ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Deuxième Chambre
Audience Publique du 09 mars 2006
Pourvoi n° 107/2003/PC du 18 novembre 2003
Affaire : Monsieur LELL Emmanuel
Société Camerounaise de Transformation dite SOCATRAF
(Conseil : Maître Jackson Francis Ngnie Kamga, Avocat à la Cour)
Contre
Caisse Commune d’Epargne et d’Investissement,
dite CCEI-Bank S.A. devenue Afriland First Bank S.A.
(Conseil : Maître Théodore KAMKUI, Avocat à la Cour)
ARRET N° 002/2006 du 09 mars 2006
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A), de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), Deuxième Chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 09 mars 2006 où étaient présents :
- Antoine Joachim OLIVEIRA, Président
Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge, rapporteur
Boubacar DICKO, Juge
et Maître ASSIEHUE Acka, Greffier ;
Sur le pourvoi enregistré le 18 novembre 2003 au greffe de la Cour de céans sous le numéro 107/2003/PC et formé par Maître Jackson Francis Ngnie Kamga, Avocat au Barreau du Cameroun, B.P. 12287 Douala, agissant au nom et pour le compte de Monsieur LELL Emmanuel, commerçant demeurant à Douala (République du Cameroun) B.P. 110 et de la Société Camerounaise de Transformation dite SOCATRAF, Société anonyme au Capital de 20.000.000 F CFA, dont le siège est à Douala, B.P. 110, dans le litige qui les oppose à la Caisse Commune d’Epargne et d’Investissement dite CCEI Bank devenue Afriland First Bank, dont le siège est à Yaoundé (Cameroun), BP. 11834, ayant pour conseil Maître Théodore KAMKUI, Avocat au barreau du Cameroun, B.P. 15353 Douala,en cassation du Jugement n° 353 rendu le 06 mars 2003 par le Tribunal de grande instance du Wouri à Douala (Cameroun) et dont le dispositif est ainsi libellé :
« Statuant publiquement et contradictoirement à l’égard des parties, en matière civile et commerciale, en premier et en dernier ressort ;
- Déclare la SOCATRAF SA et sieur LELL Emmanuel mal fondés en leurs dires et observations ;
- Les en déboute ;
- Ordonne la continuation des poursuites par la vente des immeubles saisis ;
- Ordonne à cette fin l’accomplissement des formalités de l’article 276 de l’acte uniforme OHADA n°6 ;
- Fixe au 10 avril 2003 la nouvelle date de vente par devant Maître KOUESSEU Jeanne Notaire à Douala ;
- Dépens à la charge du saisi » ;
Les requérants invoquent à l’appui de leur pourvoi le moyen unique de cassation tel qu’il figure à l’acte de pourvoi annexé au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Doumssinrinmbaye BAHDJE ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu, selon les pièces du dossier de la procédure, que s’étant prévalue d’une grosse dûment en forme exécutoire d’une convention de compte courant avec cautionnement hypothécaire, la Caisse Commune d’Epargne et d’Investissement dite CCEI-Bank devenue Afriland First Bank a fait servir le 22 mars 2000 à Monsieur LELL Emmanuel et à la Société Camerounaise de Transformation dite SOCATRAF un commandement aux fins de saisie immobilière ; que le 12 juin 2000, la CCEI-BANK leur a fait sommation de prendre communication du cahier des charges déposé par son conseil au greffe du Tribunal de Grande instance du Wouri à Douala, au Cameroun ; que Monsieur LELL Emmanuel et la Société SOCATRAF ont alors fait annexer au cahier des charges, des dires et observations, concluant entre autres, à ce qu’il plaise au juge compétent de bien vouloir, sur le fondement de l’article 254 (2) de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, prononcer la nullité du commandement délivré par un huissier de justice autre que celui qui a été investi du pouvoir spécial donné par la partie poursuivante ; que par Jugement n°353 précité rendu le 06 mars 2003, le Tribunal de grande instance du Wouri à Douala a débouté Monsieur LELL Emmanuel et la SOCATRAF de leurs dires et observations, et ordonné la continuation des poursuites ; que le 06 octobre 2003, Monsieur LELL Emmanuel et la SOCATRAF se sont pourvus en cassation contre le Jugement n° 353 précité devant la Cour de céans ;
Sur la recevabilité du pourvoi
Attendu que dans ses conclusions en date du 25 février 2005 enregistrées au greffe de la Cour de céans le 08 mars 2005, Afriland First Bank SA soulève d’abord l’irrecevabilité du pourvoi, avant de conclure à la confirmation du jugement querellé quant au fond ; qu’elle fait valoir la violation des dispositions de l’article 28 du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, en ce que ce texte prévoit que « le recours est présenté dans les deux mois de la signification de la décision attaquée… », de même que « le recours contient les conclusions du requérant et les moyens invoqués à l’appui de ces conclusions », et le « recours indique les Actes uniformes ou les Règlements prévus par le Traité dont l’application dans l’affaire justifie la saisine de la Cour » ; qu’en l’espèce, selon la défenderesse au pourvoi, la décision attaquée fut rendue le 06 mars 2003 par le Tribunal de grande instance de Douala qui fixait la date de l’adjudication au 10 avril 2003 ; que dès le 11 mars 2003, les demandeurs au pourvoi relevaient appel de cette décision, et ladite cause est encore pendante devant la Cour d’appel du Littoral à Douala ; que dès lors qu’ils ont exercé une voie de recours, préalable et pendante en appel, selon Afriland First Bank SA, ils ne peuvent plus se prévaloir du défaut de signification de la décision attaquée, et leur pourvoi doit être déclaré irrecevable comme tardif ; qu’en outre, toujours selon la défenderesse au pourvoi, le mémoire en cassation des demandeurs au pourvoi n’indique pas les moyens invoqués à l’appui de leurs conclusions, en violation de l’article 28 du Règlement de procédure susvisé, d’où il suit que ce pourvoi doit être rejeté ;
Vu l’article 300 de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;
Attendu, d’une part, qu’en application dudit article, le jugement attaqué rendu en matière de saisie immobilière, lequel ne statue ni sur le principe même de la créance, ni sur des moyens au fond tirés de l’incapacité d’une des parties, ni sur la propriété ou l’insaisissabilité ou l’aliénabilité des biens saisis, n’est pas susceptible d’appel ; d’autre part, que pour le calcul du délai de deux mois prévu par l’article 28 du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA pour exercer le recours en cassation, il doit être tenu compte de la date de signification du jugement attaqué et non de celle de son prononcé et en conséquence, faute de signification du jugement attaqué, ledit délai n’avait pas couru à l’encontre des requérants ; qu’enfin contrairement aux assertions du défendeur au pourvoi, le recours énonce des moyens critiquant le jugement attaqué et vise les articles 254 et 255 de l’Acte uniforme susindiqué auxquels la partie défenderesse a répondu dans son mémoire en réponse en date du 24 mai 2005 ; qu’il s’ensuit que l’irrecevabilité soulevée par la défenderesse au pourvoi doit être rejetée ;
Sur le moyen unique
Vu les articles 254 et 255 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;
Attendu que le pourvoi reproche au jugement attaqué d’avoir prétendu que le pouvoir spécial de saisir a été délivré à l’huissier de justice Maître Adèle Elise Kogla, alors que selon les requérants, il ressort de la copie du commandement par eux reçue que la CCEI-Bank SA avait investi l’huissier de justice Maître N’Guesson André pour instrumenter les actes de la saisie immobilière en cause ; que les demandeurs au pourvoi sollicitent donc de la Cour de céans, l’annulation du jugement querellé pour dénaturation des faits et violation des articles 254 et 255 de l’Acte uniforme susvisé, puis sur évocation, l’annulation du commandement aux fins de saisie immobilière du 22 mars 2000 à eux servi par Maître Adèle Elise Kogla ;
Mais attendu que le Tribunal de grande instance du Wouri, à Douala, a relevé « qu’à l’examen des pièces du dossier de la procédure, il apparaît que pouvoir a été donné par la CCEI-BANK en date du 23 février 2000 à Maître KOGLA Elise Adèle pour procéder à la saisie immobilière litigieuse » ; qu’en l’état de ces constatations d’où il résulte que l’huissier instrumentaire susnommé ayant délivré le commandement litigieux était muni d’un pouvoir spécial aux fins de saisie immobilière en date du 23 février 2000, postérieur à celui du 25 juin 1999 mentionnant le nom de Maître N’Guesson André, non contesté par les parties, le Tribunal a pu déduire à juste titre que le grief formulé contre le jugement attaqué n’était pas fondé ; qu’ainsi, il n’a violé aucune des dispositions visées dans la requête ;
Attendu par ailleurs que l’article 297 de l’Acte uniforme susmentionné dispose que « … les formalités prévues par les articles 254 (et suivants) ne sont sanctionnés par la nullité que si l’irrégularité a eu pour effet de causer un préjudice aux intérêts de celui qui l’invoque. » ; que dans le cas de l’espèce, non seulement, le pouvoir spécial de saisir délivré à Maître N’Guesson André est antérieur à celui délivré à l’huissier instrumentaire Maître Adèle Elise KOGLA, mais les requérants ne justifient pas le préjudice par eux subi du fait de la désignation de celle-ci ;
Attendu qu’il ressort de ce qui précède que le recours doit être rejeté parce que non fondé ;
Attendu que Monsieur LELL Emmanuel et la Société Camerounaise de Transformation dite SOCACRAF ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Rejette l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Caisse Commune d’Epargne et d’Investissement dite CCEI-BANK SA devenue Afriland First Bank SA ;
Rejette le pourvoi formé par Monsieur LELL Emmanuel et la Société Camerounaise de Transformation dite SOCATRAF ;
Condamne les requérants aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé.
Le Président
Le Greffier