ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

Première chambre 

Audience publique du 26 octobre 2006

Pourvoi : n° 096/2004/PC du 06 septembre 2004

Affaire : SCI GOLFE DE GUINEE                  

                          (Conseil : Maître KOUASSI Y. Roger, Avocat à la Cour)

                         contre

               PROMOMER SARL

                            (Conseil: Maître Jean-Luc D. VARLET, Avocat à la Cour)                  

ARRET N° 022/2006 du 26 octobre 2006

                   

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A), Première chambre, de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A) a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique d 26 octobre 2006 où étaient présents :

 

Messieurs Jacques M’BOSSO,                       Président

Maïnassara MAIDAGI,                  Juge

Biquezil NAMBAK,                      Juge, rapporteur

 

et Maître ASSIEHUE Acka,            Greffier ;

 

Sur le recours enregistré au greffe de la Cour de céans le 06 septembre 2004 sous le n° 096/2004/PC et formé par Maître KOUASSI Y. Roger, Avocat à la Cour, demeurant Rue B13, Cocody-Canebière, immeuble 2, 2ème étage, porte 10, 04 BP 1011 Abidjan 04, agissant au nom et pour le compte de la SCI GOLFE DE GUINEE dont le siège social est à Abidjan-Treichville zone 2, Rue des pêcheurs, dans une cause l’opposant à la société PROMOMER SARL dont le siège social est au port de pêche 11, Rue des pêcheurs , zone 3, 09 BP 533 Abidjan 09, ayant pour conseil Maître Jean-Luc D.VARLET, Avocat à la Cour, demeurant 28, boulevard Angoulvant, immeuble le Fromager, 3ème étage, 01 BP 1846 Abidjan 01, en cassation de l’Ordonnance n°033/04 du 05 avril 2004 rendue par la Juridiction présidentielle de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire et dont le dispositif est le suivant :

 

« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en dernier ressort ;

Autorisons la société PROMOMER à accéder à ses entrepôts frigorifiques ;

Disons qu’il n’y a pas lieu en l’état, à condamnation à astreinte comminatoire ;

Mettons les dépens à la charge du Trésor Public » ;

La requérante invoque à l’appui de son recours le moyen unique de cassation tel qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt ;

Sur le rapport de Monsieur le Juge Biquezil NAMBAK ;

Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

Attendu qu’il résulte de l’examen des pièces du dossier de la procédure qu’à la suite d’un différend lié à l’exécution d’un contrat de bail conclu le 6 avril 1990 entre la SCI GOLFE DE GUINEE et la société PROMOMER, cette dernière avait fait l’objet de l’Ordonnance d’expulsion n°5744 rendue le 18 décembre 2002 par le juge des référés du Tribunal de première instance d’Abidjan, ordonnance confirmée par  l’Arrêt n°210/03 du 25 février 2003 de la Cour d’appel d’Abidjan ; que suite à cette confirmation, la société PROMOMER avait sollicité et obtenu de la Juridiction présidentielle de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire l’Ordonnance n°033/04 du 05 avril 2004 dont pourvoi, l’autorisant à accéder à ses entrepôts frigorifiques ;

 

Sur la compétence de la Cour

 Vu les articles 14, alinéas 3 et 4 du Traité et 28 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;

Attendu qu’il est fait grief à l’ordonnance querellée d’avoir violé les dispositions de l’article 49 de l’Acte uniforme susvisé en ce qu’en retenant sa compétence pour autoriser la société PROMOMER à accéder à ses entrepôts frigorifiques alors que, selon le moyen, le juge compétent pour connaître des difficultés d’exécution nées de l’expulsion de la société PROMOMER est le président du Tribunal de première instance d’Abidjan -Plateau ou le magistrat délégué par lui, le Président de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire a méconnu les dispositions de l’Acte uniforme susvisé ; que, toujours selon le moyen, toute mesure d’exécution forcée consisterait en une mesure de remise des parties à l’état antérieur au contrat ou au fait ayant donné naissance au litige, soit par saisie des biens du débiteur pour les vendre, soit par restitution ou délivrance d’un bien mobilier corporel, soit par l’expulsion comme en l’espèce sur le fondement d’une décision de justice exécutoire ;

 

Attendu que les articles 14, alinéas 3 et 4 du Traité et 28, alinéa 1er  de l’Acte uniforme susvisés disposent respectivement que, « saisie par la voie de recours en cassation, la Cour se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d’appel des États parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des actes uniformes et des règlements prévus au présent Traité à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales.

Elle se prononce dans les mêmes conditions sur les décisions non susceptibles d’appel rendues par toute juridiction des Etats parties dans les mêmes contentieux » et « à défaut d’exécution volontaire, tout créancier peut, quelle que soit la nature de sa créance, dans les conditions prévues au présent Acte uniforme, contraindre son débiteur à exécuter ses obligations à son égard ou pratiquer une mesure conservatoire pour assurer la sauvegarde de ses droits » ;

 

Attendu qu’il ressort de l’analyse des dispositions susénoncées que, d’une part, la Cour de céans ne peut se prononcer sur des décisions des juridictions des Etats parties dont elle est saisie que lorsque ces décisions sont intervenues dans des affaires soulevant des questions relatives à l’application des Actes uniformes et règlements prévus au Traité OHADA à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales et, d’autre part, que les voies d’exécution, au sens de l’Acte uniforme précité, sont  des procédures légales permettant à un créancier impayé soit de saisir les biens de son débiteur pour les vendre, le cas échéant, et se faire payer, soit de procéder à une saisie de créance en vue de se faire attribuer, soit enfin, de se faire délivrer ou restituer un bien mobilier corporel ;

 

Attendu, en l’espèce, que l’affaire soumise à l’examen de la Cour de céans est relative à une mesure d’expulsion visant à remettre les parties dans les situations juridiques qui étaient les leurs avant le contrat de bail ; que l’expulsion, qui est certes une mesure d’exécution forcée, ne faisant pas partie des voies d’exécution forcée telles que définies par l’Acte uniforme susvisé, la Cour de céans est incompétente pour connaître du présent recours en cassation ; qu’il échet en conséquence de se déclarer incompétent ;

 

Attendu que la SCI GOLFE DE GUINEE ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens ;

 

PAR CES MOTIFS

 Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Se déclare incompétente ;

Condamne la SCI GOLFE DE GUINEE aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

                                                   

Le Président

 Le Greffier