ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Première chambre
Audience publique du 27 avril 2017
Pourvoi : n°056/2015/PC du 13/04/2015
Affaire : Monsieur GBETIBOUO Jean Augustin
(Conseils : SCPA KOSSOUGRO SERY Emile Christophe, Avocats à la Cour)
Contre
BIAO-CI devenue NSIA Banque CI
(Conseils : SCPA LAGO & DOUKA, Avocats associés à la Cour)
Arrêt N°084/2017 du 27 avril 2017
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), première chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 27 avril 2017 où étaient présents :
Madame Flora DALMEIDA MELE, Présidente, rapporteur
Messieurs Marcel SEREKOISSE SAMBA, Juge
Robert SAFARI ZIHALIRWA, Juge
et Maître Edmond Acka ASSIEHUE, Greffier ;
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 13 avril 2015 sous le n°056/2015/PC et formé par la SCPA KOSSOUGRO SERY Emile Christophe Avocats à la Cour, cabinet sis à Abidjan -Plateau, 35, rue du Général de Gaulle, 1er étage, immeuble SAHAM Assurance , ex Colina-vie, 01 BP 7285 Abidjan 01, agissant au nom et pour le compte de maître GBETIBOUO Jean Augustin, notaire, demeurant à Abidjan Cocody les II Plateaux Les perles, CP 20 BP 909 Abidjan, dans la cause l’opposant à BIAO-CI devenue NSIA Banque CI dont le siège social est à Abidjan-Plateau, 8-10 avenue Joseph Anoma, 01 BP 1274 Abidjan 01, agissant aux poursuites et diligences de son représentant légal, ayant pour conseils la SCPA LAGO & DOUKA, Avocats associés, demeurant aux Deux-Plateaux Vallons, lot 1729, derrière la banque SIB, 06 BP 6750 Abidjan 06, en cassation du jugement n°2058/2014 rendu le 21 novembre 2014 par le Tribunal de commerce d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :
« PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en premier et dernier ressort ;
Reçoit la société BIAO CÔTE d’IVOIRE en son action ;
L’y dit partiellement fondé ;
Condamne monsieur GBETIBOUO JEAN AUGUSTIN à payer à la Société BIAO CÔTE d’IVOIRE la somme de 36.081.570 FCFA ;
Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision ;
Condamne le défendeur aux dépens de l’instance. » ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi le moyen unique de cassation tel qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Madame Flora DALMEIDA MELE, Présidente ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que courant 1986 maître GBETIBOUO Jean Augustin, ancien agent de la BIAO, a bénéficié auprès de sa banque, de plusieurs concours financiers résultant d’un prêt au personnel, d’un prêt au titre du projet « PALME » et du solde débiteur de son compte courant dans ses livres ; que ces divers prêts d’un montant total de 36. 081. 570 FCFA ont été consolidés sous forme d’un prêt ordinaire à long terme ; que malgré plusieurs promesses de paiement, GBETIBOUO Jean Augustin ne s’est pas exécuté ; que par courrier du 10 octobre 2005, il a fait une nouvelle proposition de règlement de sa dette qui est aussi demeurée lettre morte ; que par exploit du 9 juillet 2014, la BIAO l’a assigné en paiement devant le Tribunal de commerce d’Abidjan qui a rendu, le 21 novembre 2014, le jugement dont pourvoi ;
Sur le moyen unique
Vu l’article 16 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général
Attendu que le requérant reproche à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 16 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général en ce que qu’il a retenu que les créances réclamées sont nées avant l’entrée en vigueur de l’Acte uniforme précité et soumises à la loi antérieure à celui-ci à savoir l’article 189 bis du code de commerce ivoirien qui prévoit la prescription décennale en matière commerciale alors, selon le moyen , que c’est la prescription quinquennale qui doit s’appliquer et courir à compter du 10 octobre 2005, date de son dernier courrier en reconnaissance de dette qui constitue un acte interruptif de prescription ;
Attendu que l’obligation litigieuse est née de différents prêts contractés courant 1986 ; qu’à cette époque, les dispositions applicables en matière de prescription était celles de l’article 189 bis du code de commerce ivoirien qui fixait celle-ci à 10 ans ; que l’article 10 du Traité instituant l’OHADA prône la suprématie des Actes uniformes « directement applicables et obligatoires dans les Etats-parties nonobstant toute disposition contraire de droit interne, antérieure ou postérieure » ; qu’ainsi, seules les dispositions de l’Acte uniforme sur le droit commercial prévoyant la prescription quinquennale est applicable ; que la lettre du 10 octobre 2005 par laquelle monsieur GBETIBOUO Jean Augustin reconnaissait sa dette et demandait une dernière chance pour l’apurer constituant un acte interruptif de prescription, la banque était fondée à solliciter le remboursement de ses créances au plus tard le 10 octobre 2010 ; que l’action en paiement ayant été engagée par la banque le 9 juillet 2014, celle-ci est prescrite en application de l’article 16 de l’Acte uniforme susvisé ; qu’il s’ensuit qu’en retenant, sous le fondement de l’article 189 bis du code de commerce ivoirien, la prescription quinquennale, le tribunal a commis le grief visé au moyen et expose son jugement à la cassation ;
Sur l’évocation
Attendu que monsieur GBETIBOUO Jean Augustin demande à la Cour qu’après cassation du jugement, de statuer à nouveau et déclarer les créances prescrites pour cause de forclusion en application des articles 16 et 298 de l’Acte uniforme sur le droit commercial général ; qu’il rappelle que sur assignation de la BIAO pour le voir condamner à payer à cette dernière une somme d’argent, le Tribunal de commerce d’Abidjan a rendu le 21 novembre 2014 , le jugement n° 2058/2014 dont le dispositif est le suivant :
« PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement , contradictoirement, en premier et dernier ressort ;
Reçoit la société BIAO CÔTE d’IVOIRE en son action ;
L’y dit partiellement fondée ;
Condamne monsieur GBETIBOUO AUGUSTIN à payer à la Société BIAO CÔTE d’IVOIRE la somme de 36. 081. 570 FCFA ;
Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision ;
Condamne le défendeur aux dépens de l’instance. » ;
Qu’il soutient que les créances réclamées sont prescrites en application de l’article 16 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général qui fixe la prescription à cinq ans ; que dès que survient un acte interruptif de prescription en l’occurrence sa lettre de reconnaissance de dette en date du 10 octobre 2005, le nouveau délai de prescription commence à courir à compter de cette date ; que l’article 10 du Traité OHADA prescrivant l’applicabilité immédiate des Actes uniformes nonobstant toutes dispositions de droit interne antérieures ou postérieures , l’Acte uniforme sur le droit commercial entrée en vigueur après les faits et retenant une prescription quinquennale en son article 16, doit être appliqué ;
Attendu que la BIAO retorque que monsieur GBETIBOUO AUGUSTIN reconnait tous les prêts qui lui ont été octroyés, source des créances réclamées ; qu’il soutient que tous ces prêts sont antérieurs à l’entrée en vigueur de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général de sorte que c’est la prescription décennale de la loi antérieure notamment l’article 189 bis du code de commerce qui est applicable à son espèce et que la lettre de reconnaissance de dette intervenue le 10 octobre 2005, le nouveau délai qui court à partir de cette date expire le 10 octobre 2015 ; que son action introduite le 09 juillet 2014 est régulière et qu’il demande la confirmation du jugement ;
Attendu que pour les mêmes motifs que ceux ayant prévalu à la cassation du jugement, il y a lieu d’infirmer le jugement et de constater la prescription de la créance de la BIAO-CI à l’égard de monsieur GBETIBOUO ;
Attendu qu’ayant succombé, la BIAO doit être condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Casse le jugement n° 2058/2014 rendu le 21 novembre 2014 par le Tribunal de commerce d’Abidjan ;
Evoquant et statuant sur le fond,
Infirme le jugement n°2058/2014 rendu le 21 novembre 2014 ;
Déclare prescrite l’action de la BIAO en réclamation de sa créance ;
La condamne aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
La Présidente
Le Greffier