ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

Audience Publique du 29 avril 2004

 

Pourvoi n° 013 / 2003 / PC du 06 février 2003

 

Affaire : Société Bâtiment et Immobilier de Côte d’Ivoire

      dite BATIM-CI

               (Conseil : Maître Agnès OUANGUI, Avocat à la Cour)

                            Contre

              Société Gnohite’s International Company dite GIC Sécurité

             (Conseils : SCPA ADJE – METAN et Associés, Avocats à la Cour)

                                              

ARRET N°017/2004 du 29 avril 2004

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A) a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 29 avril 2004 où étaient présents :

 

Messieurs :    Seydou BA, Président

Jacques M’BOSSO, Premier Vice-Président

Antoine Joachim OLIVEIRA, Second Vice-Président

Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge, rapporteur

Maïnassara MAIDAGI, Juge

Boubacar DICKO, Juge

Biquezil NAMBAK, Juge

et Maître Pascal Edouard NGANGA, Greffier en chef ;

 

Sur le renvoi, en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans de l’affaire Société Bâtiment et Immobilier de Côte d’Ivoire dite BATIM-CI contre Société Gnohite’s International Company dite GIC Sécurité par Arrêt n° 334/2002 en date du 11 avril 2002 de la Cour Suprême, Chambre Judiciaire, Formation civile de Côte d’Ivoire, saisie d’un pourvoi formé le 7 novembre 2001 par Maître Agnès OUANGUI, Avocat à la Cour d’appel d’Abidjan, y demeurant 24, boulevard Clozel, immeuble SIPIM, 5è étage, 01 B.P. 1306 Abidjan 01, agissant au nom et pour le compte de la Société Bâtiment et Immobilier de Côte d’Ivoire dite BATIM-CI, enregistré sous le n° 200-4087 Civ du 07 novembre 2001,en cassation de l’Arrêt n° 1169 rendu le 10 août 2001 par la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :

« Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en dernier ressort ;

Reçoit la Société BATIM-CI en son appel relevé de l’Ordonnance de référé n° 2783 rendue le 12 juillet 2001 par le Président du Tribunal de première instance d’Abidjan ;

 

  • l’y dit mal fondée, l’en déboute ;
  • confirme l’ordonnance querellée ;
  • condamne l’appelante aux dépens ».

 

La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;

Sur le rapport de Monsieur le Juge Doumssinrinmbaye BAHDJE ;

Vu les articles 13, 14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que par Jugement n° 768 du 30 juillet 1997, le Tribunal de première instance d’Abidjan a condamné la Société Bâtiment et Immobilier de Côte d’Ivoire dite BATIM -CI à rembourser une somme de 3.490.352 francs à la Société Gnohite’s International Company dite GIC sécurité et à lui payer 3.000.000 francs à titre de dommages-intérêts ; que cette décision a été en outre assortie d’une exécution provisoire à concurrence de 3.490.352 francs ; que la Société Batim -CI a relevé appel de ce jugement ; que le 02 juillet 2001, la Société GIC Sécurité a fait pratiquer sur le compte de la Batim -CI ouvert dans les livres de la Société Générale de Banques de Côte d’Ivoire (SGBCI) une saisie-attribution de créance pour avoir paiement de la somme principale de 6.490.352 francs outre les intérêts de droit et frais, soit la somme totale de 10.984.227 francs ; que la saisie a été dénoncée le même jour à la société Batim -CI qui a élevé contestation à son encontre ; que le 12 juillet 2001, le Président du Tribunal de première instance d’Abidjan, par Ordonnance n° 2783, a cantonné le montant de la somme saisie à 4.493.875 francs ; que  la Société Batim -CI a relevé appel de cette ordonnance qui a été confirmée par Arrêt n° 1169 du 10 août 2001 de la Cour d’appel d’Abidjan ; que le 7 novembre 2001, la Société Batim -CI s’est pourvue en cassation contre cet Arrêt devant la Cour Suprême de Côte d’Ivoire et que celle-ci par Arrêt n° 334/2002 du 11 avril 2002 s’est dessaisie du dossier au profit de la Cour de céans  ;

SUR LE PREMIER MOYEN

Vu les articles 160 et 335 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;

Attendu que le pourvoi fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 160 de l’Acte uniforme susvisé, en ce que la Cour d’appel a estimé que la Société GIC Sécurité a respecté les dispositions de cet article alors que, selon le moyen, la date indiquée à la Société Batim -CI pour élever sa contestation n’est pas exacte ; qu’en effet, toujours selon la requérante, « aux termes de l’article 160 susvisé, l’acte de dénonciation de la saisie au débiteur doit contenir à peine de nullité :

1°) une copie de l’acte de saisie ;

2°) en caractères très apparents l’indication que les contestations doivent être soulevées à peine d’irrecevabilité dans le délai d’un mois qui suit la signification de l’acte et la date à laquelle expire ce délai » ; que toujours selon le pourvoi, « la défenderesse au pourvoi a dénoncé sa saisie le 02 juillet 2001 le même jour dans le même acte et dans cet acte il lui est indiqué que le délai d’un mois pour élever des contestations expire le 3 août 2001. La dénonciation étant faite le 2 juillet 2001, le dernier jour utile est le 2 août 2001. Mais l’Acte uniforme du Traité OHADA prévoit en son article 335 que tous les délais sont francs. Dans ces conditions, le “dies a quo”, c’est-à-dire le premier jour de la signification n’est pas pris en compte dans la computation des délais, de même que le “dies ad quem”, c’est-à-dire le dernier jour du délai d’un mois n’est pas pris en compte. Ainsi le délai commence à courir à partir  du 3 juillet 2001 pour n’expirer que le 4 août 2001. Dès lors, le dernier jour utile pour la Société Batim -CI aux fins d’élever une contestation contre la saisie-attribution pratiquée sur son compte est le 4 août 2001 et non le 3 août 2001 comme l’a indiqué la Société GIC Sécurité dans l’acte de dénonciation. Il est constant que la requise n’a pas indiqué avec exactitude la date à laquelle expire le délai d’un mois pour que la requérante élève sa contestation contre la saisie-attribution en date du 2 juillet 2001.

En estimant que les termes de l’article 160 ont été respectés, la Cour d’appel a commis une erreur dans l’application dudit article » ;

Attendu  que l’article 160 de l’Acte uniforme susmentionné dispose  que « dans un délai de huit jours, à peine de caducité, la saisie est dénoncée au débiteur par acte d’huissier ou d’agent d’exécution.

Cet acte contient à peine de nullité :

1°) une copie de l’acte de saisie ;

2°) en caractères très apparents, l’indication que les contestations doivent être soulevées, à peine d’irrecevabilité, dans un délai d’un mois qui suit la signification de l’acte et la date à la quelle expire ce délai ainsi que la juridiction devant laquelle les contestations pourront être portées. (…) » ;

Attendu qu’en l’espèce, la saisie-attribution de créance pratiquée le 02 juillet 2001 par la Société GIC Sécurité sur le compte de la BATIM-CI, ouvert dans les livres de la Société Générale de Banques de COTE D’IVOIRE (SGBCI) pour avoir paiement de la somme de dix millions neuf cent quatre vingt quatre mille deux cent vingt sept (10.984.227) francs a été dénoncée le même jour et dans le même acte ; qu’il y est toutefois indiqué que la date à laquelle expire le délai d’un mois pour élever des contestations est le 03 août 2001, alors qu’en application des dispositions de l’article 335 de l’Acte uniforme susvisé qui dispose que « les délais prévus dans le présent Acte uniforme sont des délais francs », ni le 02 juillet 2001 qui est le “dies a quo” ou premier jour de l’acte, ni le dernier jour du délai ou “dies ad quem” ne doivent être pris en considération pour la computation du délai d’un mois accordé au débiteur saisi pour élever des contestations ; que dès lors, il découle de ce qui précède que ledit délai a pour point de départ le 03 juillet 2001 et expire le 04 août 2001 ; qu’il s’ensuit qu’en considérant que « les termes de l’article 160 de l’Acte uniforme susmentionné ont été respectés » alors qu’il est indiqué dans l’acte de dénonciation de ladite saisie-attribution de créance que la date d’expiration du délai d’un mois accordé au débiteur saisi pour élever des contestations est le 03 août 2001, la Cour d’appel a commis une erreur dans l’application dudit article ; qu’il échet en conséquence de casser l’arrêt attaqué et d’évoquer, sans qu’il soit besoin de statuer sur le second moyen ;

Sur l’évocation

Attendu que dans ses conclusions adressées à la Cour d’appel, la société BATIM-CI fait valoir que les délais étant francs, le premier jour de la signification de l’acte d’huissier et le dernier jour du délai d’un mois ne sont pas pris en compte, de sorte que le délai n’expire que le 04 août et non le 03 août 2001 ; qu’elle estime dès lors que la saisie-attribution pratiquée sur son compte est caduque du fait de la nullité de l’exploit de citation ;

Attendu que pour sa part, la Société GIC Sécurité fait savoir que tout délai a pour point de départ, le jour de la notification, soit en l’espèce le 02 juillet 2001 et selon elle, s’agissant d’un délai franc, il expire le 03 août 2001 ;

Attendu que pour les mêmes motifs que ceux ci-dessus développés lors de l’examen du moyen de cassation, il échet de dire que l’exploit de dénonciation de saisie en date du 02 juillet 2001 est nulle ; qu’en conséquence la saisie-attribution de créance dont il s’agit est caduque et il y a lieu dès lors d’en ordonner la main- levée ;

Attendu que la société GNOHITE’S international Company (GIC Sécurité) ayant succombé, doit être condamnée aux dépens ;

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Casse l’arrêt n°1169 rendu le 10 août 2001 par la Cour d’appel d’Abidjan ;

Evoquant et statuant sur le fond,

Déclare nul l’exploit de dénonciation de saisie-attribution du 02 juillet 2001 ;

Déclare en conséquence caduque la saisie-attribution de créance pratiquée le 02 juillet 2001 et en ordonne la mainlevée ;

Condamne la société GNOHITE’S International Company dite GIC Sécurité aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

Le Président

Le Greffier en chef