ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

Troisième chambre

Audience publique du 28 avril 2016

Pourvoi :  n° 155/2012/PC du 06/11/2012 

Affaire :    Société Civile de Patrimoine AZUR dite SCP AZUR

               (Conseil : Maître Franck-Orly ZAGO, Avocat à la cour) 

                                          contre             

               Société SDV-SAGA CI devenue BOLLORE AFRICA   

               LOGISTICS Côte d’Ivoire           

               (Conseil : Maître Agnès OUANGUI, Avocat à la cour)

 Arrêt N° 078/2016 du 28 avril 2016

                   

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), troisième Chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 28 avril 2016 où étaient présents :

 

Madame Flora DALMEIDA MELE,                                      Présidente

Messieurs Victoriano OBIANG ABOGO,                              Juge

Idrissa YAYE,                                                                     Juge

Birika Jean Claude BONZI,                                             Juge, rapporteur

Fodé KANTE,                                                                     Juge

et Maître              Alfred Koessy BADO,                          Greffier ;

 

Sur le recours enregistré au greffe de la Cour de céans le 06 novembre 2012 sous le n°155/2012/PC et formé par Maître Franck- Orly ZAGO, avocat à la Cour, demeurant Abidjan Plateau, angle boulevard de la République, avenue Terrasson de Fougère, immeuble Alpha 2000, 12ème  étage, 17 BP 289 Abidjan 17,  agissant au nom et pour le compte de la Société civile de Patrimoine AZUR dite SCP AZUR  dont le siège social est sis à Abidjan Yopougon, nouveau quartier, 01 BP 1331 Abidjan 01, représentée par son représentant légal , monsieur AGNERO LORNG Alain, gérant, demeurant à Abidjan Marcory, dans la cause l’opposant à la société SDV-SAGA CI devenue BOLLORE  AFRICA LOGISTICS Côte d’Ivoire dont le siège social est à Abidjan  Treichville, immeuble DELMAS, avenue Christiani, représentée par son directeur  général , monsieur  LIONNEL LABARRE, domicilié à Abidjan cocody, rue des ambassades, 01 BP 1727 Abidjan 01,en annulation de l’arrêt n°273/12 rendu le 05 avril  2012 par la Cour suprême de Côte d’Ivoire et dont le dispositif est le suivant :

 

« Par ces motifs

Casse et annule l’arrêt attaqué ;

Evoquant ;

Condamne la société BOLLORE AFRICA LOGISTICS à payer à la SCPA AZUR la somme de 33 540 000 Francs ;

Laisse les dépens à la charge du trésor public ;

Ordonne la transcription du présent arrêt sur les registres du greffe de la Cour d’Appel d’Abidjan en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ; » ;

 

La requérante invoque à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation, tel qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt ;

 

Sur le rapport de monsieur Birika Jean Claude BONZI, Juge ;

 

Vu les articles 13, 14, 15 et 18 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

 

Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que, par acte sous seing privé en date du 1er juin 2002, la SCP AZUR et la société SDV-CI devenue SDV-SAGA CI puis BOLLORE AFRICA LOGISTICS CÔTE D’IVOIRE ont conclu un contrat de bail commercial portant sur la location de cinq (05) entrepôts situés dans la zone portuaire d’Abidjan-Vridi pour une période de deux années allant du 1er juin 2002 au 31 mai 2004 moyennant un loyer mensuel de 11 800 000 F CFA payable d’avance et par trimestre ; que par correspondance en date du 14 février 2003 reçue le 18 février 2003 par la SCP AZUR, la société  BOLLORE AFRICA LOGISTICS Côte d’Ivoire lui  notifiait sa décision unilatérale et sans préavis de résilier le bail conclu entre elles le 1er juin 2002 ; qu’en réaction, la SCP AZUR, assignait la société BOLLORE AFRICA LOGISTIC Côte d’Ivoire par devant le tribunal de première instance d’Abidjan en paiement de loyers échus et en dommages intérêts lequel, par jugement N°2701 rendu le 29 juillet 2004, condamnait la société  BOLLORE AFRICA LOGISTICS Côte d’Ivoire à lui payer la somme de 188 040 000 F CFA ; que sur appel de la société BOLLORE, la cour d’appel d’Abidjan rendait le 13 février 2009 l’arrêt confirmatif N°102 dont pourvoi a été formé devant la Cour suprême de la Côte d’Ivoire par la société BOLLORE; que dans ses conclusions en date du 04 juin 2009, la société SCP AZUR soulevait l’incompétence de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire à connaître du pourvoi ; que par arrêt N°273/12 rendu le 05 avril 2012, ladite Cour suprême rejetait l’exception d’incompétence soulevée et condamnait la société BOLLORE AFRICA LOGISTICS Côte d’Ivoire à payer à la SCP AZUR la somme de 33 540 000 F CFA ; que par requête reçue au greffe de la Cour de Céans  le 6 novembre 2012, la SCP AZUR formait un recours contre l’arrêt de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire ;

 

Sur le moyen unique d’annulation

Attendu que la requérante demande à la Cour de céans, sur le fondement de l’article 18 du Traité de l’OHADA, de casser l’arrêt n°273/12 rendu le 05 avril 2012 par la Cour suprême de Cote d’Ivoire au motif que rejetant l’exception d’incompétence qu’elle a soulevée devant elle, ladite Cour a rendu la décision attaquée en violation des articles 14 et 15 dudit Traité en motivant sa décision comme il suit : « Mais attendu que si le contentieux porte sur l’exécution d’un bail commercial, les évènements ayant rendu selon BOLLORE AFRICA LOGISTICS l’exécution de l’obligation impossible sont régis par le Code Civil et non le traité de l’OHADA ; qu’il y a lieu par conséquent de se déclarer compétente et de rejeter l’exception soulevée ; » ;

 

Attendu que nonobstant le terme impropre de « cassation » employé par la requérante, il y a lieu de considérer le recours en question fondé expressément sur les dispositions de l’article 18 du Traité comme étant en réalité un recours en annulation, l’article sur le fondement duquel le recours est exercé traitant du recours en annulation ouvert sous certaines conditions contre les arrêts rendus par les juridictions nationales de cassation ;

 

Attendu qu’aux termes de l’article 18 du Traité susvisé : « Toute partie qui, après avoir soulevé l’incompétence d’une juridiction nationale statuant en cassation estime que cette juridiction a, dans un litige la concernant, méconnu la compétence de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, peut saisir cette dernière dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision contestée ;

 

La cour se prononce sur sa compétence par arrêt qu’elle notifie tant aux parties qu’à la juridiction en cause. Si la Cour décide que cette juridiction s’est déclarée compétente à tort, la décision rendue par cette juridiction est réputée nulle et non avenue. » ;

 

qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure que la requérante a, en l’espèce, bien soulevé l’incompétence de la Cour suprême devant elle et a exercé son recours dans le délai de deux mois, se conformant ainsi aux prescriptions de l’article article 18 du Traité précité ; qu’il est constant que l’objet de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt critiqué de la Chambre judiciaire de la Cour suprême de Côte d’Ivoire porte sur un bail commercial conclu entre les parties ; qu’un tel bail est régi par les dispositions de l’Acte uniforme sur le droit commercial général dont l’application et l’interprétation échappent à la compétence de la Cour Suprême ; que dès lors, la Chambre judiciaire de la Cour suprême de Côte d’Ivoire s’étant déclarée compétente à tort en violation flagrante  du Traité susvisé, sa décision est réputée nulle et non avenue en application des dispositions de l’article 18 in fine dudit Traité ;

 

Attendu que la société BOLLORE AFRICA LOGISTIC Côte d’Ivoire ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens ;

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement après en avoir délibéré ;

Dit que la Chambre judiciaire de la Cour suprême de Côte d’Ivoire s’est déclarée compétente à tort pour examiner le pourvoi en cassation formé par la société BOLLORE AFRICA LOGISTIC Côte d’Ivoire ;

Déclare en conséquence nul et non avenu l’Arrêt N°273/12 rendu le 05 avril 2012 par la Chambre judiciaire de la Cour suprême de Côte d’Ivoire ;

Condamne la société BOLLORE AFRICA LOGISTIC Côte d’Ivoire aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

 

 

La Présidente

Le Greffier