ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

Audience Publique du 18 mars 2004

Pourvoi : n° 020/2002/PC du 30 avril 2002

AFFAIRE : Société Banque Commerciale du NIGER (BCN)

                 (Conseils : Etude d’Avocats Marc LE BIHAN & Associés, Avocats à la Cour)

                                      contre

Hamadi Ben Damma

                 (Conseils : Cabinet d’Avocats Issaka SOUNA, Moussa COULIBALY, Boureïma M. FODI,

                              Avocats à la Cour)                 

ARRET N°012 /2004 du 18 mars 2004

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A) a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 18 mars 2004 où étaient  présents :

 

Messieurs  Seydou BA, Président

Jacques M’BOSSO,Premier Vice-président

Antoine Joachim OLIVEIRA, Second Vice-président

Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge

Maïnassara MAIDAGI, Juge

Boubacar DICKO, Juge, rapporteur

Biquezil NAMBAK Juge

et  Maître Pascal Edouard NGANGA, Greffier en chef ;

Sur le pourvoi enregistré le 30 avril 2002 au greffe de la Cour de céans sous le n°020/2002/PC et formé par Maître Laurent SEBENE, Avocat à la Cour d’appel de Niamey (République du NIGER), boîte postale 343, agissant au nom et pour le compte de la Société Banque Commerciale du NIGER (BCN) dont le siège est à Niamey, boîte postale 11363, dans la cause l’opposant à Monsieur Hamadi Ben Damma, commerçant y domicilié et ayant pour conseil Maître Boureïma Mamadou Fodi, Avocat à la Cour d’appel de Niamey, boîte postale 10269,en cassation de l’Arrêt n°52 rendu le 10 avril 2002 par la Cour d’appel de Niamey et dont le dispositif est le suivant :

« Statuant publiquement, contradictoirement en matière de référé et en dernier ressort ;

 

  • Reçoit la BCN en son appel régulier en la forme ;

 

Au fond

– Confirme purement et simplement l’ordonnance attaquée ;

– Condamne BCN aux dépens » ;

La requérante invoque à l’appui de son pourvoi le moyen unique de cassation tel qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt ;

Sur le rapport de Monsieur le Juge Boubacar DICKO ;

Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité  relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure qu’en exécution des Arrêts n°146 du 30 juin 2000 de la Cour d’appel de Niamey et n°01-185/C du 08 novembre 2001 de la Cour Suprême du NIGER, Monsieur Hamadi Ben Damma faisait procéder par procès–verbal de saisie-vente en date du 04 février 2002 de Maître IRO EL HADJI Oumarou, Huissier de Justice à Niamey, à la saisie des biens meubles appartenant à la BCN à l’effet de recouvrer les montants de diverses condamnations prononcées à son profit contre cette dernière ; que par acte d’assignation en date du 20 février 2002, la BCN saisissait le Président du Tribunal Régional de Niamey statuant en matière de référé aux fins d’entendre prononcer la nullité de ladite saisie-vente et en ordonner mainlevée ; que l’Ordonnance de référé n°063 rendue le 19 mars 2002 l’ayant débouté de ses demandes, la BCN en relevait appel ; que la Cour d’appel de Niamey, par Arrêt n°52 rendu le 10 avril 2002, confirmait l’ordonnance de référé précitée ; que c’est cet  arrêt qui est l’objet du présent recours en cassation ;

Sur le moyen unique

Vu l’article 100 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 100.5) et .11) de l’Acte uniforme susvisé en ce que ces dispositions prescrivant respectivement que l’acte de saisie-vente doit contenir à peine de nullité « si le débiteur est présent, la déclaration de celui-ci au sujet d’une éventuelle saisie antérieure des mêmes biens » et « la reproduction des articles 143 à 146 ci-après », en l’espèce, l’acte de saisie-vente délaissé ne contient ni la déclaration du débiteur au sujet d’une éventuelle saisie antérieure encore moins la reproduction des articles 143 à 146 ; que le juge, dans ses motivations, a lui-même constaté que les formalités ci-dessus spécifiées n’ont pas été accomplies ; qu’au lieu d’en tirer les conséquences, c’est-à-dire prononcer la nullité de l’acte de saisie, le juge s’est plutôt « évertué » à justifier les omissions des mentions de l’article 100.5) et .11) qu’il a précédemment reconnues, ce qui ne lui était pas demandé ; que par ailleurs, la nullité prescrite par ledit article est une nullité de « plein droit » pour laquelle il n’est pas nécessaire d’apporter la preuve d’un grief ; que le juge doit, dès lors qu’il constate l’absence de l’une des mentions prescrites, prononcer la nullité de l’acte ; qu’en ne le faisant pas, les juges de la Cour d’appel ont violé l’article 100.5) et .11) et l’arrêt attaqué mérite de ce fait d’être censuré ;

Attendu que l’article 100 de l’Acte uniforme susvisé dispose : « L’huissier ou l’agent d’exécution dresse un inventaire des biens.

L’acte de saisie contient, à peine de nullité :

 

(…)

 

5) si le débiteur est présent, la déclaration de celui-ci au sujet d’une éventuelle saisie antérieure des mêmes biens ;

(…)

 

11) la reproduction des articles 143 à 146 ci-après. » ;

Attendu en effet que l’examen du « procès-verbal de saisie-vente » en date du 25 janvier 2002 établi par l’huissier instrumentaire à la requête de Monsieur Hamadi Ben Damma, défendeur au pourvoi, révèle que ledit acte ne mentionne ni la déclaration de la BCN au sujet d’une éventuelle saisie antérieure des mêmes biens ni ne contient la reproduction des articles 143 à 146 de l’Acte uniforme susvisé ; que ces mentions étant, selon les termes mêmes de l’article 100.5) et .11) susénoncé, prescrites à peine de nullité, leur absence ou omission dans ledit acte rend celui-ci nul sans qu’il soit besoin, pour prononcer cette nullité, de rechercher la preuve d’un quelconque grief ou préjudice ;

Attendu que pour débouter la BCN de ses demandes de nullité de l’acte de saisie-vente et de mainlevée de ladite saisie, la Cour d’appel, après avoir relevé « qu’effectivement il ne résulte pas du procès-verbal de saisie que la mention prévue à l’article [100.5) et .11)] ait été portée et que s’agissant de la reproduction des articles 143 à 146, le procès-verbal mentionne qu’une photocopie des dispositions de ces articles est jointe sans jamais l’annexer ; », et par suite, « qu’il y a lieu de constater que les formalités prévues à l’article [100.5 et .11)] ne sont pas remplies », a cependant soutenu, d’une part,  que « … les omissions des mentions de l’article [100.5) et .11)] constituent … des erreurs de rédaction de l’acte de saisie », qu’ « … il n’ y a eu qu’oubli à annexer la photocopie des articles 143 et 146 d’autant plus que l’acte de saisie mentionne que la photocopie en sera jointe ; », et d’autre part, « qu’en tout état de cause la BCN n’apporte pas la preuve de l’existence d’une saisie antérieure, ni celle de la non présentation de sa demande en nullité, avant la vente, situations qui peuvent lui porter préjudice… » ;

Attendu  qu’en statuant ainsi alors, d’une part, qu’elle devait non pas justifier les omissions qu’elle a constatées dans l’acte de saisie-vente, mais plutôt sanctionner celles-ci en prononçant la nullité dudit acte et alors, d’autre part, que contrairement à ses énonciations, l’article 100 de l’Acte uniforme susvisé n’a assorti la nullité qu’il a prévue d’aucune exigence de preuve d’un grief ou préjudice, la Cour d’appel a violé ledit article ; qu’il échet en conséquence de casser l’arrêt attaqué et d’évoquer ;

Sur l’évocation

Vu les articles 136 et 144 de l’Acte uniforme susvisé ;

Attendu que par exploit en date du 20 mars 2002 la BCN a relevé appel de l’Ordonnance de référé n°63 rendue le 19 mars 2002 par le Président du Tribunal Régional de Niamey ; que le dispositif de cette ordonnance est le suivant :

« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en premier ressort,

  • Reçoit BCN en sa requête ;
  • La déboute au fond ;
  • La condamne aux dépens. » ;

Attendu qu’au soutien de son appel, la BCN soulève la violation de l’article 100.5) et .11) de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution en ce que l’acte de saisie-vente établi à son préjudice à la requête de Monsieur Hamadi Ben Damma ne contient respectivement ni « la déclaration du débiteur, s’il est présent, au sujet d’une éventuelle saisie antérieure des mêmes biens » ni «  la reproduction des articles 143 à 146 » ; que ces mentions devant être intégralement reproduites dans ledit acte, à peine de nullité, dès lors leur absence doit entraîner la nullité de l’acte de saisie ainsi que celle de la saisie-vente dont elle demande également la mainlevée ;

Attendu que pour sa part, Monsieur Hamadi Ben Damma, intimé, conclut à la confirmation de l’ordonnance entreprise motif pris de ce que les nullités invoquées par l’appelante n’ont aucune incidence sur la validité des saisies pratiquées en vertu d’un titre exécutoire ;

Attendu que pour les mêmes motifs que ceux ci-dessus développés lors de l’examen du moyen unique de cassation, il y a lieu d’infirmer l’ordonnance entreprise ; que l’acte de saisie en date du 25 janvier 2002 étant nul, la saisie-vente pratiquée par Monsieur Hamadi Ben Damma est également nulle et il y a lieu dès lors d’en ordonner la mainlevée ;

Attendu que Monsieur Hamadi Ben Damma ayant succombé, doit être condamné aux dépens ;

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Casse l’Arrêt n°52 rendu le 10 avril 2002 par la Cour d’appel de Niamey ;

Evoquant et statuant sur le fond,

Infirme l’Ordonnance de référé n°63 rendue le 19 mars 2002 par le Président du Tribunal Régional de Niamey ;

Dit que l’acte de saisie  en date du 25 janvier 2002 est nul ;

Dit que la saisie pratiquée par Monsieur Hamadi Ben Damma au préjudice de la Société Banque Commerciale du Niger (BCN) est également nulle et de nul effet ;

Ordonne en conséquence mainlevée de ladite saisie ;

Condamne Monsieur Hamadi Ben Damma aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

 

Le Président

Le Greffier en chef