ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

Deuxième chambre               

Audience publique de vacation du 17 août 2012

Pourvoi : n°052/2009/ PC du 25 mai 2009

Affaire : Société Libya Oil Tchad dite Oilibya Tchad

                 (Conseil : Maître  ADJE KACOU Luc, Avocat à la Cour

                          contre

  • GAMMA SARL

                  (Conseils : – Maître KONE Elie, Avocat à la Cour

                                             – Maître Sandrine SOPPO, Avocate à la Cour

                                             – Maître TORDE DJIMADOUM, Avocat à la Cour

                                             – Maître BELKOULAYO D. Augustine, Avocate à la Cour)

 

              2) Banque Sahelo-Saharienne pour l’Investissement dite BISIC             

ARRET N°068/2012 du 17 août 2012

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique de vacation du 17 août 2012 où étaient présents :

Messieurs : Maïnassara MAIDAGI, Président

Namuano Francisco DIAS GOMES, Juge

Madame      Flora DALMEIDA MELE, Juge, rapporteur

et Maître ASSIEHUE Acka, Greffier ;

 

Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 25 mai 2009 sous le n°052/2009/ PC et  formé par Maître ADJE KACOU Luc,  Avocat à la Cour, sis résidence le Treffle, 59, rue des Sambas – Indénié, 01 BP 6568 Abidjan 01, agissant au nom et pour le compte de la Société Libya Oil Tchad dite Oilibya Tchad, agissant aux poursuites et diligences de Monsieur BEBEY Thomas, Directeur général, demeurant route de Farcha, BP 110, Ndjamena (TCHAD), dans la cause l’opposant d’une part, à la société GAMMA, ayant pour siège social sis à Douala, BP 4184, prise en la personne de son Directeur général, Monsieur Nicolas SABA, ayant pour conseils, Maître KONE Elie, Avocat à la Cour, demeurant Cocody les Deux-Plateaux, rue des Jardins, 01 BP 2641 Abidjan 01, Maître Sandrine SOPPO, Avocate à la Cour, BP 4551 Douala, Maître TORDE DJIMADOUM, Avocat au Barreau du Tchad à Ndjamena et Maître BELKOULAYO D. Augustine, Avocate au Barreau du Tchad à Ndjamena et, d’autre part, à la Banque Sahelo-Saharienne pour l’Investissement dite BISIC dont le siège social est situé sur l’avenue Charles de Gaulle, BP 81 Ndjamena, en cassation de l’Arrêt n°004/09 rendu le 26 janvier 2009 par la Cour d’appel de Ndjamena et dont le dispositif est le suivant :

«PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard des parties en matière civile, commerciale, coutumière, en référé et en dernier ressort ;

En la forme : Reçoit l’appel de OILYBIA.

Au fond : Confirme l’Ordonnance de référé n°003/09 du 15/01/09 du Président du Tribunal de Commerce de N’djamena en toutes ses dispositions. Dit que l’ordonnance n°003/09 du 21/01/09 du Président de la Cour d’appel de N’djamena ordonnant le sursis à exécution de l’ordonnance du Président du Tribunal de Commerce en date du 15/01/09 est nulle et de nul effet. Condamne Oilybia aux dépens. » ;

La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les trois moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;

Sur le rapport de Madame Flora DALMEIDA MELE, Juge ;

Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

Attendu que la signification du présent recours faite par le Greffier en chef de la Cour de céans à la Banque Sahélo-Saharienne pour l’Investissement dite BISIC par lettre n° 428/2009/G2 du 22 juin 2009 n’a pas été suivie de dépôt de mémoire en réponse au greffe de la Cour dans le délai de trois mois prévus à cet effet par l’article 30 du Règlement de procédure de ladite Cour ; que le principe du contradictoire ayant été respecté, il y a lieu d’examiner le présent recours ;

 

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure qu’un litige opposant la société GAMMA, société de droit camerounais et la société MOBIL OIL Tchad, société de droit tchadien, a abouti à une sentence arbitrale rendue le 25 février 2008, au Cameroun,  en ces termes : « la présente sentence arbitrale est opposable à la société TAMOIL TCHAD S.A. Dit que cette sentence arbitrale est également opposable à toute entité qui aurait repris  les actions de MOBIL TCHAD SA, ainsi qu’à tout créancier de MOBIL OIL TCHAD SA. » ; que pour l’exécution de la sentence sur le territoire tchadien,  la société GAMMA a sollicité et obtenu l’Ordonnance  d’exequatur n°555/2008 rendue le 04 juillet 2008 par le Président du Tribunal de Première Instance de Ndjamena  confirmée par la Cour d’appel de N’Djamena dont l’arrêt a fait l’objet d’un pourvoi présentement  pendant devant  la Cour Suprême du Tchad ; que poursuivant l’exécution de la sentence,  la société GAMMA a procédé à la saisie attribution des comptes de la société LIBYA OIL TCHAD ouverts dans les livres de la Banque Commerciale du Chari  (BCC) ; qu’estimant n’avoir aucune relation avec la société MOBIL OIL, la société LIBYA OIL TCHAD a, par assignation aux fins de mainlevée de la saisie-attribution de créances du 26 décembre 2008, saisi le Président du Tribunal de commerce de N’djamena lequel a, par Ordonnance n°003/09 rendue le  15 janvier 2009, déclaré irrecevable l’assignation  et ordonné l’exécution provisoire au motif que le tiers saisi n’a pas été appelé à l’instance de contestation ; que sur appel de  la société LIBYA OIL TCHAD, la Cour d’appel de Ndjamena rendait  le 26 janvier 2009, l’ Arrêt n°004/09  dont  pourvoi ;

Sur la demande tendant à déclarer le pourvoi sans objet

Attendu que, la société GAMMA demande principalement à la Cour de céans de déclarer sans objet l’action de LIBYA OIL TCHAD S.A  aux motifs que  le Procureur Général près la Cour d’appel de Ndjamena a, par lettre N°174/nj/CA/NDJ/PG/09  du 06 mars 2009, ordonné à tous les huissiers de justice, suite à la demande de la  société LIBYAOIL TCHAD S.A, de  suspendre toutes les procédures d’exécution entreprises ou à entreprendre contre la société LIBYA OIL TCHAD S.A et la Banque Commerciale de Chari, et que, suivant ces instructions,  la société GAMMA  a,  par lettre du 10 avril 2009, donné mainlevée de la saisie attribution pratiquée le 03 décembre 2008 au préjudice de la société OIL LIBYA TCHAD.

Mais attendu que la mainlevée de saisie attribution pratiquée ne peut être ordonnée que par décision de justice ou ne peut résulter que d’un acte d’huissier de justice instrumentaire et non simplement par lettre ; que  ne rapportant pas la  preuve de l’existence d’une décision judiciaire ayant ordonné  la mainlevée des saisies pratiquées ou  d’un acte d’huissier  de justice ayant procédé à ladite  mainlevée,  la procédure de saisie demeure ; qu’il échet de rejeter la demande de la société GAMMA tendant à déclarer le pourvoi sans objet ;

 

Sur le troisième moyen

Vu l’article 170 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;

Attendu que la demanderesse au pourvoi reproche à l’arrêt attaqué d’avoir, en violation de l’article 170 de l’Acte uniforme sus indiqué, déclaré irrecevable l’action en contestation de la société LYBIA OIL TCHAD en ce que la Banque Commerciale du Chari (BCC),   tiers saisi, n’a pas été appelée à l’instance de la contestation  alors, selon le moyen,  que l’assignation a été servie à la Banque Commerciale du Chari par exploit du 26 décembre 2008 à comparaître le 31 décembre 2008 par devant la juridiction appelée à trancher la contestation ;

Attendu que l’article 170 de l’Acte uniforme susvisé énonce : « A peine d’irrecevabilité, les contestations sont portées devant la juridiction compétente par voie d’assignation dans un délai d’un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur.

Le tiers saisi est appelé à l’instance de contestation.

Le débiteur saisi qui n’aurait pas élevé  de contestation dans le délai prescrit peut agir en répétition de l’indu devant la juridiction du fond compétente selon les règles applicables à cette action. ».

 

Attendu que l’irrecevabilité tirée de l’article 170 de l’Acte uniforme précité ne porte que sur le mode de saisine de la juridiction compétente et le délai imparti pour élever la contestation contre la saisie ; qu’en confirmant l’ordonnance déclarant irrecevable l’assignation de la société  LIBYA Oil TCHAD S.A pour n’avoir pas appelé le tiers saisi à l’instance de contestation, la Cour d’appel a, par mauvaise interprétation, violé l’article 170 sus indiqué ; qu’il échet en conséquence de casser l’arrêt attaqué, d’évoquer et statuer sur le  fond sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens ;

 

SUR L’EVOCATION

Attendu que par déclaration reçue au greffe du Tribunal de commerce de N’djamena le 15 janvier 2009, le conseil de la société LIBYA OIL TCHAD S.A a relevé appel de l’Ordonnance n°003/09  rendue le 15 janvier 2009   par le Président dudit tribunal  et dont le dispositif est le suivant : « Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard des parties, en référé et en premier ressort ;

Déclarons irrecevable l’assignation de Oilibya ;

Prescrivons l’exécution provisoire de la présente ordonnance sur minute nonobstant appel ou opposition et avant enregistrement ;

Mettons les dépens à la charge de Oilibya ; ».

Attendu qu’à l’appui de son appel, la société  LIBYA OIL TCHAD demande que soit déclarée recevable l’assignation en mainlevée de la saisie attribution pratiquée par procès verbal  n°333/HJ/CP/08 du 03 décembre 2008 de Maître NEATOBEI BIDI Valentin   pour conformité à l’article 170 de l’Acte uniforme précité ; qu’elle  fait valoir  que Tamoil Tchad, actuelle Oilibya, n’a pas racheté les actions de la société Mobil Oil Tchad et  n’est par  conséquent redevable  de la société GAMMA  avec qui elle n’a aucun rapport contractuel et qui a obtenu devant le juge civil,  incompétent en la matière, l’exequatur de la sentence arbitrale et  n’a pas respecté le principe du contradictoire ;

Attendu que rétorquant, la société GAMMA a décidé ne pas conclure sur le fond  mais  sur  la forme en sollicitant in limine litis l’irrecevabilité de l’assignation de la société Oilibya tirée de la  violation de l’article 170 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution pour n’avoir pas appelé   le  tiers saisi à l’instance de contestation ; que toutefois elle excipe que la société Oilibya a produit au dossier de la procédure deux assignations de sorte qu’il est difficile de savoir  celle qui saisit le juge de référé ;

 

Sur la recevabilité de l’assignation

Attendu que pour les mêmes motifs que  ceux invoqués pour la cassation, l’assignation aux fins de mainlevée de saisie attribution de créances en date du 26 décembre 2008 doit être déclarée recevable pour être faite dans les forme et délai exigés par l‘article 170 de l’Acte uniforme précité pour sa recevabilité ; qu’il ya lieu en conséquence d’infirmer l’ordonnance attaquée sur ce point ;

 

Sur la mainlevée de la saisie attribution

Attendu que la société LIBYA OIL TCHAD dite Oilibya  soutient ne pas être débitrice de la  société GAMMA et que la société Tamoil Distribution Tchad, actuellement Oilibya,  n’a jamais racheté MOBILOIL Tchad qui a plutôt été rachetée par la société Total Marketing Tchad S.A ; qu’elle sollicite pour cela  la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée sur ses comptes  dans les livres de la Banque Commerciale du Chari  (BCC) pour absence de dette en raison de l’inexistence d’une quelconque relation contractuelle entre la société  GAMMA et elle ;

Attendu que s’étant refusée de conclure sur le fond, et en l’absence de toute preuve de sa part du changement de la dénomination sociale de la société MOBILOIL condamnée au paiement  de diverses sommes d’argent à la société GAMMA Tchad en  société LIBYA OIL TCHAD dite Oilibya, la mainlevée de la saisie attribution pratiquée par Maître NEATOBEI BIDI Valentin le 03 décembre 2008 par procès-verbal n°333/HJ/CP/08 sollicitée doit être ordonnée.

Attendu qu’ayant succombé, la société GAMMA doit être condamnée aux dépens ;

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Rejette la demande de la société GAMMA tendant à déclarer le pourvoi sans objet ;

Casse l’Arrêt n°004/09 rendu le 26 janvier 2009 par la Cour d’appel de Ndjamena ;

Evoquant et statuant sur le fond,

Infirme l’Ordonnance n°003/09  du 15 janvier 2009 du Tribunal de commerce de N’djamena ;

Déclare recevable l’assignation aux fins de mainlevée de saisie-attribution de créances ;

Ordonne la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée par procès-verbal n°333/HJ/CP/08 du 03 décembre 2008 par Maître NEATOBEI BIDI Valentin ;

Condamne la société GAMMA aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

 Le Président

 Le Greffier