ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Deuxième chambre
Audience publique du 29 juin 2017
Pourvoi : n° 202/2016/PC du 15/09/2016
Affaire : Société Générale de Banques au Sénégal
(Conseil : SCPA Mame ADAMA GUEYE & Associés, Avocats à la Cour)
Contre
Modou Cheikh BABOU
(Conseil : Maître El hadj Malick DIOUF, Avocat à la Cour)
Arrêt N° 153/2017 du 29 juin 2017
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 29 juin 2017 où étaient présents :
Messieurs Abdoulaye Issoufi TOURE, Président
Namuano Francisco DIAS GOMES, Juge,
Djimasna N’DONINGAR, Juge, Rapporteur
Diéhi Vincent KOUA, Juge,
César Apollinaire ONDO MVE , Juge,
Et Maître Jean Bosco MONBLE, Greffier,
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 15 septembre 2016 sous le n° 202/2016/PC et formé par la SCPA Mame Adama GUEYE & Associés, Avocats à la Cour, demeurant au 28, Rue Amadou Assane Ndoye, BP 11443 à DAKAR, agissant au nom et pour le compte de la Société Générale de Banques au Sénégal dite SGBS SA ayant son siège au 19, Avenue Président Léopold Sédar Senghor, BP 323 à DAKAR, dans la cause qui l’oppose à monsieur Modou Cheikh BABOU, Commerçant, demeurant à Kaolack, quartier Touba Kaolack, Lot n°3585, ayant pour conseil Maître El hadj Malick DIOUF, avocat à la Cour, demeurant à Kaolack, quartier Leona, Avenue John F. Kennedy, en face de l’agence SONATEL ; en cassation de l’arrêt n° 26, rendu le 09 juin 2016 par la Cour d’appel de Kaolack et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort :
En la forme :
Reçoit l’appel ;
Au fond :
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Condamne la SGBS aux dépens » ;
Attendu que la requérante invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation, tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur Djimasna N’DONINGAR, Juge ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que, sur ordre du sieur Modou Cheikh BABOU, la SGBS a émis le 03 janvier 2011 une garantie à première demande d’un montant de 60 000 000 F cfa au bénéfice de la Société Grands Moulins de Dakar dite GMD ; qu’en date du 08 août 2011, la SGBS informait le donneur d’ordre de l’appel de la garantie et de son intention de payer la somme réclamée ; que, par courrier en date du 10 août 2011, celui-ci contestait la mise en œuvre de la garantie et informait la banque qu’il n’était plus redevable aux GMD ; que pour s’opposer à cet appel qu’il estime manifestement abusif, sieur Modou Cheickh saisissait le Président du Tribunal régional de Kaolack qui, par ordonnance à pied de requête n° 67 du 10 août 2011, l’autorisait à assigner le garant SGBS et le bénéficiaire GMD, à bref délai, en mainlevée de ladite garantie et, dans le même acte, mettait sursis à l’exécution de la garantie en attendant la décision sur les mérites de la demande ; que nonobstant cette ordonnance, la SGBS accédait à l’appel le 06 septembre 2011 ; que le 15 novembre 2011, par ordonnance contradictoire n° 56/11, le Président du Tribunal de Kaolack, estimant la garantie nulle parce que souscrite par une personne physique, prononçait sa mainlevée ; que cette décision étant devenue définitive, monsieur Modou Cheikh BABOU assignait la SGBS en responsabilité et en paiement ; que par jugement n° 22 rendu le 28 janvier 2016, le Tribunal de Kaolack faisait droit à sa demande et condamnait la SGBS à lui payer la somme totale de 70 000 000 F cfa ; que la Cour d’appel de Kaolack, sur appel de la SGBS, rendait le 09 juin 2016 l’arrêt confirmatif dont pourvoi ;
Sur la Compétence de la Cour de céans.
Attendu que dans le mémoire en réponse à la requête, reçu au greffe de la Cour de céans le 24 janvier 2016, Maître El hadj Malick DIOUF, conseil de la défenderesse au pourvoi, demande à la Cour de se déclarer incompétente pour examiner le pourvoi formé par la SGBS, au motif que la question de droit sur laquelle les juges d’instance et d’appel se sont prononcés porte sur la responsabilité de la SGBS pour un non-respect des décisions de justice, ayant causé un préjudice au sieur Modou Cheikh BABOU, en applications des articles 118, 119 et 134 du Code sénégalais des Obligations Civiles et Commerciales ; que ni le Tribunal de grande instance, ni la Cour d’appel de Kaolack ne se sont livrés à un exercice d’analyse et d’interprétation relativement à l’application des Actes uniformes de l’OHADA ;
Mais attendu que la responsabilité supposée de la SGBS est fondée sur une faute commise à l’occasion du paiement de la garantie souscrite ; que l’appréciation d’une telle faute suppose une interprétation des dispositions de l’Acte uniforme prévues à cet effet ; qu’aussi bien la Cour d’appel que le Tribunal de grande instance ont fait application de l’Acte uniforme du 17 avril 1997 portant organisation des sûretés ; que dès lors, la Cour de céans est compétente pour se prononcer sur le pourvoi contre la décision rendue ;
Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 45 de l’Acte Uniforme portant organisation des sûretés.
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué la violation de l’article 45 visé au moyen en ce qu’il a imputé au garant de vérifier le manquement des obligations du donneur d’ordre alors, selon le moyen, qu’aux termes de cet article il incombe au bénéficiaire de la garantie d’indiquer dans sa demande de paiement le manquement reproché au donneur d’ordre dans l’exécution de l’obligation en considération de laquelle la garantie a été souscrite ;
Mais attendu que suivant les énonciations du troisième alinéa du même article 45 de l’Acte Uniforme portant organisation des sûretés, « toute demande de paiement doit être conforme aux termes de la garantie (…) au titre de laquelle elle est effectuée… » ; que cela induit nécessairement un contrôle de la part du garant pour déceler toutes les irrégularités de forme ou de fond pouvant motiver un éventuel rejet de l’appel ; qu’en statuant ainsi qu’elle l’a fait, la cour n’a en rien violé l’article visé au moyen ; qu’il echet de rejeter le moyen comme étant non fondé ;
Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 47 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés.
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir retenu la responsabilité de la SGBS au motif qu’elle a procédé à la réalisation de la garantie au mépris de l’ordonnance à pied de requête autorisant l’assignation aux fins de mainlevée de ladite garantie alors que suivant l’article 47 de l’Acte Uniforme portant organisation des sûretés, le donneur d’ordre ne peut faire défense de payer au garant que si la demande de paiement du bénéficiaire est manifestement abusive ou frauduleuse ;
Mais attendu qu’il ressort des éléments non contestés versés au dossier que, réagissant à une mise en demeure des Grands Moulins de Dakar, en date du 26 juillet 2011, de payer la somme de 26 000 000 FCFA, monsieur Modou Cheikh BABOU a effectué, le 1er août 2011, trois versements d’un montant total de 26.140.400 FCFA au crédit des GMD dans un compte tenu dans les livres de la SGBS ; que, le 10 août 2011, en réaction à l’appel de la garantie, sieur Modou Cheikh BABOU fournissait à la banque les bordereaux desdits versements, à titre de preuve de l’apurement de ses dettes vis-à-vis du bénéficiaire ; que dès lors, la SGBS ne pouvant ignorer ces paiements effectués dans ses propres livres, l’appel de la garantie tendant à un deuxième paiement est manifestement frauduleux, justifiant la défense qui en a été faite ; qu’il y a également lieu de rejeter le moyen comme étant non fondé ;
Attendu qu’il échet en conséquence de rejeter le pourvoi ;
Attendu qu’il y a lieu de mettre les dépens à la charge de la Société Générale de Banques au Sénégal ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Se déclare compétente ;
Rejette le pourvoi formé par la Société Générale de Banques au Sénégal ;
La condamne aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier