ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 Deuxième chambre

 

Audience publique du 15 mars 2018

Pourvoi : n°214/2015/ PC du 07/12/2015

Affaire : Société CCTR Sarl (devenue CATRC SA)

                     (Conseil : Maître DHONGTSOP Aurélien, Avocat à la Cour)

                                Contre

 

              La SEFICAM-PFI Sarl

                      (Conseil : Maître Robert NANA, Avocat à la Cour)

 

Arrêt N° 058/2018 du 15 mars 2018

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième chambre, a rendu l’arrêt suivant, en son audience publique du 15 mars 2018 où étaient présents :

 

Messieurs :  Mamadou DEME,                            Président,

Victoriano OBIANG ABOGO,             Juge,

Idrissa YAYE,                                Juge,

Birika Jean-Claude BONZI,              Juge,

Fodé KANTE,                                Juge, rapporteur,

 

et Maître Jean Bosco MONBLE,                            Greffier,

 

Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 07 décembre 2015, sous le n°214/2015/PC et formé par la SCPA DHONGTSOP & TEMGOUA, Avocats à la cour, dont l’étude est sise au 652, rue des Ecoles à Akwa, Immeuble ancienne Direction CAMSHIP 2ème étage, BP 12118 Douala, agissant au nom et pour le compte de la société Centrale de Communication de Transit et de Représentation dite CCTR SARL devenue Centrale Africaine de Transit, de représentation et de Communication dite CATRC SA, dont le siège social est sis à Yaoundé, représentée par son PDG, Monsieur TENE Job, dans la cause l’opposant à la Société Exploitation Forestière et Industrielle du Cameroun dite SEFICAM-PFI Sarl, BP 6787 Douala, assistée de Maître NANA Robert, Avocat au barreau du Cameroun, BP 12724 Douala,en cassation de l’Arrêt n° 210/C rendu le 21septembre 2007 par la Cour d’appel du Littoral statuant à Douala dont le dispositif est le suivant :

« PAR CES MOTIFS

—Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard des parties, en matière civile et commerciale, en appel et en dernier ressort ;

En la forme :

—Reçoit l’appel ;

Au fond :

— Confirme Le jugement entrepris ;

—Met les dépens à la charge de la partie appelante distraits au profit de Maître NANA Robert, Avocat aux offres de droit ; » ;

La requérante invoque au soutien de son pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à sa requête annexée au présent arrêt ;

Sur le rapport de Monsieur Fodé KANTE, Juge ;

Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure qu’à la suite d’une cession de parts intervenue le 03 juillet 2001, monsieur PEUGHOUIA, Président directeur général du Groupe QUIFEUROU dont fait partie la SEFICAM-PFI SARL, intégrait le capital de la société CCTR SARL ; que comme conséquence liée à cette intégration de son PDG, le Groupe QUIFEUROU, composé des entreprises SOQUICAM Sarl, SEFICAM-PFI Sarl et SOCOGECAM Sarl, confiera une partie des opérations de dédouanement et d’enlèvement de ses marchandises au port de Douala, à la CCTR Sarl ; qu’eu égard à ces relations particulières les liant, la CCTR Sarl accomplira pendant six mois, diverses prestations de dédouanement et d’enlèvement à ses frais ; qu’au terme de l’exercice 2001-2002, lorsque le paiement de la contrepartie de ces prestations a été demandé aux entreprises du Groupe QUIFEUROU, celles-ci ont d’abord contesté, estimant à tort qu’elles en étaient dispensées, puis se sont finalement attaquées aux modalités de la facturation ; qu’à la suite de plusieurs séances de travail en vue de trouver une solution négociée à cette contestation des entreprises débitrices et à la demande de monsieur PEUGHOUIA, PDG du Groupe QUIFEUROU, ès qualité d’associé de la société CCTR Sarl, celle-ci a consenti lors de son assemblée générale tenue le 24 avril 2003, une remise de dette en faveur de toutes les entreprises du Groupe QUIFEUROU dont la SEFICAM-PFI Sarl, à condition que le montant retenu soit payé sous huitaine ; que ce délai n’ayant pas été respecté, monsieur TENE Job, gérant de la CCTR Sarl, a saisi par la voie de la consultation écrite, les associés de ladite société, lesquels ont décidé de revenir sur les résolutions 16 et 17 de l’Assemblée Générale du 24 avril 2003 et de mettre en œuvre la procédure de recouvrement des dettes initiales ; que sur cette base, la CCTR Sarl a fait servir le 18 septembre 2003, une sommation de payer avant poursuites judiciaires demeurée sans suite avant d’introduire une requête aux fins d’injonction de payer contre les entreprises débitrices dont la SEFICAM-PFI Sarl ; que par Ordonnance n°028/03/04 rendue le 27 octobre 2003, Monsieur le Président du Tribunal de grande instance de Douala a enjoint à la société SEFICAM Sarl le paiement de la somme de 5.547.330 F CFA à la CCTR Sarl ; que sur opposition formée le 10 novembre 2003 par la société SEFICAM Sarl, le Tribunal de grande instance de Douala a, par Jugement n°238 du 20 janvier 2005, rétracté l’ordonnance d’injonction de payer n°028/03/04 sus visée ; que sur l’appel interjeté par la société CCTR Sal devenue CATRC SA, la Cour d’appel du littoral à Douala a, par arrêt n°210/C du 21/09/2007 dont pourvoi, confirmé le jugement entrepris ;

Sur la recevabilité du pourvoi

Attendu que dans son mémoire en duplique reçu au greffe de la Cour de céans le 09 décembre 2016, la SEFICAM-PFI SARL soulève l’irrecevabilité du présent recours en ce que le mémoire ampliatif ne contient aucun cas d’ouverture de cassation mentionné en l’article 28 bis nouveau du Règlement de procédure de la CCJA, invoquant à l’appui les dispositions de l’article 28 ter nouveau du même texte selon lesquelles, « A peine d’irrecevabilité, un moyen de cassation ou un élément de moyen de cassation doit mettre en œuvre au moins un des cas d’ouverture visés à l’article précédent. » ;

Mais attendu qu’aux termes de l’article 28 bis nouveau visé au moyen en ses alinéas 1 et 4 : « Le recours en cassation est fondé sur :

  • La violation de la loi
  • Le défaut, l’insuffisance ou la contrariété des motifs » ;

Qu’en l’espèce, contrairement aux allégations de la défenderesse au pourvoi, la recourante fonde son pourvoi sur deux moyens de cassation pris respectivement de l’insuffisance de motifs et de la violation de la loi ; qu’il s’ensuit que ladite exception d’irrecevabilité doit être rejetée,

Sur le deuxième moyen de cassation

Vu les dispositions de l’article 333 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique ;

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt déféré la violation de l’article 333 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique en ce que, pour confirmer le jugement attaqué, la cour d’appel a affirmé de manière péremptoire, que le premier juge a fait une exacte application de la loi alors, selon le moyen, qu’il résulte des écritures et pièces versées aux débats que la société CCTR SARL, au soutien de son action en recouvrement de la créance initiale, abstraction faite de la remise de dette consentie en application des résolutions de l’assemblée générale du 24 avril 2003, invoque l’article 333 précité en son alinéa 2 sur les consultations écrites, dont les dispositions n’ont pas été prises en compte ;

Attendu qu’aux termes de l’article 333 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique : « Les décisions collectives sont prises en assemblée.

Toutefois, les statuts peuvent prévoir que toutes les décisions ou certaines d’entre elles sont prises par consultation écrite des associés excepté le cas de l’assemblée générale annuelle. Les délibérations prises en violation de ces clauses statutaires sont nulles. » ; qu’en application de ces dispositions, les associés d’une société à responsabilité limitée peuvent prendre des décisions collectives par consultation écrite individuelle des associés, lorsque les dispositions des statuts de leur société prévoient ce mode de délibération comme c’est le cas en l’espèce ;

Attendu qu’en l’espèce, il n’est pas contesté que suite à la consultation écrite qui leur a été adressée par monsieur TENE Job, gérant de la CCTR SARL,   en application de l’article 14 des statuts de la CCTR SARL, tous les associés de ladite société, à l’exception de monsieur PEUGHOUIA, sont revenus sur la remise de dette qui avait été consentie lors de l’Assemblée Générale du 24 avril 2003, les entreprises concernées dont la SEFICAM-PFI SARL n’ayant pas payé les dettes dans le délai imparti ; que dès lors, en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a violé les dispositions de l’article 333 visé au moyen ; qu’il s’ensuit que l’arrêt entrepris encourt la cassation et qu’il y a lieu d’évoquer, sans qu’il ne soit besoin d’examiner le premier moyen ;

 

Sur l’évocation

 

Attendu que par requête du 06 février 2005, la société CCTR Sarl, agissant par l’organe de la SCP DHONGTSOP & TEMGOUA, Avocats au Barreau du Cameroun, a relevé appel du jugement n°238 rendu le 20 janvier 2005, par le Tribunal de grande instance du Wouri à Douala dans la cause l’opposant à la société SEFICAM Sarl dont le dispositif est ainsi conçu :

 

« PAR CES MOTIFS

 

—– Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard de toutes les parties en matière civile et commerciale et en premier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

—– Reçoit l’opposition de la société SEFICAM SARL comme faite dans les forme et délai de la loi ;

—– Au fond l’y dit fondée ;

—– Invalide l’Ordonnance d’injonction de payer n°28/03-04 rendue le 27 octobre 2003 par Monsieur le Président du Tribunal de Grande Instance de céans, demandant la société SEFICAM-PFI (GROUPE QUIFEUROU) à Douala BP 6787 de payer à la Centrale de Communication de Transit et de représentation en abrégé CCTR Sarl BP 13155 Douala la somme de 5.547.330 francs en principal à laquelle il convient d’ajouter celle de 600.000 francs pour frais de procédure soit au total 6.147.330 francs ;

—– Annule par conséquent ladite ordonnance avec toutes les conséquences de droit ;

—– Condamne la CCTR Sarl aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître NANA Robert, Avocat aux offres de droit ; » ;

Attendu qu’au soutien de son appel, la CCTR Sarl soutien que les résolutions n°16 et 17 prises au cours de l’Assemblée Générale tenue le 24 avril 2003 allant dans le sens d’une remise de dette en faveur des sociétés du Groupe QUIFEUROU dont fait partie l’intimée, avaient imparti un délai de huit jours à monsieur PEUGHOUIA, PDG dudit Groupe et par ailleurs associé de la CCTR Sarl pour payer le solde de la dette déterminé après calcul fait par le commissaire aux comptes ; que monsieur PEUGHOUIA n’ayant pas payé le montant retenu dans ce délai,  les associés saisis par le gérant de la CCTR Sarl par la voie de la consultation écrite, ont prescrit la reprise de l’action en recouvrement de la dette initiale ; qu’elle sollicite dès lors, de dire et juger que l’article 14 des statuts de la CCTR Sarl est conforme à l’article 333 alinéa 2 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, en ayant prescrit que les décisions collectives résultent soit d’une assemblée générale, soit d’une consultation par correspondance ; dire et juger que pour avoir expressément prescrit le recouvrement de la créance initiale, les consultations écrites rendent du même coup caduques les résolutions 16 et 17 ; dire en conséquence que l’ordonnance d’injonction de payer n°028/03/04 du 27 octobre 2003 est conforme aux articles 1 et 2 de l’Acte uniforme portant procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;

Attendu qu’en réplique, la SEFICAM-PFI Sarl soulève à titre principal, l’exception d’incompétence de la cour d’appel sur le fondement de l’article 13 de l’Acte uniforme portant procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution et, à titre subsidiaire, sollicite la confirmation pure et simple du jugement entrepris dans toutes ses dispositions ;

Sur l’exception d’incompétence des juridictions étatiques

Attendu que dans ses écritures en date du 19 juillet 2006, la SEFICAM-PFI Sarl a, in limine litis, soulevé l’exception d’incompétence de la cour d’appel sur le fondement de l’article 13 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage, motif pris de ce que l’existence d’une convention d’arbitrage entre les associés de la CCTR Sarl rend les juridictions étatiques incompétentes à connaître d’un litige opposant un des associés à ladite société ;

Mais attendu que la clause d’arbitrage insérée dans l’article 23 des statuts de la CCTR Sarl dont fait allusion l’intimée, ne concerne que les associés et la société elle-même ; que la SEFICAM-PFI SARL n’est pas associée de la société CCTR SARL ; qu’en conséquence, l’exception d’incompétence soulevée doit être rejetée ;

Sur le bien-fondé de la créance réclamée

Attendu que pour les mêmes motifs que ceux ayant prévalu à la cassation, il convient de faire droit à la demande de recouvrement de créances de la CCTR SARL devenue CATRC SA ; qu’en conséquence, il y a lieu d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, condamner la SEFICAM-PFI Sarl à payer à la CCTR Sarl, la somme de 5.547.330 francs en principal à laquelle il convient d’ajouter celle de 600.000 francs pour frais de procédure soit au total 6.147.330 francs ;

Attendu que la SEFICAM-PFI Sarl ayant succombé doit être condamnée aux dépens.

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré ;

Rejette l’exception d’irrecevabilité du pourvoi ;

Déclare recevable en la forme le pourvoi formé par la société CCTR Sarl devenue CATRC SA ;

 

Au fond, casse l’arrêt n° 210/C rendu le 21 septembre 2007 par la Cour d’appel du Littoral statuant à Douala ;

Evoquant et statuant au fond ;

Rejette l’exception d’incompétence des juridictions étatiques ;

Infirme le Jugement n°238 rendu le 20 janvier 2005, par le Tribunal de grande instance du Wouri à Douala en toutes ses dispositions ;

 

En conséquence, statuant à nouveau, condamne la SEFICAM-PFI Sarl à payer à la CCTR Sarl, la somme de 6.147.330 francs CFA en principal et frais ;

Condamne la SEFICAM-PFI Sarl aux dépens.

 

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

 

 

Le Président

Le Greffier