prononcé sa dissolution ; que par contre le tribunal a statué ultra petita  en attribuant la quasi totalité des biens à la SIFMA et a ainsi mal apprécié l’article 885 alinéa 2 de  l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du GIE qui prescrit que seul le liquidateur peut procéder au partage des biens; qu’elle conclut à la confirmation du jugement en ce qu’elle a ordonné la dissolution  du GIE – SIFMA- SOMAPIM et sollicite son infirmation  en ses autres dispositions  pour nommer  un liquidateur  avec pour mission  de procéder  à l’évaluation  du patrimoine  du GIE et au partage, entre les membres,  des biens le composant;

 

Attendu qu’en réplique, la SIFMA conclut à la confirmation du jugement et  soutient qu’elle a été à l’origine du projet de création d’une nouvelle ville et que manifestant un intérêt audit projet, SOMAPIM  s’est associée à elle et que toutes deux ont créée le GIE « SIFMA- SOMAPIM » dont les apports en nature ont portés sur des titres fonciers dont seuls les titres 10111 et 12880 sur les vingt quatre appartiennent à la SOMAPIM ; que la demande de restitution des titres a été formulée par les différentes parties devant le premier juge et qu’il ne peut pas être reproché au juge d’avoir statué ultra petita en restituant à chaque partie son apport ; que les apports en titres fonciers n’ayant pas fait l’objet d’évaluation préalable, ils ne peuvent rentrer dans le patrimoine du GIE ; que les juges ont à juste titre déterminé les proportions dans lesquels doivent intervenir le remboursement du concours financier de la BIM ;

 

Sur la régularité de la décision du juge sur le partage des biens  

 

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier que le juge, après avoir prononcé la dissolution du GIE et désigné un liquidateur,  a procédé lui-même à la répartition des biens ; que dès la désignation d’un liquidateur, celui-ci est la seule personne habilitée à  représenter la société et à effectuer  toutes opérations relatives à la liquidation ;  que le juge a agi de façon irrégulière en procédant au partage des biens après avoir nommé un liquidateur ; que pour  les mêmes motifs que ceux sur le fondement duquel l’arrêt a été cassé, il convient  d’infirmer le jugement sur ce point ;

 

Sur les missions du liquidateur

 

Attendu que les parties soutiennent l’une et l’autre avoir apporté des biens ou avoir remboursé seul un prêt accordé par la BIM ; qu’il ressort des différents titres fonciers versés aux débats que ceux –ci  sont au nom du GIE ; que ne s’accordant pas sur les apports faits au GIE, le liquidateur désigné en la personne de Siné Diarra, Expert comptable  agréé, aura pour mission de faire des investigations sur les apports, de dresser un état de la liquidation et de procéder au paiement des créanciers et enfin au partage entre les associés, ce, conformément aux articles 24 des statuts du GIE « SIFMA- SOMAPIM , 228 à 241 et 885 de  l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du GIE; la durée de la mission du liquidateur est fixée à 6 mois à compter de la date de la présente décision;

 

Sur les autres demandes

 

Attendu que le jugement ayant été infirmé sur le partage des biens fait par le juge, il échet de le confirmer pour le surplus ;

 

Sur la demande de la BIM

 

Attendu que le liquidateur désigné est chargé de toutes les opérations relatives au GIE ;  que dès lors, la Cour de céans ne peut donc se prononcer sur les demandes de la BIM qu’elle déclare irrecevables ;

 

Attendu que chaque partie supportera ses dépens ;

 

 

PAR  CES  MOTIFS

 

Statuant publiquement, après en avoir délibéré

En la forme :

Déclare le pourvoi recevable

Au fond :

Casse l’arrêt n°509  rendu le 1er août 2012 par  la cour d’appel de Bamako ;

Evoquant et statuant sur le fond,

Infirme partiellement le jugement n°391/JUGT rendu le 25 août 2010 par le tribunal du commerce de Bamako en ce qu’il  a procédé lui-même au partage de la liquidation du GIE SIFMA- SOMAPIM ;

 

Statuant à nouveau

Dit  que le liquidateur désigné en la personne de Siné Diarra, Expert comptable  agréé, aura pour mission de :

Faire des investigations sur les apports du GIE,

Dresser un état de la liquidation

Procéder au paiement des créanciers

Procéder au partage entre les membres du GIE après paiement des dettes ;

Fixe la durée de la mission du liquidateur à 6 mois à compter du prononcé de la présente décision ;

Confirme le jugement pour le surplus ;

Déclare irrecevable la demande de la BIM ;

Dit que chaque partie supportera ses  dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

 

 

 Le Président

 

 

Le Greffier en chef