ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Première chambre
Audience publique du 29 mars 2018
Pourvoi n°111/2013/PC du 02/09/2013
Affaire : Société Dakar Résidences
(Conseils : Maître Sady NDIAYE et SCPA Guedel NDIAYE & Associés, Avocats à la Cour)
Contre
Caisse de Sécurité Sociale
(Conseils : Maître Mayacine TOUNKARA & Associés, Avocats à la Cour)
Arrêt N° 065/2018 du 29 mars 2018
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), première chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 29 mars 2018 où étaient présents :
Madame Flora DALMEIDA MELE, Présidente, rapporteur
Messieurs Marcel SEREKOISSE SAMBA, Juge
Robert SAFARI ZIHALIRWA, Juge
et Maître Edmond Acka ASSIEHUE, Greffier ;
Sur le renvoi, en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans, de l’affaire Société Dakar Résidences contre Caisse de Sécurité Sociale, par Arrêt n°90 du 7 décembre 2011 de la Cour suprême du Sénégal, saisie d’un pourvoi formé par la société Dakar Résidences, aux poursuites et diligences de son représentant légal, en ses bureaux sis à Dakar, 20, boulevard Djily Mbaye, ayant pour conseils Maître Sady NDIAYE, Avocat à la Cour, à Dakar, Sicap Liberté 2 villa n°1562 et la SCPA Guedel NDIAYE & Associés, Avocats à la Cour, 73 bis, rue Amadou Assane NDOYE à Dakar, dans la cause l’opposant à la Caisse de Sécurité Sociale, prise en la personne de son Directeur Général, en ses bureaux sis à Dakar, Place de l’O.I .T. ayant pour conseils Maître Mayacine TOUNKARA & Associés, Avocats à la Cour à Dakar, 15 boulevard Djily Mbaye x rue de Thann, renvoi enregistré au greffe de la Cour de céans sous le n°111/2013/PC du 02/09/2013, en cassation de l’Arrêt n°106 rendu le 03 février 2011 par la Cour d’appel de Dakar et dont le dispositif est le suivant :
« PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort ;
Vu l’ordonnance de clôture ;
Infirme partiellement le jugement entrepris et statuant à nouveau ;
Prononce la résiliation des baux ;
Condamne Dakar Résidences SARL à payer à la Caisse de Sécurité Sociale la somme de 134. 599. 811 FCFA ;
Fait masse des dépens qui seront supportés dans la proportion de ¾ pour Dakar Résidences et ¼ pour la CSS ; » ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les cinq moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Madame Flora DALMEIDA MELE, Présidente ;
Vu les dispositions des articles 13, 14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que suivant deux contrats, la Caisse de Sécurité Sociale a donné à bail à usage commercial à la société Dakar Résidences des locaux situés respectivement au 2ème étage de l’immeuble sis au 20 boulevard Djily MBAYE pour une durée de trois ans renouvelable allant du 1er juillet 1996 au 30 juin 1999 moyennant un loyer mensuel de 793 046 F CFA et au 3ème étage du même immeuble pour une durée de trois années renouvelable par tacite reconduction courant du 1er octobre 1997 au 30 septembre 2000 moyennant un loyer de 854 049 FCFA ; qu’en vue de la remise des lieux en état, le preneur avait avancé le montant de 21 373 487 FCFA qui venait en compensation des loyers ramenés ainsi à 423 239 FCFA mensuel pour la période courant du 1er octobre 1997 au 28 février 2002 ; qu’estimant que les arriérés de la société Dakar Résidences se sont élevés au montant de 102 142 511 FCFA , la Caisse de Sécurité Sociale l’a assignée en paiement par devant le Tribunal hors classe de Dakar lequel, par jugement n°1601 rendu le 7 juillet 2009 , avait déclaré irrecevable la demande en expulsion présentée par la Caisse de Sécurité Sociale et a condamné la société Résidences Dakar à lui payer la somme de 102 142 511 FCFA ; que sur appel de la Caisse de Sécurité Sociale, la Cour d’appel de Dakar a rendu l’arrêt dont pourvoi ;
Sur la recevabilité du pourvoi
La défenderesse au pourvoi soulève l’irrecevabilité du pourvoi pour violation de l’article 35 alinéa 1 de la loi organique sénégalaise portant création de la Cour suprême en ce que la requête n’indique ni le nom, ni le domicile des parties contrairement aux dispositions du texte vus visé ;
Mais attendu que la Cour suprême du Sénégal s’étant, par arrêt n°90 du 7 décembre 2011, dessaisie de l’affaire au profit de la Cour de céans, ce moyen d’irrecevabilité fondé sur des dispositions de droit interne ne peut plus prospérer devant celle-ci dès lors qu’elle est saisie en vertu de l’article 15 du Traité de l’OHADA ;
Sur le premier moyen
Attendu que la requérante reproche à l’arrêt attaqué un défaut de réponses à conclusions d’une part, sur le cantonnement de l’appel de la CSS qui l’empêche de demander la réformation de la partie du jugement non dévolue par elle à la Cour d’appel et, d’autre part, sur l’exception tirée de la compétence exclusive du juge des référés en matière d’expulsion ;
Mais attendu qu’il ressort de l’arrêt critiqué que CSS et société Dakar Résidences ont respectivement, par exploits des 16 et 30 juillet 2009, interjeté appels contre le jugement entrepris ; que par l’effet dévolutif des appels, la Cour d’appel est amenée à réexaminer l’entier dossier ; que la requérante ne peut donc se prévaloir d’un quelconque cantonnement de l’appel de la CSS pour soulever un défaut de réponses à ses conclusions relativement audit cantonnement ; que par ailleurs, société Dakar Résidences n’a donné aucune précision des conclusions par lesquelles l’exception de compétence d’attribution a été soulevée ; que ce moyen doit donc être rejeté ;
