ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Troisième chambre
Audience publique du 11 mai 2017
Pourvoi : n° 232/2016/PC du 26/10/2016
Affaire : Monsieur ESHUN CLEOPAS NATCHIA
(Conseils : SCPA MAR BONNY-ALLEY & Associés, avocats à la Cour)
contre
Société Civile Immobilière BUSINESS CENTER
(SCI BUSINESS CENTER)
(Conseil : Maître Agnès OUANGUI, avocat à la Cour)
Arrêt N° 118/2017 du 11 mai 2017
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Troisième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 11 mai 2017 où étaient présents :
Messieurs Mamadou DEME, Président
Victoriano OBIANG ABOGO, Juge
Idrissa YAYE, Juge, rapporteur
Jean Claude BONZI, Juge
Fodé KANTE, Juge
et Maître Jean Bosco MONBLE, Greffier ;
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 26 octobre 2016 sous le n°232/2016/PC et formé par la SCPA MAR BONNY-ALLEY & Associés, avocats à la cour, dont l’étude est sise à Abidjan Cocody, Jardins de la Riviera, rue de la pharmacie les Elias, angle du pressing Net-Plus, ilot B, villa 396, 05 BP 82 Abidjan 05, agissant au nom et pour le compte de monsieur ESHUN CLEOPAS NATCHIA, commerçant exerçant sous la dénomination commerciale de « RESOLUMENT HOMME », demeurant à Abidjan Cocody les II Plateaux, 08 BP 832 Abidjan 08, dans la cause l’opposant à la société civile immobilière BUSINESS CENTER, ayant son siège social à Abidjan Marcory, boulevard VGE, 01 BP 3747 Abidjan 01, agissant aux poursuites et diligences de son administrateur, monsieur Karim FAKHRY, assisté de maître Agnès OUANGUI, avocat à la cour, demeurant à Abidjan-Plateau, 24, boulevard CLOZEL, immeuble SIPIM, 5ème étage, 01 BP 1306 Abidjan 01, en cassation du jugement n° RG 1289/2016 rendu le 23 juin 2016 par le tribunal de commerce d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en premier et en dernier ressort ;
Rejette l’exception d’irrecevabilité soulevée ;
Déclare Monsieur ESHUN Cleopas Natchia recevable en son action ;
Dit Monsieur ESHUN Cleopas Natchia mal fondé en son action ;
L’en déboute ;
Le condamne aux dépens. » ;
Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation, tels qu’ils figurent dans sa requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de monsieur Idrissa YAYE, Juge ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure que, par acte notarié en date du 20 mai 2008, renouvelé par un avenant du 16 mai 2011, la SCI BUSINESS CENTER a donné à bail à usage commercial à monsieur ESHUN CLEOPAS NATCHIA un local d’une superficie de 34 m2 sis dans la galerie Cap Sud à Abidjan ; qu’après le renouvellement tacite dudit bail le 1er juin 2014, pour une durée de trois ans prenant fin le 1er juin 2017, le bailleur a servi au preneur, par exploit daté du 03 février 2016, un exploit de congé, motif pris de ce qu’il désire reprendre les locaux aux fins de reconstruction et de réhabilitation de la Galerie Cap Sud 3, ledit exploit a indiqué la nature des travaux envisagés à savoir : «
- La démolition des murs et évacuation, la dépose du plafond et de la menuiserie et évacuation, la démolition du carrelage et du dallage et évacuation ;
- Les fouilles pour fondation et la mise en œuvre des fondations, des poteaux, murs de soubassement et élévation ;
- La construction d’une structure en béton armé, d’une charpente métallique, d’une couverture bardage et d’un faux plafond ;
- L’installation de l’électricité, la plomberie, la climatisation et la sécurité incendie ; » ; que le preneur par exploit en date du 14 mars 2016 a contesté le congé donné par le bailleur avant de l’assigner en justice par exploit du 21 mars 2016 ; que le bailleur a assigné le preneur en référé pour obtenir son expulsion se fondant sur les travaux ayant débuté depuis décembre 2015, leur nature et leur importance rendant impossible l’occupation des lieux pour des raisons de sécurité et de santé, ainsi qu’il ressort d’une lettre en date du 28 janvier 2016 du coordinateur sécurité et protection de la santé (SPS), et de ce que tous les locataires ayant reçu congé ont quitté, au fur et à mesure, les lieux lorsque les travaux sont arrivés au niveau de leurs magasins respectifs ; que par ordonnance du 05 avril 2016, n’ayant fait l’objet d’aucun recours, le juge des référés a ordonné l’expulsion du preneur ; que par jugement n° RG 1289/2016 en date du 23 juin 2016, rendu en premier et dernier ressort, dont pourvoi, le tribunal de commerce d’Abidjan a déclaré le preneur, monsieur ESHUN CLEOPAS NATCHIA mal fondé en son action en indemnisation et l’en a débouté ;
