ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

Première Chambre                             

Audience publique du  29 novembre 2012

Renvoi : n° 012/2009/PC du 16 février 2009

Affaire : SOCIETE GENERALE DE BANQUES EN COTE D’IVOIRE

                 dite SGBCI

                       (Conseils : SCPA DOGUE, ABBE  YAO et ASSOCIES, Avocats à la Cour)

contre

                  Madame FOUA-BI  Edwige Philomène Bahalé

(Conseil : Maître N’CHO-KATCHIRE, Avocat à la Cour)

 

Arrêt N°076/2012 du 29 novembre 2012

 

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), Première Chambre, de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 29 novembre 2012  où étaient présents :

 

Messieurs  Antoine Joachim OLIVEIRA,                   Président

Doumssinrinmbaye BAHDJE,                Juge

Marcel SEREKOÏSSE-SAMBA,  Juge, rapporteur

 

                      et   Maître MONBLE Jean Bosco,                  Greffier ;

 

         Sur le renvoi en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans, de l’affaire Société Générale de Banques en Cote d’Ivoire (SGBCI)  contre Madame FOUA-BI  Edwige Philomène Bahalé  par Arrêt n°637/08.bis en date du 04 décembre 2008  de la Cour suprême de CÔTE D’IVOIRE, Chambre judiciaire, Formation civile, saisie d’un pourvoi formé le 15 juillet 2007 par la Société Générale de Banques en Cote d’Ivoire, Société Anonyme de droit ivoirien sise à  Abidjan 5-7 avenue Joseph ANOMA, ayant pour Conseils la SCPA DOGUE, ABBE YAO et Associés, Avocats à la Cour, demeurant, 29, Boulevard Clozel, 01 B.P. 174 Abidjan 01,en cassation de l’Arrêt n° 794 rendu le 30 juin 2006  par la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif suit :

 

« Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en dernier ressort ;

 

Déclare recevable l’appel interjeté par la SGBCI contre le jugement n°2838 rendu le 23 février 2004 par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan ;

 

L’y dit partiellement fondée ;

Réforme ledit jugement ;

Statuant à nouveau ;

Déboute Demoiselle Foua-Bi de sa demande de dommages-intérêts ;

Confirme par contre le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la SGBCI à payer la somme de 9.954.313 FCFA représentant les causes de la saisie à demoiselle Foua-Bi ;

Condamne la SGBCI aux dépens. »

 

La SGBCI invoque à l’appui de son pourvoi un moyen de cassation articulé en deux branches tel qu’il figure dans son acte de pourvoi annexé au présent Arrêt ;

 

Sur le rapport de Monsieur le Juge Marcel SEREKOÏSSE-SAMBA ;

Vu les dispositions des articles 14, 15 et 16 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

Vu les dispositions du Règlement de Procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Attendu qu’il ressort des pièces de la procédure que suite au jugement n° 593 rendu le 28 mai 2001 par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan , devenu définitif pour défaut d’appel de la défenderesse, la dame  FOUA-BI  Edwige Philomène Bahalé (ci-après FOUABI) est créancière de dame MENSAH née OUEDRAOGO Marie Victoire, Chirurgien dentiste, Propriétaire du Cabinet dentaire dénommé « Cabinet dentaire Longchamp »  qui a été condamnée à lui payer la somme en principal  de neuf millions neuf cent cinquante quatre mille trois cent treize (9.954.313) FCFA ; Que pour obtenir paiement de sa créance, dame FOUABI  a pratiqué  le 06 janvier 2003 une première saisie-attribution entre les mains de plusieurs établissements bancaires dont la SGBCI, celle-ci déclarant à Maître Béatrice SAZORO  KAYE, Huissier de Justice  près le Tribunal de Première Instance d’Abidjan : « Pour dame MENSAH née OUEDRAOGO Marie-Victoire : Pas de compte sauf erreur ou omission. Pour le Cabinet dentaire Longchamp : Pas de compte sauf erreur ou omission » ; Qu’ayant été  informée que  le Cabinet dentaire Longchamp avait bien un compte à la SGBCI, dame FOUABI a fait servir le 10 janvier 2003 un autre  exploit de saisie-attribution à la SGBCI qui a répondu par écrit au bas de l’acte de l’Huissier : « Nous ne pouvons pas saisir le Cabinet Longchamp, la grosse du jugement ne condamne pas le cabinet en question. » ; Que cependant, trois(3) jours plus tard, le 13 janvier, la SGBCI  écrit à l’huissier instrumentaire « … Poursuivant  nos recherches, nous constatons que le Cabinet Dentaire était géré par dame MENSAH née OUEDRAOGO MARIE VICTROIRE… Compte n° 111 310 049 48 Cabinet dentaire D/C OUEDRAOGO  présente ce jour et ce depuis le 30/11/1998 un solde (0) zéro. Ce qui implique que ce compte ne fonctionne plus depuis le 30/11/1998. » ; Que confrontée à ces multiples déclarations contradictoires de la SGBCI qu’elle estime constituer un obstacle au recouvrement de sa créance, dame FOUABI  l’a assignée  le 17 janvier 2003 devant le Tribunal de première instance d’Abidjan  en paiement de  la somme en principal de 12.774.782 F et celle de 2.000.000 F à titre de dommages intérêts ; Que le 23 février 2004, le Tribunal a rendu la décision n°2838/civ/3 A/  ainsi conçue :

 

« Statuant publiquement, en matière civile et commerciale et en premier ressort ;

Déclare recevable l’action de Mademoiselle FOUA-BI  Edwige Philomène Bahalé ;

L’y dit partiellement fondée ;

Condamne la SGBCI à lui  payer la somme de 9.954.313 FCFA ;

Condamne en outre la SGBCI à lui payer la somme de 500.000FCFA à titre de dommages-intérêts ;

Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire… » ;

 

Que sur appel de la SGBCI, la Cour d’appel d’Abidjan a rendu le 30 juin 2006 l’Arrêt n° 794 sus énoncé ;

 

Attendu que le 15 juillet 2007  la SGBCI s’est pourvue en cassation de cet arrêt devant la Cour Suprême de la République de Côte d’Ivoire qui, se déclarant incompétente  par  arrêt n°637/08.bis du 04 décembre 2008, s’est dessaisie de la procédure et a renvoyé la cause et les parties devant la Cour de céans ;

 

Sur la recevabilité du pourvoi

Attendu que le renvoi fait par la Cour suprême de la Côte d’Ivoire devant la Cour de céans l’ayant été conformément à l’article 15 du Traité susvisé, il échet de le déclarer recevable ;

 

Sur la première branche du moyen unique

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir condamné la SGBCI en énonçant : « c’est bien parce qu’elle est consciente d’avoir failli à son obligation de renseignements lors de la saisie du 10 janvier 2003, lorsqu’elle a déclaré à l’huissier de justice ne pas pouvoir saisir le Cabinet Dentaire Longchamp, celui-ci n’étant pas concerné par le jugement de condamnation que le 13 janvier 2003, la SGBCI a essayé de rectifier le tir en donnant des renseignements sur le compte du Cabinet Longchamp que trois jours auparavant, elle avait refusé de donner ;

Qu’en réalité, la SGBCI s’était rendue compte qu’elle a essayé de distinguer là où il y a même pas lieu de distinguer en raison de la confusion de patrimoine existant entre le médecin et son entreprise individuelle, le Cabinet Longchamp » ; Alors que,  – d’une part, si le banquier  tiers saisi a le devoir de déclarer l’étendue de ses obligations, il ne peut et ne doit le faire qu’en ce qui concerne seul  le débiteur poursuivi et personne d’autre sous peine d’engager  sa responsabilité, la condamnation du Cabinet dentaire Longchamp ne transparaissant nulle part sur le titre exécutoire ; -d’autre part, la saisie exécution du 10 janvier 2003 ayant été faite en des termes équivoques puisque dirigée à la fois contre Madame MENSAH et le Cabinet Dentaire Longchamp,  elle présentait une si réelle ambiguïté que la SGBCI a préféré adopté une attitude de prudence en se conformant à la décision de condamnation pour refuser de faire une déclaration ; que ce faisant, la banque n’a pas manqué aux obligations qui lui incombent au titre de l’article 156 de  l’AUPSRVE ;

Attendu que l’article 156 susvisé dispose : « Le tiers saisi est tenu de déclarer au créancier l’étendue de ses obligations à l’égard du débiteur ainsi que les modalités qui pourraient les affecter et, s’il y a lieu, les cessions de créances, délégations ou saisies antérieures. Il doit communiquer copie des pièces justificatives ; Ces déclaration et communication doivent être faites sur le champ à l’huissier ou l’agent d’exécution et mentionnées dans l’acte de saisie ou, au plus tard, dans les cinq jours si l’acte n’est pas signifié à personne ;  Toute déclaration inexacte, incomplète ou tardive expose le tiers saisi à être condamné au paiement des causes de la saisie, sans préjudice d’une condamnation au paiement de dommages-intérêts. » ;

 

Attendu qu’il ressort des faits sus relatés qu’au moment de la signification de l’acte de saisie-attribution du 06 janvier 2003, la SGBCI  a déclaré à l’huissier de justice que ni dame MENSAH, ni le Cabinet dentaire Longchamp n’étaient titulaires de comptes dans ses livres ; qu’à une seconde signification délivrée le 10 janvier 2003, la SGBCI  a déclaré par écrit refuser de saisir le compte du Cabinet dentaire Longchamp qu’elle avait pourtant déclaré quatre jours plus tôt inexistant  dans ses livres ; qu’en se ravisant trois jours après la seconde saisie pour envoyer par correspondance du 13 janvier 2003 ses déclaration et communication de pièces justificatives à l’huissier instrumentaire, la SGBCI , à qui les deux significations des 06 et 10 janvier 2003 ont été faites à personne, n’a ainsi pas réagi sur le champ et a donc fait une déclaration tardive, tombant sous le coup des sanctions de l’article 156 sus énoncé ; que c’est à bon droit que la Cour d’Appel d’Abidjan, retenant souverainement les faits de collusion frauduleuse entre la SGBCI et sa cliente dame MENSAH, a rétabli dame FOUA-BI dans ses droits, en faisant une saine interprétation et application de l’article 156 ci-dessus rappelé ; que cette première branche du moyen unique n’étant pas fondée, elle doit être rejetée ;

 

Sur la seconde branche du moyen unique

Attendu que le pourvoi fait grief à l’arrêt d’avoir adopté les motifs du jugement en soutenant : « c’est à bon droit que le premier juge qui a constaté que la SGBCI a failli à son obligation de renseignement, l’a condamnée au paiement des causes de la saisie et cela, sans qu’elle puisse invoquer une quelconque invalidité de ladite saisie, laquelle n’aurait pas été dénoncée au débiteur saisi (donc n’aurait pas été menée à son terme), puisqu’aussi bien, il s’agit ici d’une action spécifique du créancier contre le tiers pour fait personnel, à savoir la violation des obligations de renseignement ; que dès lors, cette action n’est pas liée à la poursuite de la procédure par le créancier et notamment par la dénonciation de la saisie-attribution dans le délai de huit jours au débiteur saisi. » ; Alors que la défenderesse au pourvoi, dame FOUA-BI, n’ayant pas pris le soin de mener les différentes saisies-attribution à leur terme, celles-ci sont frappées de caducité et ne pouvaient donc autoriser la Cour d’Appel à décider de la mise en cause de la garantie de la SGBCI ;

 

Attendu qu’il résulte de l’article 160 alinéa 1 de l’AUPSRVE que la saisie-attribution est dénoncée au débiteur par acte d’huissier ou d’agent d’exécution dans un délai  de  huit (8) jours à peine de caducité ;

 

Mais attendu que la saisie ne peut être dénoncée au débiteur que si le tiers saisi a régulièrement collaboré à l’opération de saisie en rendant immédiatement disponible au profit du saisissant la propriété du fonds saisi sans y opposer le moindre obstacle ; Qu’en l’espèce, la SGBCI, en faisant une  déclaration inexacte au saisissant, puis en refusant d’exécuter la saisie- attribution, n’a pas permis à la procédure de saisie d’être menée à son terme, le saisissant ne pouvant ainsi pas dénoncer une saisie dont il n’est pas encore attributaire ; Que les juges du fond, en retenant que l’action de dame FOUA-BI n’est pas liée à la poursuite de la procédure par le créancier et notamment par la dénonciation de la saisie attribution dans le délai de huit jours au débiteur saisi, mais qu’il s’agissait d’une action spécifique du créancier contre le tiers saisi pour son fait personnel de violation de son obligation de renseignement, se sont conformés strictement à l’esprit des articles 156 et 160 sus énoncés dont ils ont tiré à bon escient les conséquences de leur juste application ; que tout comme la première branche, cette seconde branche du moyen doit être rejetée comme non fondée ;

 

Attendu que la SGBCI doit être condamnée aux dépens pour avoir ainsi succombé ;

 

PAR  CES  MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré ;

En la forme :

Déclare recevable le recours introduit par SGBCI ;

Au fond :

Le rejette comme non fondé;

Condamne la SGBCI aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jours, mois et an que dessus et ont signé :

 

 

Le Président

 

Le Greffier