Sur le deuxième moyen
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 101 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial en ce que la Cour d’appel a retranché à la loi en retenant que la seule condition posée par l’article visé au moyen est l’attente du délai d’un mois pour que la procédure soit recevable, alors, selon l’alinéa 4 dudit article, que : « le bailleur qui entend poursuivre la résiliation du bail dans lequel est exploité un fonds de commerce doit notifier sa demande aux créanciers inscrits. » ;
Mais attendu qu’après avoir énoncé l’article 101 alinéa 4 de l’Acte uniforme précité et, en relevant « qu’il apparaît de l’économie de ce texte que la juridiction n’est tenue de surseoir à statuer que durant le mois qui suit la notification », c’est-à-dire dans un délai d’un mois après la notification aux créanciers inscrits, la cour d’appel n’a pas retranché à la loi ; que dès lors, il échet de rejeter le moyen ;
Sur le troisième moyen
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir, par mauvaise application, violé l’article 101 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial en ce que, d’une part, la cour d’appel a affirmé que le certificat négatif peut être produit en cause d’appel alors que la production acceptée de cette pièce pour la première fois en cause d’appel constitue une violation du principe du double degré de juridiction préjudiciable aux potentiels créanciers inscrits et, d’autre part, en ce que la Cour d’appel a retenu qu’un commandement de payer n’est pas nécessaire pour réclamer le surplus de la créance de loyers, alors qu’aux termes de l’article 101 alinéa 2 de l’Acte uniforme sus indiqué, préalablement à la résiliation du bail et à l’expulsion, le bailleur doit adresser au preneur, par acte extrajudiciaire, une mise en demeure d’avoir à respecter les clauses et conditions du bail ; qu’enfin, la Cour d’appel a affirmé que société Dakar Résidences ne prouve pas la qualité de commerçant de la CSS de par son objet ou sa forme, alors que le dispositif de l’arrêt mentionne qu’elle a statué en matière commerciale, reconnaissant ainsi que le litige des parties est soumis au droit commercial et non au droit civil ;
Mais attendu que le certificat négatif de nantissement produit en appel prouve qu’il n’existe aucun créancier inscrit et ne modifie nullement la demande initiale ; que CSS a respecté les dispositions de l’article 101 alinéa 2 en adressant un commandement de payer une somme d’argent ; que des loyers s’étant accumulés depuis le rendu du jugement par la première instance, et, fondant sa décision sur l’article 273 alinéa 2 du nouveau code de procédure civile du Sénégal qui permet de faire des demandes en cause d’appel sur des arrérages, loyers et autres accessoires échus depuis la décision de première instance, la Cour d’appel n’a pas violé l’article 101 alinéa 2 de l’Acte uniforme précité ; qu’enfin, la requérante ne précise pas en quoi sa qualité de commerçant ou non, viole l’article 101 de l’Acte uniforme précité ; que ce troisième moyen aussi doit être rejeté ;
Sur le quatrième moyen
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir dénaturé les faits en ce que la Cour d’appel a déclaré recevable la demande complémentaire de la CSS au mépris des dispositions et des exigences de l’article 101 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial, alors que la demande complémentaire, qui est une demande nouvelle, doit être introduite conformément à la loi, c’est-à-dire après une mise en demeure ;
Mais attendu qu’en raison de son imprécision, le grief de dénaturation des faits visé au moyen doit être rejeté ;
Sur le cinquième moyen
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir statué ultra petita en ce que la Cour d’appel a alloué la somme sollicitée dans la demande complémentaire, alors que dans l’exploit introductif d’instance qui définit les limites et l’étendue du procès, la CSS réclamait seulement la somme de 102 142 511 FCFA ;
Mais attendu que le juge d’appel a fondé sa décision sur les dispositions de l’article 273 alinéa 2 du nouveau code de procédure civile du Sénégal qui stipulent : « les parties peuvent aussi demander [en cause d’appel] des intérêts, arrérages, loyers et autres accessoires échus depuis la décision de première instance et des dommages-intérêts pour le préjudice souffert depuis cette décision. » ; que c’est donc à bon droit que les loyers échus depuis le jugement ont été accordés ; que la Cour d’appel n’a donc pas statué ultra petita ; que ce moyen doit également être rejeté ;
Attendu qu’ayant succombé, société Dakar Résidences doit être condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Déclare le recours recevable ;
Le rejette ;
Condamne société Dakar Résidences aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
La Présidente
Le Greffier