ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

Audience Publique du 26 février 2004

Pourvoi n° : 018/2003/PC du 06 février 2003

AFFAIRE : RAFIU OYEWEMI

          (Conseil : Maître VAFFI CHERIF, Avocat à la Cour)

                   contre

         TONY ANTHONY Joseph

              (Conseil : Maître BAGUY Landry, Avocat  à  la Cour)

ARRET N° 011/ 2004 du 26 février 2004

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A) a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 26 février 2004 où étaient présents :

 

Messieurs Seydou BA,                    Président

Jacques M’BOSSO,                       Premier Vice-président

Antoine Joachim OLIVEIRA,          Second Vice-président

Doumssinrinmbaye BAHDJE,         Juge

Maïnassara MAIDAGI,                    Juge-rapporteur

Boubacar DICKO,                          Juge

Biquezil NAMBAK,                         Juge

 et  Maître Pascal Edouard NGANGA, Greffier en chef ;

 

Sur le renvoi, en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans, de l’affaire RAFIU OYEWEMI contre TONY ANTHONY Joseph, par Arrêt n°491/02 en date du 06 juin 2002 de la Chambre Judiciaire de la Cour Suprême de COTE D’IVOIRE, formation civile, saisie d’un pourvoi formé le 04 décembre 2001 par Maître VAFFI CHERIF, Avocat à la Cour demeurant Résidence Roume sise Boulevard Roume, 1er étage, porte 12, 08 BP 1098 Abidjan 08, agissant au nom et pour le compte de Monsieur RAFIU OYEWEMI, contre l’Arrêt n°535 rendu le 08 mai 2001 par la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :

 

« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en dernier ressort ;

 

En la forme :

Déclare recevable l’appel de TONY ANTHONY  relevé de l’Ordonnance n°6 rendue le 14 février 2001 par la juridiction Présidentielle du Tribunal d’Abidjan ;

 

Au fond :

Déclare ledit appel bien fondé ;

Infirme l’ordonnance entreprise ;

 

Statuant à nouveau,

 

Déclare la juridiction Présidentielle incompétente en application des dispositions de l’article 101 du Traité OHADA relatif au bail commercial ;

 

Condamne RAFIU OYEWEMI aux dépens. » ;

 

Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi les trois moyens de cassation tels qu’ils figurent à « l’exploit de pourvoi en cassation » annexé au présent arrêt ;

 

Sur le rapport de Monsieur le Juge Maïnassara MAÏDAGI ;

 

Vu les articles 14, 15 et 16 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

 

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que par contrat de bail en date du 24 février 1996, Monsieur RAFIU OYEWEMI avait donné en location à Monsieur TONY ANTHONY Joseph un magasin à usage commercial situé au Mirador  d’Adjamé moyennant un loyer mensuel de trois cent mille (300.000) francs CFA ; qu’à la date du 30 janvier 2001, estimant que Monsieur TONY ANTHONY Joseph restait lui devoir la somme de quatre millions six cent mille (4.600.000) francs CFA représentant quinze (15) mois de loyers échus et impayés allant de novembre 1999 à janvier 2001 auxquels il faut ajouter cent mille (100.000) francs CFA de reliquat du mois d’octobre 1999, Monsieur RAFIU OYEWEMI assignait le locataire en expulsion devant le juge des référés du Tribunal de Première Instance d’Abidjan, lequel avait, par Ordonnance n°634 du 14 février 2001, ordonné l’expulsion de Monsieur TONY ANTHONY Joseph des lieux qu’il occupe tant de sa personne, de ses biens que tous occupants de son chef pour non-paiement de loyers ; que sur appel de TONY ANTHONY Joseph la Cour d’appel d’Abidjan rendait l’Arrêt n°535 du 08 mai 2001, dont pourvoi ;

 

Sur le premier moyen

Vu l’article 101 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général ;

 

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 101 de l’Acte uniforme  susvisé ou d’avoir commis une erreur dans son application ou son interprétation en ce que la Cour d’appel, pour infirmer l’Ordonnance n°634 du 14 février 2001 a soutenu que selon les dispositions de l’article 101 du Traité OHADA relatif au droit commercial général et principalement au bail commercial, la résiliation d’un contrat de bail ne peut être prononcé que par jugement alors que, selon le requérant, nulle part dans ce texte n’apparaît l’affirmation soutenue par la Cour d’appel ; que l’article 101 demande simplement de porter la demande de résiliation du contrat de bail devant la juridiction compétente et cette juridiction n’est pas expressément déterminée par ledit article ; que le Traité OHADA ne qualifie jamais une décision en fonction de la juridiction qui l’a rendue mais utilise le terme de « jugement » qui est le terme général pour désigner toute décision rendue par une autorité juridictionnelle ; que cela s’explique par le fait que les textes du Traité OHADA s’appliquent dans plusieurs Etats qui n’ont pas forcément la même organisation judiciaire de telle sorte qu’une décision rendue par l’un pourra s’appeler jugement ou ordonnance et vice-versa dans l’autre ; que lier donc la compétence de la juridiction dans le cas d’espèce à la notion de « jugement » utilisée par l’article 101 est assurément une erreur dans l’application ou l’interprétation de cette disposition ;

 

Mais attendu qu’aux termes de l’article 101 de l’Acte uniforme susvisé « le preneur est tenu de payer le loyer et de respecter les clauses et conditions du bail.

A défaut de paiement du loyer ou en cas d’inexécution d’une clause du bail, le bailleur pourra demander à la juridiction compétente la résiliation du bail et l’expulsion du preneur et de tous occupants de son chef, après avoir fait délivrer, par acte extrajudiciaire, une mise en demeure d’avoir à respecter les clauses et conditions du bail… » ;

 

Attendu que l’Acte uniforme sus-indiqué ne précisant pas quelle est la juridiction compétente en la matière, il y a lieu de se référer à la législation interne de chaque Etat partie afin de déterminer la juridiction devant laquelle il faut introduire la demande ; qu’à ce propos la loi ivoirienne n°80-1069 du 13 septembre 1980 dispose en son article 36 que « les contestations relatives à la fixation du prix du loyer du bail révisé ou renouvelé sont portées devant le président du Tribunal de première instance ou le juge de section qui statue comme en matière de référé.

Les autres contestations sont portées devant le tribunal ou la section de tribunal qui statue suivant la procédure de droit commun et qui peut accessoirement se prononcer sur les demandes mentionnées à l’alinéa précédent.

La juridiction territorialement compétente est celle du lieu de la situation de l’immeuble » ;

 

Attendu qu’il résulte des dispositions susénoncées qu’en dehors des contestations relatives à la fixation du prix du loyer du bail révisé ou renouvelé qui sont de la compétence du juge des référés, toutes les autres contestations sont de la compétence du tribunal ou de la section de tribunal du lieu de la situation de l’immeuble ; qu’en conséquence, en déclarant la juridiction présidentielle incompétente en application des dispositions de l’article 101 de l’Acte uniforme susvisé, la Cour d’appel d’Abidjan, nonobstant le sens qu’elle donne à tort au terme « jugement », n’a en rien violé ledit article ; qu’il s’ensuit que le premier moyen doit être rejeté ;

 

Sur le deuxième moyen

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué une omission de statuer en ce que la Cour d’appel ayant sollicité les observations des parties sur l’application de l’article 36 de la loi n°20-1069 du 13 septembre 1980 est cependant restée muette sur ces moyens et observations dans ses motifs car non seulement elle n’en a pas tenu compte mais elle n’ y a plus fait allusion dans sa décision ;

 

Mais attendu que sur ce point, l’arrêt attaqué, en retenant qu’ « … en se déclarant compétent et en statuant comme il l’a fait, le juge des référés a violé les dispositions de l’article précité [article 101 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général] ; qu’en conséquence, il importe d’infirmer l’ordonnance querellée et statuant à nouveau de déclarer le juge des référés incompétent », a implicitement répondu aux observations des parties relatives à l’applicabilité de l’article 36 de la loi n°80-1069 du 13 septembre 1980 puisque l’article 101 sus indiqué sur lequel s’est fondé l’arrêt pour déclarer le juge des référés incompétent ne détermine pas le juge compétent mais renvoie chaque Etat partie  à sa propre législation en la matière ; qu’il s’ensuit que ce deuxième moyen n’est pas fondé et doit être rejeté ;

 

Sur le troisième moyen

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir manqué de base légale résultant de l’insuffisance ou obscurité de motifs en ce que selon le requérant « les motifs développés au soutien de la décision de la Cour se limitent à un commentaire portant sur l’article 101 du Traité OHADA portant droit commercial général… que de tels motifs obscurs ou insuffisants ne peuvent fonder avec clarté la décision de la Cour…que l’arrêt attaqué encourt le grief de manque de base légale pour insuffisance et obscurité des motifs » ;

 

Mais attendu que ce moyen ne précise ni la partie critiquée de l’arrêt ni  en quoi ce dernier encourt le reproche qui lui est fait ; qu’il s’ensuit que le moyen doit être déclaré irrecevable ;

 

Attendu que RAFIU OYEWEMI ayant succombé, doit être condamné aux dépens ;

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Rejette le pourvoi ;

Condamne RAFIU OYEWEMI aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

 

Le Président

Le Greffier en chef