ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

Première Chambre                         

Audience Publique du 07 mars 2013 

Pourvoi : n° 111/2007/PC du 21/12/2007

Affaire : Société AES SONEL SA

      (Conseil : Maître AYATOU GASTON, Avocat à la Cour)

                   contre

                 CENTRE DE DIAGNOSTIC ET DE SOINS MEDICAUX

       CDSM

       (Conseil : Maître NTAMACK PONDY, Avocat à la Cour) 

ARRET N°001/2013 du 07 mars 2013

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Première Chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 07 mars 2013 où étaient présents :

  1. Marcel SEREKOÏSSE SAMBA, Président

Mme   Flora DALMEIDA MELE,  Juge

  1. Idrissa YAYE,  Juge, rapporteur

et Maître MONBLE Jean Bosco,  Greffier ;

 

Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour sous le n°111/2007/PC en date du  21/12/2007 et formé par Maître AYATOU GASTON, Avocat à la Cour, demeurant Avenue Amadou Ahidjo, Akwa – Douala (Cameroun), BP 15080, agissant au nom et pour le compte de la Société AES SONEL SA, dont le siège social est sis, avenue du Général de Gaulle, BP 4077 Douala (Cameroun), dans la cause l’opposant au Centre de Diagnostic et de Soins Médicaux (CDSM),  ayant pour conseil Maître NTAMACK PONDY,  Avocat à la Cour, demeurant à Douala AKWA, BP 8943, 807 Rue Boué Lapeyrère (Cameroun) ;en cassation de l’Arrêt n°198/REF rendu le 27 août 2007 par la  Cour d’appel du Littoral à Douala et dont le dispositif est le suivant :

 

« Statuant publiquement, contradictoire à l’égard de toutes les parties en matière du contentieux de l’exécution, en dernier ressort et en forme collégiale ;

 

EN LA FORME

  • Déclare l’appel irrecevable comme tardif ;
  • Condamne la Société AES SONEL aux dépens distraits au profit de Maître NTAMACK PONDY, Avocat aux offres de droit. …» ;

 

La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les trois moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;

Sur le rapport de Monsieur le Juge Idrissa YAYE ;

Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que sur le fondement de l’Arrêt n°25/CC du 22 octobre 2005 et pour obtenir paiement de sa créance fixée à la somme de 53.989.126 FCFA, le Centre de Diagnostic et de soins médicaux (CDSM) a pratiqué les 13 et 14 octobre 2005 une saisie-attribution de créance portant sur la somme de 53.296.904 FCFA  au préjudice d’AES SONEL ; Que cette saisie ayant été dénoncée à AES SONEL le 17   octobre 2005, le 17 novembre 2005 celle-ci  a élevé des contestations en saisissant le Juge de l’exécution du Tribunal de Première Instance de Douala, lequel par Ordonnance n°102 du 17 janvier 2006 a débouté AES SONEL de sa demande en mainlevée de saisie-attribution de créances comme étant non fondée et l’a condamnée aux dépens ; Que cette ordonnance a été signifiée à AES le 12 juillet 2006 et par requête en date du 25 juillet 2006 elle a interjeté appel contre ladite ordonnance ;

 

Attendu que la Cour d’appel de Douala par Arrêt n°198/REF en date du 27 août 2007 a déclaré cet appel irrecevable comme tardif et a condamné AES SONEL aux dépens ; Que c’est donc contre cet arrêt que AES SONEL s’est pourvue en cassation devant la Cour de céans ;

 

Sur le premier moyen tiré de la violation de l’article 172 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution

Attendu que la requérante fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir appliqué l’article 49  de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution  qui prescrit la juridiction compétente, le point de départ et le délai d’appel en matière d’exécution forcée ou de saisie conservatoire en général, à une matière portant sur une contestation d’une saisie-attribution de créances relevant plutôt des dispositions de l’article 172 du même Acte uniforme ;

 

Attendu que dans le cas d’espèce le litige porte bien sur une saisie-attribution de créances pour laquelle l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution édicte des dispositions spéciales devant régir les conditions et la procédure exigées pour toutes contestations y relatives à travers son Titre IV  intitulé : «  la saisie-attribution des créances » constitué des articles 153 à 172 ;

 

Attendu que l’article 172  réglemente le délai et le point de départ de l’appel de toute contestation relative à une saisie-attribution de créance en ces termes :

 

« La décision de la juridiction tranchant la contestation est susceptible d’appel dans les quinze jours de sa notification ;

 

Le délai pour faire appel ainsi que la déclaration d’appel sont suspensifs d’exécution sauf décision contraire spécialement motivée de la juridiction compétente. » ;

 

Attendu qu’il est  incontesté en droit  qu’un texte spécial prime sur un texte de portée générale et c’est justement  ce qui est consacré de manière constante par la haute Cour de céans dans ses Arrêts  n°054/2005 du 15 décembre 2005 et  n°003/2005 du 27 janvier  2005 qui affirment de manière péremptoire qu’en matière de saisie-attribution de créances le délai d’appel et son point de départ sont fixés par  les dispositions de l’article 172 de  l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution    et non par celles plus générales de l’article 49 du même Acte uniforme ;

 

Attendu qu’ainsi, la Cour d’appel de Douala, en décidant  dans le cas d’espèce  que, le délai d’appel court à compter du prononcé de la décision, a violé les dispositions de l’article 172 applicable en l’espèce et sa décision encourt cassation ;

 

Qu’il y a lieu dès lors, sans qu’il soit besoin de s’attarder sur  les  autres moyens soulevés par  la requérante, de casser l’arrêt attaqué et d’évoquer ;

 

Sur l’évocation

Attendu que AES SONEL sollicite qu’il plaise à la Cour de céans, après annulation  de l’arrêt  d’évoquer et de statuer à nouveau, d’annuler avec toutes les conséquences de droit y attachées notamment la mainlevée, la saisie-attribution de créances pratiquée sur la somme de 53.989.126 FCFA à son préjudice entre les mains de divers établissements bancaires de la ville de Douala, suivant procès-verbal en date des 13 et 14 octobre 2005 et la condamnation du défendeur aux dépens ;

 

Attendu que AES SONEL SA, dans son mémoire ampliatif, ne développe aucun argument de droit à l’appui de cette requête mais, elle a plaidé tant devant le  juge de l’exécution qu’en cause d’appel, l’irrégularité du titre exécutoire sur le fondement duquel la saisie-attribution a été faite en estimant que ni l’Arrêt n°25/CC rendu le 22 novembre 2004 par la Cour d’Appel du littoral ni le Jugement civ n°03 rendu le 20 novembre 2002 par le juge de l’exécution du Tribunal de Grande Instance de la Sanaga-Maritime à Edéa, ne l’ont pas  condamné au paiement d’une somme d’argent autre qu’aux dépens ; Qu’en procédant ainsi, le juge du contentieux  de l’exécution a violé la lettre et l’esprit des articles 14 et 16  de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution  dont dit-elle,  de  la lecture combinée  il résulte que  la décision portant injonction de payer devient sans effet dès lors qu’une opposition a été formulée par le débiteur supposé dans les forme et délai légaux et conclut par conséquent que la saisie pratiquée est illégale et abusive car ne pouvant porter que sur la condamnation aux dépens en vertu des titres qui la fondent ;

 

Attendu que dans ses premières écritures AES SONEL a soutenu également l’irrégularité de la formule exécutoire dont est revêtu l’Arrêt n°25/CC du 02 octobre 2004, qu’elle dit incomplète ;

 

Attendu que dans son  mémoire en réponse reçu au greffe de la Cour de céans  le 14 octobre 2008,   le défendeur au procès discute ces arguments  en soutenant d’une part que le pourvoi d’ AES SONEL ne porte que sur l’arrêt rendu le 27 août 2007 par la Cour d’appel du Littoral à Douala à la suite de l’Ordonnance n°102/C rendue le 17 janvier 2006 par le Juge du contentieux de l’exécution du Tribunal de Première Instance de Douala-Bonanjo et non sur l’Arrêt définitif n°25/CC du 22 octobre 2004 en vertu de laquelle la saisie-attribution de créances a été pratiquée et que la Cour de céans ne peut examiner aucun moyen relatif à cette décision définitive ;

 

Attendu que le défendeur  soutient également dans ledit mémoire que la demanderesse au pourvoi ne développe dans son mémoire ampliatif aucun moyen contre l’Ordonnance n°102 du 17 janvier 2006 et demande à la Cour d’en tirer les conséquences en confirmant ladite ordonnance et en ordonnant la continuation des poursuites ;

 

Attendu qu’il soutient subsidiairement que le défaut de titre exécutoire allégué par AES SONEL est une vue de l’esprit et relève du dilatoire car l’article 14 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution  n’interdit point au Juge saisi de l’opposition de se référer à l’ordonnance pour fonder sa décision et estime que c’est ce qu’a fait le Juge du contentieux en estimant  : « que de ce fait, la somme pour laquelle l’ordonnance d’injonction de payer est obtenue reste valable et exigible » ; Il soutient  aussi que la formule exécutoire dont est revêtue l’arrêt sur le fondement duquel la saisie-attribution de créances a été pratiquée est conforme à l’article 61 du Code de Procédure Civile et Commerciale applicable au Cameroun et que cet argument relevait du dilatoire ;

 

Attendu qu’il demande en conséquence à la Cour de céans de confirmer  l’Ordonnance n°102 du 17 janvier 2007, d’ordonner la continuation des poursuites engagées contre AES SONEL et de la condamner aux dépens ;

 

Sur la violation alléguée des articles 14 et 16 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution

Attendu que   la Cour de céans est saisie en l’espèce, d’un pourvoi formé contre l’arrêt n°198 rendu le 27 août 2007 par la Cour d’appel du Littoral à Douala à la suite de l’Ordonnance n°102/C rendue le 17 janvier 2006 par le Juge du contentieux de l’exécution du Tribunal de Première Instance de Douala-Bonanjo ;

 

Attendu que l’Arrêt  n°25/CC du 22 octobre 2004 sur le fondement duquel  la saisie-attribution de créances  litigieuse a été pratiquée n’a pas fait l’objet de recours en cassation et ne peut donc être discuté devant la Cour de céans ;  Qu’il y a lieu dès lors de constater que  le juge du contentieux de l’exécution n’a en rien violé les dispositions des articles ci-dessus visés , lesquels ne peuvent servir de fondement pour annuler une décision dont la Cour de céans n’est pas saisie ;

 

Attendu au demeurant que la Cour de céans a déjà tranché par son Arrêt n°014/2009 du 16 avril 2009 qu’en application de l’article 171 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution,  que lors de l’examen d’une procédure de contestations de saisie-attribution de créances, le rôle du juge est de se prononcer sur les conditions de fond et de forme de ladite saisie-attribution et non de se prononcer sur la responsabilité du débiteur saisi, laquelle est en principe déterminée par le titre exécutoire sur le fondement duquel la saisie a été opérée ;

 

Attendu au surplus que  la demanderesse au pourvoi ne soulève aucun moyen relatif aux conditions de fond et de forme de la présente saisie-attribution de créances, se contentant de discuter  le titre exécutoire, lequel est pourtant indiscutable car définitif ; d’où il y a lieu de dire que cet argument  n’est pas fondé ;

 

Sur la violation alléguée de l’article 61 du code de procédure civile et commerciale du Cameroun

Attendu que l’irrégularité reprochée par la demanderesse à la formule exécutoire dont est revêtu l’arrêt querellé au motif qu’il serait incomplet est un moyen de fait mélangé de droit ;

 

Attendu qu’elle n’apporte aucune preuve pour étayer cette affirmation à laquelle le juge du contentieux de l’exécution a souverainement et largement répondu, qu’il y a lieu en conséquence de la déclarer mal fondée ;

 

Attendu qu’il résulte de ce qui précède que l’ordonnance entreprise doit être confirmée en toutes  ses dispositions ;

 

Sur les dépens

Attendu qu’AES SONEL ayant succombé, elle doit être condamnée aux dépens ;

 

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement après en avoir délibéré,

Casse l’Arrêt n°198/REF rendu le 27 août 2007 par la Cour d’appel du Littoral à Douala ;

Evoquant et statuant sur le fond,

Confirme l’Ordonnance n°102  rendue le 17 janvier 2006 par  le Juge du contentieux de l’exécution du Tribunal de Première Instance de Douala-Bonanjo ;

Ordonne la continuation des poursuites engagées par CDSM SARL à l’endroit de la Société AES SONEL SA ;

Condamne AES SONEL SA  aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

 

 

Le Président

Le Greffier