ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

       

Audience Publique du jeudi 10 janvier 2002

 

Renvoi  n°009/2001/PC du 23/07/2001

 

Affaire :  Société Ivoirienne d’Emballage Métallique  dite SIEM

 

   (Conseil : Maître Gilbert PLANCHE,  Avocat à la Cour)

 

Contre

   1°/  Société ATOU

 

        (Conseil : SCPA AHOUSSOU, KONAN et Associés, Avocats à la Cour)               

 

 2°/   Banque Ivoirienne pour le Commerce et l’Industrie de Côte d’Ivoire dite BICICI

 

         (Conseil : Cabinet Charles DOGUE, ABBE YAO et Associés, Avocats à la Cour)

 

 

ARRÊT N° 003/2002 du 10 janvier 2002

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A.) a rendu l’Arrêt suivant en son audience  publique du 10 janvier 2002 où étaient présents :

 

Messieurs      Seydou BA,                                     Président

Jacques M’BOSSO,                             Premier Vice-président

Antoine Joachim OLIVEIRA,           Second Vice-président

Doumssinrinmbaye BAHDJE           Juge-rapporteur

Maïnassara MAIDAGI,                                         Juge

Boubacar DICKO,                               Juge

 

et Maître Acka ASSIEHUE,                                Greffier ;

 

Sur le renvoi, en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans de l’affaire Société Ivoirienne d’Emballage Métallique dite SIEM contre Société ATOU et la BICICI par Arrêt n°360/01 en date du 07 juin 2001 de la Cour Suprême, Chambre Judiciaire, Formation Civile de COTE D’IVOIRE, saisie d’un pourvoi formé le 19 septembre 2000 par Maître Gilbert PLANCHE, Avocat à la Cour d’Appel d’Abidjan, y demeurant, Boulevard lagunaire, immeuble IROKO, 5ème étage, 06 BP 1958 Abidjan 06, agissant au nom et pour le compte de la Société Ivoirienne d’Emballage Métallique dite SIEM, enregistré sous le n°00-381 CIV du 19 septembre 2000, en cassation de l’Arrêt n°708 rendu le 02 juin 2000 par la Cour d’Appel d’Abidjan dont le dispositif est le suivant :

 

«Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et commerciale, en dernier ressort :

 

EN LA FORME :

 

Déclare la Société SIEM recevable en son appel relevé du Jugement n°193 rendu le 30 novembre 1999 par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan ;

 

AU FOND :

 

L’y dit mal fondé ;

 

L’en déboute ;

 

Confirme le jugement querellé en toutes ses dispositions ;

 

Condamne l’appelante aux dépens » ;

 

La requérante invoque à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent Arrêt ;

 

Sur le rapport de Monsieur le Juge Doumssinrinmbaye BAHDJE ;

 

Vu les articles 14, 15 et 16 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

 

Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’Organisation pour l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique, notamment en son article 51 ;

 

SUR LA RECEVABILITE DU POURVOI

 

Attendu que la Société ATOU, défenderesse au pourvoi, dans son mémoire en réponse en date du 06 décembre 2000 adressé à la Cour Suprême de COTE D’IVOIRE, a conclu à l’irrecevabilité du pourvoi formé le 19 septembre 2000 par la Société SIEM, aux motifs que l’Arrêt n°708 du 02 juin 2000, dont pourvoi, a été signifié le 10 août 2000 et donc hors délai ; que par ailleurs, en application de l’article 106 du Code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative qui édicte que « toute décision rendue sans les réquisitions du Ministère public dans une cause communicable est nulle et de nul effet ; l’affaire est portée à nouveau sur simple requête par la partie intéressée devant la même juridiction qui statue autrement composée », la Société SIEM ayant déféré à la Cour d’Appel d’Abidjan le même Arrêt afin qu’il soit déclaré nul pour n’avoir pas observé les prescriptions de l’article 106 susvisé, dès lors, selon la Société ATOU, le pourvoi élevé par SIEM alors que la cause est encore pendante devant la Cour d’Appel d’Abidjan, est irrecevable ;

 

Attendu que dans son mémoire en date du 18 octobre 2001 transmis à la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA, la Société ATOU, défenderesse au pourvoi, a seulement conclu à l’irrecevabilité du pourvoi en application de l’article 106 susvisé ;

 

Attendu que la Société SIEM, demanderesse au pourvoi, se prévaut dans ses écritures de la nullité du même Arrêt, dont pourvoi, en ce que la procédure n’a pas été communiquée au Ministère public comme l’exige l’article 106 susvisé qui prévoit une telle communication lorsque le litige porte sur une somme égale ou supérieure à 25 000 000 de francs, comme en l’espèce ;

 

Attendu que ces moyens présentés par les parties litigantes se rapportent à l’application de l’article 106 du code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative ; qu’il y a lieu en conséquence de les examiner ensemble ;

 

SUR LE DEUXIEME MOYEN

 

Vu l’Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;

 

Attendu que le pourvoi fait grief à l’Arrêt déféré de manquer de base légale pour insuffisance de motifs ; que ledit Arrêt a confirmé le Jugement n°193 CIVB rendu le 30 novembre 1999 par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan qui a déclaré irrecevable l’action en contestation de saisie-attribution de la Société SIEM au motif que le tiers saisi n’a pas été appelé à l’instance de contestation de saisie-attribution ;

 

Attendu que l’article 170 de l’Acte Uniforme susvisé qui a été appliqué en l’espèce est ainsi conçu : « A peine d’irrecevabilité, les contestations sont portées, devant la juridiction compétente, par voie d’assignation, dans le délai d’un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur.

 

Le tiers est appelé à l’instance de contestation.

 

Le débiteur saisi qui n’aurait pas élevé de contestation dans le délai prescrit peut agir en répétition de l’indu devant la Juridiction du fond compétente selon les règles applicables à cette action » ;

 

Attendu que l’irrecevabilité prévue à l’article 170 précité ne concerne que son seul alinéa 1er qui indique le mode de saisine et fixe le délai dans lequel la contestation de la saisie doit être portée devant la juridiction compétente ; que dès lors, en se bornant à déclarer, à tort, qu’il résulte de l’article 170 susmentionné que la sanction résultant du défaut de mise en cause du tiers saisi est l’irrecevabilité, la Cour d’Appel, qui a confirmé le Jugement n°193 CIVB du 30 novembre 1999 par ce seul motif, n’a pas donné une base légale à sa décision ; qu’il échet en conséquence de casser et d’annuler l’Arrêt attaqué et d’évoquer, sans qu’il y ait lieu de statuer sur le premier moyen ;

SUR L’EVOCATION

Attendu que dans ses conclusions d’appel en date du 4 mai 2000 versées au dossier de la procédure,  la requérante invoque la nullité de l’Ordonnance des Référés n°2660/99 rendue le 22 juin 1999 par le Président du Tribunal de Première Instance d’Abidjan qui a liquidé l’astreinte et servi de titre à la saisie-attribution aux motifs que ladite Ordonnance a violé l’article 106 du code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative qui prescrit à peine de nullité la communication de la cause au Ministère public pour tout litige de quelque nature que ce soit dont l’intérêt financier est égal ou supérieur à 25 000 000 de francs, alors qu’en l’espèce, l’intérêt du litige est de 37 000 000  de francs ; qu’elle formule par ailleurs le même grief contre le Jugement n°193 CIVB, dont appel, rendu le 30 novembre 1999 par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan et demande :

 

  • d’infirmer le jugement susmentionné en toutes ses dispositions ;

 

  • de dire et juger que l’Ordonnance des Référés n°2660/99 rendue le 22 juin 1999 par le Président du Tribunal de Première Instance d’Abidjan qui a servi de titre à la saisie-attribution étant nulle et de nul effet, ladite saisie est en conséquence nulle ;

 

  • d’ordonner en conséquence la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 21 juillet 1999 au préjudice de la Société SIEM ;

 

Attendu que sur l’application, en la cause, de l’article 106 du Code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative, la Société ATOU conclut au rejet pur et simple aux motifs que « s’agissant d’une contestation de saisie-attribution, seules les dispositions relatives à l’Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution sont applicables » ; qu’elle demande par ailleurs la confirmation du jugement entrepris aux motifs notamment que l’instance en contestation n’est pas le lieu pour critiquer la décision définitive, support de la saisie-attribution ;

 

Attendu que, pour sa part, la BICICI, tiers saisi, dans son mémoire en date du 31 août 2001 transmis à la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA, a déclaré en substance qu’elle  est appelée aux débats à titre de simple information et pour connaître le sort de la saisie-attribution pratiquée entre ses mains ; que ladite saisie ne mettant véritablement en jeu que les intérêts des Sociétés SIEM et ATOU, elle s’en rapporte à la justice et à la sagesse de la Cour quant à la solution à donner au litige ;

 

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que l’Ordonnance des Référés n°2660/99 du 22 juin 1999 rendue par le Président du Tribunal de Première Instance d’Abidjan n’a fait l’objet d’aucun recours dans les délais requis et qu’elle est devenue définitive ; qu’il n’y a pas lieu en conséquence d’examiner le moyen relatif à sa nullité ;

 

Attendu qu’il résulte de l’analyse des dispositions combinées des articles 28, 336 et 337 de l’Acte Uniforme susvisé que celui-ci contient aussi bien des dispositions de fond que de procédure qui ont seules vocation à s’appliquer aux mesures conservatoires, mesures d’exécution forcée et procédures de recouvrement engagées après son entrée en vigueur ; que dans la mise en œuvre de celles-ci, ledit Acte Uniforme n’ayant pas prévu de procédure de communication de la cause au Ministère public telle que fixée à l’article 106 du code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative qui édicte que « sont obligatoirement communicables au Ministère public trois jours au moins avant l’audience, les causes concernant tout litige de quelque nature que ce soit dont l’intérêt financier est égal ou supérieur à 25 000 000  de francs … Toute décision rendue au mépris de cette disposition est nulle et de nul effet… », il s’ensuit que cette disposition de droit interne, au demeurant contraire à la lettre et à l’esprit des dispositions de l’Acte Uniforme susvisé, est inapplicable au litige ayant donné lieu au Jugement n°193 CIVB du 30 novembre 1999, dont appel ; qu’en conséquence ladite décision est régulière et valable ; que de même, la fin de non recevoir fondée sur l’application de l’article 106 susvisé est à rejeter ;

 

Attendu qu’il résulte de ce qui précède que le jugement n°193 CIVB, dont appel, rendu le 30 novembre 1999 par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan a, à tort, déclaré irrecevable l’action en contestation de saisie-attribution de la Société SIEM ; qu’il y a lieu en conséquence de l’infirmer sur ce point et de statuer sur les mérites des demandes formulées par la requérante ;

 

Attendu que l’Ordonnance des Référés n°2660/99 du 22 juin 1999 du Président du Tribunal de Première Instance d’Abidjan qui a servi de titre à la saisie-attribution pratiquée le 21 juillet 1999 étant une décision devenue définitive pour n’avoir pas fait l’objet de recours dans les délais requis et, par ailleurs, l’article 106 du Code ivoirien de procédure  civile, commerciale et administrative dont se prévaut la requérante étant, comme il a déjà été indiqué ci-dessus, inapplicable en l’espèce,  il y a lieu de débouter la requérante de toutes ses demandes, fins et conclusions relatives à la saisie-attribution pratiquée le 21 juillet 1999 à son préjudice, de déclarer en conséquence ladite saisie régulière et valable et d’ordonner la continuation des poursuites ;

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

 

  • Rejette la fin de non recevoir soulevée par la Société ATOU ;

 

  • Casse et annule l’Arrêt n°708 rendu le 02 juin 2000 par la Cour d’Appel d’Abidjan ;

 

  • Evoquant et statuant sur le fond ;

 

  • Infirme le Jugement n°193 CIVB, dont appel, rendu le 30 novembre

1999 par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan qui a déclaré irrecevable l’action en contestation de saisie–attribution de la Société SIEM ;

 

  • Rejette les demandes en nullité du Jugement susvisé et de l’Ordonnance des Référés n°2660/99 rendue le 22 juin 1999 et de mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 21 juillet 1999 ;

 

–   Dit que ladite saisie est régulière et valable ;

 

–  Ordonne en conséquence la continuation des poursuites ;

 

–  Condamne la Société SIEM aux dépens.

 

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé

 

Le Président

Le Greffier