Sur le premier moyen en ses deux branches
Attendu que le requérant reproche au jugement querellé la violation des articles 126 alinéa 1er et 127 alinéa 2 et 3, 123, 124 et 125 de l’Acte uniforme portant droit commercial général, motifs pris de ce que les deux parties sont liées par un contrat de bail à durée déterminée régulièrement renouvelé, dont le terme est fixé au 1er juin 2017, qu’un terme ne peut être mis à un tel contrat sans que la SCI BUSINESS CENTER ne lui paie une indemnité d’éviction ; qu’il reproche également au jugement critiqué le non-respect du délai de congé en violation de l’article 125 dudit Acte uniforme ayant abouti à son expulsion par l’intervention du juge des référés avant l’expiration du délai de six mois qui lui a été accordé ; qu’il reproche au juge du fond saisi d’avoir ignoré toutes ces violations en déclarant mal fondé sa contestation et conclut à la cassation du jugement entrepris ;
Mais attendu qu’aux termes des dispositions de l’article 127 « Le bailleur peut s’opposer au droit au renouvellement du bail à durée déterminée ou indéterminée, sans avoir à régler d’indemnité d’éviction, dans les cas suivants :
…2°) s’il envisage de démolir l’immeuble comprenant les lieux loués, et de le reconstruire. Le bailleur doit dans ce cas justifier de la nature et de la description des travaux projetés… » ;
Attendu, en l’espèce, qu’il est constant qu’aux fins de reconstruction et de réhabilitation du local objet du bail, la SCI BUSINESS CENTER a servi à son locataire, en application de l’article 127 de l’Acte uniforme suscité, un exploit de congé contenant le descriptif et la nature des travaux envisagés ; qu’il est également constant que les locaux reconstruits ont la même destination que ceux démolis et qu’à l’issue des travaux, suivant procès-verbal de remise de lettre dressé par huissier de justice le 24 novembre 2016, versé au dossier, le bailleur a fait une offre de réintégration dans un magasin d’une superficie identique à celle initialement occupée ; que le tribunal de commerce d’Abidjan, tirant conséquence, non seulement, de ce que l’expulsion du preneur a été ordonnée par la juridiction des référés par ordonnance non remise en cause, mais aussi, de l’absence de preuve que les locaux reconstruits n’auront pas la même destination, a justement conclu que « le bailleur peut à tout moment dudit contrat et non pas uniquement lors de sa date de renouvellement, donner congé au preneur en se prévalant de justes motifs, et dans ce cas, il ne s’expose pas au paiement d’une indemnité d’éviction au profit du preneur. », faisant ainsi une saine application de l’article 127 en déboutant le requérant de sa demande en indemnisation ; que par ailleurs les dispositions de l’article 125 de l’Acte uniforme précité, dont la violation est alléguée, régissent la durée du congé dans le cas d’un bail à durée indéterminée et n’ont pas vocation à s’appliquer au bail de l’espèce qui est un bail à durée déterminée ; qu’il s’ensuit que le tribunal de commerce d’Abidjan, en statuant comme il l’a fait, ne viole en rien les dispositions sus énoncées ;
Sur le deuxième moyen
Attendu que le requérant reproche à l’arrêt critiqué d’avoir manqué de base légale, en ce que le tribunal de commerce a déclaré mal fondé sa demande de dédommagement au motif qu’il n’a pas rapporté la preuve de la faute commise par la SCI BUSINESS CENTER, alors que selon le moyen, les dommages qui ont résulté de son expulsion sont incontestables et ont fait l’objet d’un procès-verbal de constat ; qu’en ayant décidé le contraire, la décision du tribunal manque de base légale et mérite cassation ;
Mais attendu que le tribunal ayant justement, comme ci-dessus démontré, retenu, d’une part, que le congé servi est parfaitement valable et d’autre part, que l’expulsion du preneur a été ordonnée par une décision de justice non remise en cause, pour rejeter la demande de dommages et intérêts du requérant en l’absence de preuve de la faute commise par la défenderesse, a bien motivé sa décision et n’a en rien commis le grief allégué ; qu’il échet en conséquence de rejeter le pourvoi comme étant mal fondé ;
Attendu que le requérant ayant ainsi succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
En la forme
Déclare recevable le recours ;
Au fond
Le rejette comme mal fondé ;
Condamne le requérant aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier