ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Deuxième Chambre
Audience Publique du 09 mars 2006
Pourvoi n° 048/2003/ PC du 08 mai 2003
Affaire: SOCIETE ABIDJAN CATERING S.A.
(Conseil : Maître OBENG-KOFI Fian, Avocat à la Cour)
Contre
LY MOUSSA
(Conseil : Maître SAMASSI Mamadou, Avocat à la Cour)
ARRET N° 001/2006 du 09 mars 2006
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), Deuxième Chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 09 mars 2006 où étaient présents :
- Antoine Joachim OLIVEIRA, Président, rapporteur
Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge
Boubacar DICKO, Juge
et Maître ASSIEHUE Acka, Greffier ;
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour sous le numéro 048/2003/PC du 08 mai 2003 et formé par Maître OBENG KOFI Fian, Avocat à la Cour d’appel d’Abidjan y demeurant, 19, Boulevard Angoulvant, Résidence Neuilly, aile gauche 2ème étage, 01 B.P. 6514 Abidjan 01, agissant au nom et pour le compte de la Société ABIDJAN CATERING SA, ayant son siège à Abidjan Port-Bouët, 07 B.P. 8 Abidjan 07,en cassation de l’Ordonnance n° 112/2003, rendue le 11 mars 2003 à la requête de Monsieur LY MOUSSA, demeurant à Abidjan « les jardins de la Riviera » lot n° 319, par le Premier Président de la Cour d’appel d’Abidjan, et libellée comme suit :
« Nous, SEKA ADON Jean Baptiste, Premier Président de la Cour d’appel d’Abidjan ;
Vu la requête qui précède et les pièces y jointes ;
Vu l’article 1244 du Code Civil ;
Vu l’article 221 et suivants du Code de Procédure Civile ;
Autorisons Monsieur LY MOUSSA à assigner par devant Nous, tenant audience de référé :
– La Société ABIDJAN CATERING
– Toutes autres parties intéressées
Le 13 mars 2003 à 10 heures pour voir statuer sur les Mérites de la requête qui précède ;
Ordonnons la suspension des poursuites jusqu’à ce que le présent recours soit vidé. » ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi le moyen unique de cassation tel qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur Antoine Joachim OLIVEIRA, Président ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure qu’en vertu du Jugement correctionnel n° 3852 rendu le 30 juillet 2002 par le Tribunal de première instance d’Abidjan ayant condamné Monsieur LY MOUSSA à lui payer la somme de 53.000.000 de francs CFA, avec exécution provisoire à hauteur de 30.000.000 de francs CFA, la Société ABIDJAN CATERING SA a pratiqué deux saisies-attributions, le 26 décembre 2002 et le 13 janvier 2003, sur les comptes bancaires ouverts par le débiteur susnommé à la Banque Internationale pour le Commerce et l’Industrie de Côte d’Ivoire ; que par Ordonnance de référé n° 504 du 03 février 2003, le Président du Tribunal de première instance d’Abidjan a rejeté la requête en date du 30 décembre 2002, par laquelle Monsieur LY MOUSSA lui a demandé « un délai de grâce et un calendrier de paiement de sa dette » ; que par requête en date du 06 mars 2003 portant recours contre l’Ordonnance n° 504, soumise au Premier Président de la Cour d’appel d’Abidjan, Monsieur LY MOUSSA a demandé, d’une part, la rétractation de ladite décision et, d’autre part, sur le fondement de l’article 1244 du Code Civil, un calendrier de l’ordre de trente six mois pour s’acquitter de sa dette envers la société susdénommée ; que par ordonnance rendue à pied de la requête en date du 06 mars 2003, objet du présent pourvoi, le Premier Président de la Cour d’appel d’Abidjan a, en application des articles 1244 du Code civil et 221 et suivants du Code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative, d’une part, autorisé Monsieur LY MOUSSA à assigner en référé la Société ABIDJAN CATERING SA à l’audience du 13 mars 2003 pour qu’il soit statué sur les mérites de la requête du 06 mars 2003 et, d’autre part, ordonné la suspension des poursuites « jusqu’à ce que le présent recours soit vidé, » par le Premier Président de la juridiction d’appel susindiquée ;
Sur l’incompétence de la Cour de céans soulevée par la défense
Attendu que Monsieur LY MOUSSA soulève l’incompétence de la Cour de céans au motif que l’ordonnance attaquée est « un acte de procédure pris pour introduire une demande de délai de grâce devant le juge des référés » rendu en matière de délai de grâce et de l’urgence lesquelles selon lui, n’appartiennent pas au domaine des Actes uniformes tel que fixé par l’article 2 du Traité OHADA ; qu’en se déterminant ainsi la Cour a violé l’article 14 du Traité selon lequel, elle n’est compétente que pour les « seules matières » relevant des Actes uniformes ;
Vu l’article 14 alinéa 3 du Traité institutif de l’OHADA selon lequel « saisie par la voie du recours en cassation, la Cour se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d’appel des Etats parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des Actes uniformes et des règlements prévus au présent Traité à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales. » ;
Attendu, d’une part, que la matière du délai de grâce est régie dans les Etats Parties de l’OHADA, par l’article 39, alinéa 2, de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution qui prévoit que «… compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, la juridiction compétente peut, sauf pour les dettes d’aliments et les dettes cambiaires, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues dans la limite d’une année… » ; que, d’autre part, le juge compétent pour connaître, même en appel, le contentieux de l’exécution forcée est déterminé en considération de l’article 49 du même Acte uniforme ; qu’il en résulte que le pourvoi formé par la Société ABIDJAN CATERING SA contre l’Ordonnance n° 112 du 11 mars 2003 rendue par le Premier Président de la Cour d’appel d’Abidjan dans la cause qui lui a été soumise par Monsieur LY MOUSSA, en vue d’obtenir un délai de grâce relève d’un contentieux relatif à l’application de l’Acte uniforme susvisé et ressort par conséquent de la compétence de la Cour de céans en application de l’article 14, alinéa 3, précité ; d’où il suit que l’exception d’incompétence soulevée doit être rejetée ;
Sur la recevabilité du pourvoi
Attendu que Monsieur LY MOUSSA relève que l’ordonnance attaquée, « en ce qu’elle est intervenue de manière gracieuse » et « n’a pas tranché de contestation ni de litige entre les parties », est un acte d’administration judiciaire lequel contrairement à une décision judiciaire n’est pas susceptible de pourvoi en cassation ;
Vu l’article 32 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution aux termes duquel « A l’exception de l’adjudication des immeubles, l’exécution forcée peut être poursuivie jusqu’à son terme en vertu d’un titre exécutoire par provision. L’exécution est alors poursuivie aux risques du créancier, à charge pour celui-ci, si le titre est ultérieurement modifié, de réparer intégralement le préjudice causé par cette exécution sans qu’il y ait lieu de relever de faute de sa part. » ;
Attendu que l’ordonnance attaquée ayant ordonné la suspension des poursuites et affecté par conséquent la poursuite des mesures d’exécution forcée engagées par la Société ABIDJAN CATERING SA est une décision à caractère juridictionnel ; qu’il s’ensuit que le pourvoi dirigé contre ladite ordonnance est recevable ;
Sur le moyen unique
Vu l’article 32 précité ;
Attendu qu’il est fait grief à l’ordonnance attaquée d’avoir « ordonné la suspension d’une voie d’exécution » alors qu’«aucune disposition de l’Acte uniforme du Traité OHADA relatif aux procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ne reconnaît compétence et pouvoir au Premier Président de la Cour d’appel de suspendre même provisoirement une voie d’exécution.» et que ce « principe » est conforté par l’article 32 du même Acte uniforme qui laisse la faculté au bénéficiaire d’un titre exécutoire de l’exécuter à ses risques et périls, sans qu’il soit prévu pour le juge national la possibilité d’ordonner la suspension de l’exécution ; qu’«en suspendant par simple ordonnance sur requête l’exécution, le Premier Président de la Cour d’appel d’Abidjan a, par son Ordonnance n° 112/2003 du 11 mars 2003, violé de façon manifeste l’article 32 de l’Acte uniforme du Traité OHADA ; que sa décision mérite d’être cassée et annulée.» ;
Attendu qu’il ressort de la cause que l’Ordonnance n° 112/2003 du Premier Président de la Cour d’appel d’Abidjan a suspendu l’exécution forcée engagée en vertu de deux saisies-attributions pratiquées les 26 décembre 2002 et 13 janvier 2003, que dans ce contexte ladite décision attaquée viole l’article 32 précité de l’Acte uniforme susvisé ; qu’il échet en conséquence de casser l’Ordonnance n° 112/2003 attaquée et, sans qu’il y ait lieu d’évoquer de dire que l’exécution forcée entreprise sera poursuivie jusqu’à son terme ;
Attendu que Monsieur LY MOUSSA ayant succombé, doit être condamné aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Se déclare compétente ;
Déclare recevable le pourvoi en cassation formé par la Société ABIDJAN CATERING SA ;
Casse l’Ordonnance n° 112/2003 rendue le 11 mars 2003 par le Premier Président de la Cour d’appel d’Abidjan ;
Et sans qu’il y ait lieu d’évoquer ;
Dit que l’exécution forcée entreprise sera poursuivie jusqu’à son terme ;
Condamne Monsieur LY MOUSSA aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier