ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

Première chambre

Audience publique du 16 avril  2009

Pourvois : n°s 064/2006/PC du 28 juillet 2006

                         089/2006/PC du 10 novembre 2006

 

Affaires : Société Africaine pour le Développement de l’Industrie,

                  l’Habitat et le Commerce, dite Groupe SAD

                         (Conseil : Maître  GLA Firmin, Avocat à la Cour)

                                       contre

         Société Ivoirienne d’Assurances Mutuelles dite SIDAM S.A

              (Conseil s : René BOURGOIN et Patrice K. KOUASSI,  Avocats à la Cour)

ARRET N° 021/2009 du 16 avril 2009

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A), Première chambre, de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 16 avril 2009 où étaient présents :

 

Messieurs Jacques M’BOSSO,                Président

Maïnassara MAIDAGI,       Juge, rapporteur

Biquezil NAMBAK,               Juge

 

et Maître ASSIEHUE Acka,   Greffier ;

 

1°) Sur le pourvoi enregistré le 28 juillet 2006 au greffe de la Cour de céans sous le n°064/2006/PC et formé par Maître GLA Firmin, Avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte de la Société Africaine pour le Développement de l’Industrie, l’Habitat et le Commerce dite Groupe SAD dont le siège social est à Abidjan-Riviéra M’Pouto, 06 BP 957 Abidjan 06, représentée par son Président Directeur Général, Monsieur TAPE BAROAN, domicilié à Abidjan-Cocody-II Plateaux, face SOCOCE, villa n°49, dans une cause l’opposant à la Société Ivoirienne d’Assurances Mutuelles dite SIDAM S.A, dont le siège social est à Abidjan, immeuble SIDAM, 34, avenue Houdaille, 01 BP 1217 Abidjan 01, agissant par son représentant légal Monsieur SEKOU SYLLA, Directeur général et ayant pour conseils Maîtres René BOURGOIN et Patrice K. KOUASSI, Avocats associés, demeurant 44, avenue Lamblin, résidence EDEN, 11ème étage, 01 BP 8658 Abidjan 01,

 

en annulation de l’Ordonnance n°212/06 rendue 16 juin 2006 par Madame le Premier Président de la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :

« Constatons que l’arrêt du 09 mai 2006 rendu par la Cour d’appel d’Abidjan (5ème Chambre Civile C) est nul et de nul effet en vertu des dispositions de l’article 106 (avant dernier alinéa) du Code de Procédure Civile, Commerciale et Administrative ;

Autorisons la Société Ivoirienne d’Assurances Mutuelles dite SIDAM, à assigner par devant la Cour d’appel d’Abidjan, le 30 juin 2006 à 8 heures 30 la Société Africaine pour le Développement de l’Industrie, de l’Habitat et de Commerce dite S.A.D, Société Anonyme ayant son siège social à Abidjan, 06 BP 957 Abidjan 16 ;

Aux fins de statuer à nouveau sur les mérites de l’appel de la Société S.A.D en date du 21 décembre 2005 interjeté du jugement n°1791/CIV3/B rendu le 30 juin 2004 par le Tribunal de première instance d’Abidjan.

Disons qu’il nous en sera référé en cas de difficultés. » ;

 

2°) Sur le pourvoi enregistré le 10 novembre 2006 au greffe de la Cour de céans sous le n°089/2006/PC et formé par Maîtres René BOURGOIN et Patrice K. KOUASSI, Avocats Associés à la Cour, agissant au nom et pour le compte de la Société Ivoirienne d’Assurances Mutuelles dite SIDAM dans une cause l’opposant à la Société Africaine pour le Développement de l’Industrie, l’Habitat et le Commerce dite Groupe SAD, ayant pour conseil Maître GLA Firmin, Avocat à la Cour ;

en cassation de l’Arrêt n°544 rendu le 09 mai 2006 par la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :

« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;

Déclare recevable l’appel interjeté par le Groupe SAD contre le jugement n°1791 rendu le 30 juin 2004 par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan Plateau ;

L’y dit partiellement fondé ;

Infirme le jugement querellé en ce qu’il a condamné le Groupe SAD à payer la somme de 30.000.000 francs à la SIDAM ;

Statuant à nouveau ;

Rétracte le jugement querellé sur ce point ;

Déboute le Groupe SAD pour le surplus de sa demande ;

Condamne la SIDAM aux dépens. » ;

La requérante SAD invoque à l’appui de son pourvoi le moyen unique de cassation tel qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt ;

La requérante SIDAM, pour sa part, invoque également à l’appui de son pourvoi le moyen unique de cassation tel qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt ;

Sur le rapport de Monsieur le Juge Maïnassara MAÏDAGI ;

Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

Attendu que compte tenu des liens de connexité que présentent les deux affaires, il y a lieu de joindre les deux procédures pour y être statué par une seule et même décision ;

Attendu qu’il ressort des pièces des dossiers des deux procédures  susjointes, qu’au pied d’une requête aux fins d’injonction de payer présentée par la SIDAM, le Président du Tribunal de première instance d’Abidjan-Plateau condamnait la SAD à payer à la requérante, à titre de répétition, la somme de 30.000.000 F CFA par Ordonnance n°1908/03 en date du 14 mars 2003 ; que sur opposition à ladite ordonnance formée par la SAD, le Tribunal de première instance d’Abidjan Plateau la déboutait de son opposition par Jugement n°1791/CIV.3/B en date du 30 juin 2006 ; que sur  appel interjeté par la SAD du jugement entrepris, la Cour d’appel d’Abidjan rendait l’Arrêt n°544 en date du 09 mai 2006 dont pourvoi ; qu’à la suite d’une requête présentée par la SIDAM, aux fins d’annulation de l’Arrêt n°544 susindiqué pour violation de l’article 106 du code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative, Madame le Premier Président de la Cour d’appel d’Abidjan rendait l’Ordonnance n°212/2006 en date du 16 juin 2006 dont pourvoi ;

Attendu que la signification du recours en cassation formé par la SAD, signification faite à la SIDAM par le Greffier en chef de la Cour de céans, par lettre n°488/2006/G5 du 04 septembre 2006, reçue le 08 septembre 2006, n’a pas été suivie du dépôt au greffe dans le délai de trois mois prévu à l’article 30 du Règlement de procédure de ladite Cour de mémoire en réponse ; que le principe du contradictoire ayant été respecté, il y a lieu d’examiner ledit recours ;

 

Sur le moyen unique de cassation de l’Ordonnance n°212/06 du 16

juin 2006

Vu l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution et l’article 106 du code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative ;

Attendu qu’il est fait grief à l’Ordonnance attaquée d’avoir violé ou commis une erreur dans l’application de la loi, notamment les articles 10, 14 alinéa 3 et 15 du Traité institutif de l’OHADA en ce que, selon le moyen, si l’article 106 du Code de procédure civile, commerciale et administrative prescrit une communication obligatoire de toute cause dont le montant du litige est égal ou supérieur à 25 millions de francs CFA à peine de nullité, sa portée doit toutefois être circonscrite aux matières ne soulevant pas des questions relatives à l’application des Actes uniformes OHADA ; que l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution n’exige pas de communication au ministère public de toute cause relative auxdites procédures dont le montant est égal ou supérieur à 25 millions de francs CFA ; que conformément aux dispositions pertinentes de l’article 10 du Traité OHADA, l’Acte uniforme précité est directement applicable et obligatoire en COTE d’IVOIRE, Etat partie et abroge toutes dispositions de droit interne contraire ; que l’article 336 dudit Acte uniforme ayant abrogé toutes les dispositions relatives aux matières qu’il concerne dans les Etats parties, l’Ordonnance n°212/06 du 16/06/2006 critiquée, rendue en violation de ce texte, mérite cassation ;

Attendu qu’il ressort de l’analyse des dispositions combinées des articles 1 à 27 relatives aux procédures simplifiées de recouvrement et de celles des articles 336 et 337 relatives aux dispositions finales de l’Acte uniforme susvisé, que celui-ci contient des règles de fond et de procédure qui ont vocation à s’appliquer aux procédures d’injonction de payer engagées après son entrée en vigueur ; que dans la mise en œuvre de celles-ci, ledit Acte uniforme n’ayant pas prévu de procédure de communication de la cause au ministère public telle que fixée par l’article 106 du code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative, il s’ensuit que cette disposition de droit interne, contraire à la lettre et à l’esprit des dispositions de l’Acte uniforme susvisé, n’est pas applicable au litige ayant donné lieu à l’Arrêt n°544 rendu le 09 mai 2006 par la Cour d’appel d’Abidjan ; que c’est donc à tort que l’Ordonnance n°212/06 du 16 juin 2006 avait annulé ledit arrêt sur le fondement de l’article 106 du code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative, lequel n’était pas applicable en l’espèce ; qu’il échet en conséquence d’annuler l’Ordonnance n°212/06 susindiquée ;

 

Sur le moyen unique de cassation de l’Arrêt n°544 du 09 mai 2006

Vu l’article 15 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé ou commis une erreur dans l’application ou l’interprétation des dispositions de l’article 15 de l’Acte uniforme susvisé en ce qu’en l’espèce, le jugement rendu sur l’opposition de la SAD elle-même étant intervenu le 30 juin 2004, cette société avait jusqu’au 31 juillet 2004 au plus tard pour interjeter appel ; que cependant le groupe SAD n’a interjeté appel de ce jugement que par exploit daté du 21 décembre 2005, soit 18 mois plus tard, ce que le groupe SAD n’a jamais contesté ; qu’en application des règles de procédure du droit national, la Cour d’appel a déclaré recevable cet appel irrémédiablement hors délai au motif que la requérante a plaidé l’irrecevabilité dudit appel hors délai alors qu’en tout état de cause, il revenait à la Cour, s’agissant d’une règle d’ordre public, d’examiner même en dehors de toute contestation de la part de SIDAM, la recevabilité de l’appel ; que ce faisant, la Cour aurait du déclarer l’appel du groupe SAD formalisé 18 mois après le prononcé du jugement sur opposition hors délai conformément à la loi et à la jurisprudence constante en la matière ; que de tout ce qui précède, l’Arrêt 544 du 09 mai 2006 de la Cour d’appel encourt cassation pour violation des dispositions de l’article 15 de l’Acte uniforme susvisé ;

Attendu qu’aux termes de l’article 15 de l’Acte uniforme susvisé, « la décision rendue sur opposition est susceptible d’appel dans les conditions du droit national de chaque Etat partie. Toutefois, le délai d’appel est de trente jours à compter de la date de cette décision. » ;

Attendu, en l’espèce, que c’est par exploit en date du 20 décembre 2005 que la SAD a déclaré interjeter appel du Jugement n°1791/CIV.3/B rendu le 30 juin 2004 par le Tribunal de première instance d’Abidjan sur opposition contre l’Ordonnance n°1908/03 du 14 mars 2003 du Président dudit tribunal ; que cet appel interjeté, plus de 18 mois après la date de la décision attaquée alors que la SAD disposait de 30 jours à compter de ladite date pour le faire, est largement hors délai ; que les dispositions de l’article 15 de l’Acte uniforme susindiqué étant d’ordre public, la Cour d’appel se devait même de les relever d’office ; qu’il suit qu’en retenant que « les moyens de la SIDAM tendant à l’irrecevabilité de l’appel du Groupe SAD, étant intervenus hors les délais requis à cet effet, doivent être déclarés forclos », pour déclarer l’appel de la SAD recevable, l’Arrêt n°544 du 05 mai 2006 de la Cour d’appel d’Abidjan a fait une mauvaise application de l’article 15 de l’Acte uniforme susindiqué et encourt de ce chef cassation ; qu’il échet en conséquence de casser ledit arrêt et d’évoquer ;

 

Sur l’évocation

Attendu que l’appel interjeté par la SAD hors du délai prévu par l’Acte uniforme susvisé étant tardif, il y a lieu de le déclarer irrecevable ;

Attendu que la SAD ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens ;

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Annule l’Ordonnance n°212/06 en date du 16 juin 2006 de la juridiction présidentielle de la Cour d’appel d’Abidjan ;

Casse l’Arrêt n°544 rendu le 09 mai 2006 par la Cour d’appel d’Abidjan ;

Evoquant et statuant sur le fond,

Déclare irrecevable l’appel interjeté par la SAD ;

La condamne aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

Le Président

Le Greffier