ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Première chambre
Audience Publique du 27 janvier 2005
Pourvoi : n°041/2004/PC du 19 avril 2004.
Affaire : Société Générale de Banque en Côte d’Ivoire dite SGBCI
(Conseils : Maîtres DOGUE, ABBE Yao et associés, avocats à la cour)
Contre
Ayants Droit de TAHIROU Moussa
(Conseil : Maître AMANY Kouamé, avocat à la cour)
ARRET N° 004/2005 du 27 janvier 2005
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A), Première chambre, de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A) a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 27 janvier 2005 où étaient présents :
Messieurs Jacques M’BOSSO, Président
Maïnassara MAIDAGI, Juge
Biquezil NAMBAK, Juge, rapporteur
et Maître BINDE Colombe Zélasco KEHI, Greffier ;
Sur le pourvoi en date du 14 avril 2004, enregistré au greffe de la Cour de céans le 19 avril sous le n°041/2004/PC et formé par Maîtres DOGUE, ABBE Yao et associés, avocats à la Cour, demeurant à Abidjan, 29, Boulevard CLOZEL, 01 BP 174 Abidjan 01, agissant au nom et pour le compte de la SGBCI, Société anonyme au capital de 15.333.335.000 FCFA dont le siège social est à Abidjan, 5-7, Avenue Joseph ANOMA, prise en la personne de son représentant légal, Monsieur Michel MIALLE, Directeur général, de nationalité française, demeurant COCODY, Rue des Hortensias, 01 BP 1355 Abidjan 01, dans une cause l’opposant aux ayants droit de TAHIROU Moussa, tous représentés par Madame SALIMATA DANTE, laquelle fait élection de domicile en l’étude de Maître AMANY KOUAME, avocat à la Cour, Rue 38, Boulevard Nanan YAMOUSSO, escalier c, 1er étage, porte 110, 01 BP 454 Abidjan 01, en cassation de l’Ordonnance n°031/04 rendue le 08 mars 2004 par le Président de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en dernier ressort ;
Nous nous déclarons compétent,
En conséquence, liquidons l’astreinte ordonnée à la somme de 10.000.000 de francs plus 500.000 francs représentant les intérêts et émoluments d’huissier et en ordonner le paiement par la SGBCI ;
Condamnons la SGBCI aux dépens »
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi le moyen unique de cassation tel qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Biquezil NAMBAK ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu que la signification du recours faite aux ayants droit de TAHIROU Moussa par le Greffier en chef de la Cour de céans n’a pas été suivie du dépôt de mémoire en réponse au greffe de celle-ci dans le délai de trois mois prévu à l’article 30 du Règlement de procédure de ladite juridiction ; que le principe du contradictoire ayant été respecté et le dossier étant en état, il y a lieu d’examiner ledit recours ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure qu’en exécution d’un arrêt de la Cour d’appel d’Abidjan, les ayants droit de TAHIROU MOUSSA ont pratiqué le 1er octobre 2002 , une saisie attribution de créances au préjudice de la société CFCI TEXTILES entre les mains de la SGBCI pour avoir paiement de la somme de 7.589.508 FCFA ; que sur contestation de CFCI TEXTILES, le Juge des référés a, par Ordonnance n° 5303 du 20 novembre 2002, déclaré nul l’exploit de saisie attribution ; que les ayants droit de TAHIROU Moussa, se prévalant d’un certificat de non contestation délivré par le secrétariat général de la Cour Suprême, ont demandé à la SGBCI d’exécuter la saisie en leur faveur ; que la SGBCI n’a pas accédé à cette demande en estimant que seul le greffe de la juridiction prévue à l’article 49 de l’Acte uniforme sur les voies d’exécution est compétent pour délivrer un tel certificat ; que sur appel des ayants droit de TAHIROU Moussa, la Cour d’appel d’Abidjan a, par Arrêt n°1235 du 21 novembre 2003, infirmé en toutes ses dispositions l’Ordonnance n°5303/02 et restitué à la saisie attribution pratiquée le 1er octobre 2002 son plein et entier effet ; que sur présentation de cette décision exécutoire, la SGBCI a procédé au paiement des causes de la saisie entre les mains du mandataire des ayants droit de TAHIROU Moussa ; qu’ avant l’intervention de la décision de la Cour d’appel, lesdits ayants droit ont assigné la SGBCI devant le Président de la Cour Suprême pour s’entendre condamner à payer les causes de la saisie; que le Président de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire a, par Ordonnance n°116/2003 du 08 décembre 2003, condamné la SGBCI à payer la somme de 7.589.508 FCFA sous astreinte comminatoire de 2.000.000 FCFA par jour de retard ; que sur la base de cette ordonnance , les ayants droit de TAHIROU Moussa ont assigné la SGBCI en liquidation d’astreinte devant la même juridiction présidentielle ; que passant outre son incompétence soulevée par la SGBCI, le Président de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire a, par Ordonnance n°031/04 du 08 mars 2004 dont pourvoi, fait droit à la demande des ayants droit de TAHIROU Moussa en condamnant ladite SGBCI à payer à ceux-ci la somme de 10.000.000 FCFA au titre d’astreintes et 500.000 FCFA représentant les intérêts et émoluments d’huissier.
Sur la recevabilité du recours
Vu les articles 14, alinéas 3 et 4 et 18 du Traité susvisé ;
Attendu que l’examen des pièces du dossier de la procédure et notamment des « conclusions en réplique » déposées le 11 février 2004 par le conseil de la SGBCI révèle que celle-ci a soulevé, à propos de l’Ordonnance n°116/03 du 08 décembre 2003, l’incompétence du Président de la Cour Suprême à connaître d’une demande de condamnation à payer les causes de la saisie sous astreintes au motif qu’il s’agit d’une ordonnance rendue en matière de contestation de saisie attribution qui relève de la seule compétence du Président du Tribunal de première instance ou du juge délégué par lui en application de l’article 49 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ; qu’en revanche, en ce qui concerne l’Ordonnance n°031/04 rendue le 08 mars 2004 par le Président de la Cour Suprême et relative à la liquidation d’astreinte, objet du présent recours, la SGBCI a seulement soutenu « …que la juridiction des référés qui plus est le Président de la Cour Suprême ne peut pas rendre une telle décision sous peine de priver la SGBCI du bénéfice du double degré de juridiction dans l’hypothèse où elle était condamnée maintenant…qu’il appartient à la juridiction de fond de se prononcer éventuellement sur la liquidation des astreintes …que le Président de la Cour Suprême est donc incompétent » ;
Attendu que les articles 14, alinéas 3 et 4 et 18 du Traité susvisé disposent respectivement que «…saisie par voie de recours en cassation, la Cour se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d’appel des Etats Parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des Actes uniformes et des règlements prévus au présent Traité à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales.
Elle se prononce dans les mêmes conditions sur les décisions non susceptibles d’appel rendues par toute juridiction des Etats Parties dans les mêmes contentieux. » et « toute partie qui, après avoir soulevé l’incompétence d’une juridiction nationale statuant en cassation estime que cette juridiction a, dans un litige la concernant, méconnu la compétence de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage peut saisir cette dernière dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision contestée.
La Cour se prononce sur sa compétence par arrêt qu’elle notifie tant aux parties qu’à la juridiction en cause.
Si la Cour décide que cette juridiction s’est déclarée compétente à tort, la décision rendue par cette juridiction est réputée nulle et non avenue. » ;
Attendu qu’il résulte de l’analyse des dispositions combinées des articles 14 et 18 susénoncées du Traité susvisé que la Cour de céans ne peut être régulièrement saisie d’un recours dirigé contre une décision rendue par une juridiction nationale statuant en cassation qu’à la double condition, d’une part, que la décision attaquée se rapporte au contentieux de l’application des Actes uniformes et des règlements prévus au Traité institutif de l’OHADA à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales et, d’autre part, que l’incompétence de ladite juridiction nationale relativement au contentieux sus indiqué ait été soulevée au préalable devant celle-ci ;
Attendu en l’espèce qu’il est constant, comme résultant de l’examen des pièces du dossier de la procédure, que si l’incompétence du Président de la Cour Suprême a été soulevée par la SGBCI lors de l’examen de la demande de liquidation d’astreinte, elle l’a été non pas parce que la SGBCI a estimé que l’affaire soulève une question relative au contentieux de l’application des Actes uniformes et règlements de l’OHADA, mais plutôt parce qu’elle a considéré que l’affaire relève de la compétence du Juge du fond et non de celle du Juge des référés ; qu’il suit que le recours formé par la SGBCI ne répond pas aux conditions énumérées aussi bien par l’article 14 que par l’article 18 du Traité susvisé ; qu’il échet en conséquence de déclarer ledit recours irrecevable ;
Attendu que la SGBCI ayant succombé, doit être condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Déclare irrecevable le recours en cassation de l’Ordonnance n°031/04 du 08 mars 2004 formé par la SGBCI ;
La condamne aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier