ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 Première Chambre

Audience publique du 31 mai 2007

Pourvoi : n° 080/2003 du 12 septembre 2003 

Affaire : Société de Distribution d’Eau de Côte d’Ivoire dite SODECI

                            (Conseil : Maître NDèye ADJOUSSOU-THIAM, Avocat à la Cour)

contre

Entreprise Solution Euro-Africaine Louis VALLEGRA

               dite SEAE-LV

(Conseil : Maître TAPE MANAKALE, Avocat à la Cour)

 

ARRET N°020/2007 du 31 mai 2007

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.), Première chambre, de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 31 mai 2007 où étaient présents :

 

  1. Jacques M’BOSSO,                       Président, rapporteur

Maïnassara MAIDAGI,                    Juge

Biquezil NAMBAK,                       Juge

 

et  Maître ASSIEHUE Acka,             Greffier ;

 

Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans sous le numéro 080/2003 du 12 septembre 2003 et formé par Maître NDèye ADJOUSSOU-THIAM, Avocat à la Cour, demeurant Résidence ATTA I, 6è étage, 01 B.P. 7877 Abidjan 01, agissant au nom et pour le compte de la Société de Distribution d’Eau de Côte d’Ivoire dite SODECI dans la cause qui l’oppose à l’entreprise Solution Euro-Africaine Louis VALLEGRA dite SEAE-LV dont le siège social est à Abidjan – Vridi, 18 BP 163 Abidjan 18, ayant pour Conseil Maître TAPE MANAKALE Ernest, Avocat à la Cour, demeurant 26, Avenue Lamblin, Immeuble l’Equateur, 3è étage, 01 BP. 5176 Abidjan 01,en cassation de l’Arrêt n°357 rendu le 28 mars 2003 par la deuxième chambre civile de la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :

 

« En la forme

Déclare l’entreprise dite Solution Euro-Africaine Louis VALLEGRA dite SEAE-LV recevable en son appel relevé du Jugement n° 478 rendu le 03 avril 2002 par le Tribunal d’Abidjan ;

Au fond :

L’y dit bien fondée ;

Infirme en toutes ses dispositions ledit jugement ;

Statuant à nouveau

Restitue à l’Ordonnance d’injonction de payer n° 11.901.2001 du 30/10/2001 son plein et entier effet ;

Condamne la SODECI aux dépens » ;

La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;

Sur le rapport de Monsieur Jacques M’BOSSO, Président ;

Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que par convention en date du 19 décembre 1997, les sociétés SODECI et SEAE-LV avaient constitué un groupement dénommé « Groupement SODECI / SEAE – LV », lequel avait obtenu par adjudication le marché de construction des bassins de lagunage de l’usine du caoutchouc de Yacoli – Dabou en Côte d’Ivoire avec pour maître d’ouvrage la Société Africaine de Plantations d’Hévéas dite SAPH ; qu’aux termes de ladite convention, les parties avaient décidé, d’une part, que le maître d’ouvrage se libérera des sommes dues à leur groupement en créditant le compte ouvert par la SODECI en son nom à la SGBCI et, d’autre part, que les sommes perçues au titre du marché par la SODECI seraient reparties à raison de 4,7% pour la SODECI et 95,3 % pour la SEAE-LV qui devait exécuter le marché sous le contrôle de la SODECI et adresser pour paiement ses factures à celle-ci ; que c’est ainsi qu’en réglant chaque facture la SODECI avait prélevé à la source le montant de la TVA qu’elle reversait, selon elle, à l’Administration fiscale en application de l’article 271 du Code général ivoirien des impôts ; qu’estimant pour sa part que la retenue des impôts à la source par la SODECI était contraire à la convention des parties, la SEAE-LV avait sollicité et obtenu de la juridiction présidentielle du Tribunal de première instance d’Abidjan une Ordonnance d’injonction de payer   n°11901/2001 du 30 octobre 2001 condamnant la SODECI au paiement de la somme totale de 63.342.506 francs CFA dont 22.559.985 F CFA au titre des prélèvements de TVA des 17 novembre et 14 décembre 1998 ; 8.000.000 F CFA de frais de justice ; 16.539.336 d’intérêts de retard et 16.243.185 F CFA de frais d’agios ; que s’opposant à ladite ordonnance d’injonction de payer obtenue par la SEAE-LV pour créance non due, la SODECI avait saisi le Tribunal de première instance d’Abidjan qui avait débouté SEAE-LV de sa demande de paiement ; que sur appel de la SEAE-LV, la Cour d’appel d’Abidjan a rendu l’arrêt dont pourvoi ;

 

Sur le premier moyen

Vu les articles 1 et 2 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;

 

Attendu qu’il est fait  grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé les articles 1, 2 et 5 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution en ce que l’arrêt attaqué a considéré, d’une part, que la SODECI n’ayant pas la qualité d’entrepreneur et la SEAE-LV n’étant pas son sous-traitant, elle ne devait pas opérer des retenues à la source de la TVA sur les sommes destinées à la SEAE-LV puisque celle-ci est une entreprise soumise elle-même à la TVA et, d’autre part, que la SEAE-LV a payé, elle-même sa part de TVA à l’administration fiscale alors que, selon le moyen, et « comme la SEAE-LV reconnaît elle-même implicitement dans ses conclusions du 19 novembre 2002, les retenues, contestées à tort, sont légales et obligatoires ; elle n’a donc pas de créance sur la SODECI. Elle ne peut donc pas demander le remboursement des sommes litigieuses sur le fondement de l’acte uniforme précité. [Il s’ensuit] que l’ordonnance d’injonction de payer a été rendue en violation des termes des articles 2 et 5 précités car manquant de base contractuelle et de fondement, la créance principale de 22.559.985 F réclamée n’étant pas due (…) la SODECI ne doit pas à la SEAE-LV la prétendue créance principale, la TVA prélevée ayant été entièrement reversée à l’administration (…) non seulement la SEAE-LV n’a pas pu établir qu’elle a payé doublement la TVA, mais elle n’a surtout pas produit de justificatifs à l’appui de sa demande concernant les intérêts, les honoraires d’avocat, les frais d’huissier et de greffe qui portent sa réclamation de 22.559.985 F CFA à la somme de 63.342.506 F CFA, objet de la décision d’injonction de payer. » ; qu’en confirmant l’Ordonnance d’injonction de payer n° 1190/2001 du 30 octobre 2001 par l’arrêt attaqué, toujours selon le moyen, la Cour d’appel d’Abidjan a violé les dispositions des articles 1, 2 et 5 de l’Acte uniforme précité et son arrêt encourt cassation de ce chef ;

 

Attendu que les articles 1 et 2 de l’Acte uniforme susvisé disposent respectivement que « le recouvrement d’une créance certaine, liquide et exigible peut être demandé suivant la procédure d’injonction de payer » et que « la procédure d’injonction de payer peut être introduite lorsque :

1) la créance a une cause contractuelle ;

2) l’engagement résulte de l’émission ou de l’acceptation de tout effet de commerce ou d’un chèque dont la provision s’est révélée inexistante ou insuffisante » ;

 

Attendu qu’il résulte de l’analyse des dispositions susénoncées que le recours à la procédure d’injonction de payer en vue du recouvrement d’une créance n’est régulier que lorsque ladite créance, d’une part, revêt les trois caractères de certitude, de liquidité et d’exigibilité et, d’autre part, a une cause contractuelle ou lorsque l’engagement résulte de l’émission ou de l’acceptation de tout effet de commerce ou d’un chèque dont la provision s’est révélée inexistante ou insuffisant ; qu’en l’espèce, il est constant comme résultant de l’examen des pièces du dossier de la procédure que la créance dont le recouvrement est poursuivi par l’entreprise SEAE-LV selon la procédure d’injonction de payer est constituée de produit de TVA prélevée et reversée par la SODECI à l’administration fiscale, d’intérêts de retard, de frais de justice et de frais d’agios ; qu’il suit qu’en condamnant la SODECI à payer la somme de 63.342.546 F CFA sans s’assurer si les conditions de mise en œuvre de la procédure d’injonction de payer étaient réunies alors même que la créance réclamée ne remplit pas les conditions requises de certitude, de liquidité et d’exigibilité tout comme elle manque de cause contractuelle, la Cour d’appel d’Abidjan a méconnu les dispositions des articles 1 et 2 de l’Acte uniforme susvisé et exposé son arrêt à la cassation ; qu’il échet de casser ledit arrêt et d’évoquer sans qu’il soit besoin d’examiner le second moyen du pourvoi ;

 

Sur l’évocation

Attendu que par acte d’appel valant premières conclusions en date du 02 mai 2002, l’entreprise SEAE-LV a relevé appel du Jugement n° 478 du 03 avril 2002 du Tribunal de première instance d’Abidjan « pour les torts et griefs que lui cause ledit jugement », en ce qu’il l’a déboutée de sa demande en recouvrement ; qu’elle prie la Cour « de faire triompher le droit en infirmant la décision du Tribunal et condamner la société SODECI, ressuscitant ainsi l’ordonnance d’injonction de payer n° 11301 rendue le 30 octobre 2001 par la juridiction présidentielle du Tribunal de première instance d’Abidjan – Plateau » ;

 

Attendu que pour sa part et dans ses conclusions en cause d’appel en date du 28 juin 2002, la SODECI, par le canal de son Conseil, Maître NDèye ADJOUSSOU THIAM, Avocat à la Cour, prie la Cour « de confirmer le jugement entrepris parce que les retenues des 17 novembre et 13 décembre 1998 sont parfaitement légales et que par conséquent la demande de la société SEAE-LV est totalement injustifiée » ;

 

Attendu que pour les mêmes motifs que ceux sur le fondement desquels l’arrêt attaqué a été cassé, il échet de rejeter la demande d’infirmation du jugement entrepris formulée par l’entreprise SEAE-LV en confirmant en toutes ses dispositions ledit jugement ;

 

Attendu que la SEAE-LV ayant succombé, il échet de la condamner aux dépens ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Casse l’Arrêt n° 357 rendu le 28 mars 2003 par la Cour d’appel d’Abidjan ;

Evoquant et statuant sur le fond,

Confirme en toutes ses dispositions le  Jugement n° 478 rendu le 03 avril 2002 par le Tribunal de première instance d’Abidjan – Plateau ;

Condamne la SEAE-LV aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

 

Le Président

Le Greffier