ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

Première chambre

Audience publique du 29 avril 2010

Pourvoi : n°002/2006/PC du 02 février 2006

Affaire : MAIN D’AFRIQUE CONSTRUCTION Sarl

           (Conseil : Maître  Alfred MINGAS, Avocat à la Cour)

                   contre

        Monsieur DIAZOLA Bernard

           (Conseil : Maître  Thomas N’DRI, Avocat à la Cour)

ARRET N°028/2010 du 29 avril 2010

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A), Première chambre, de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du  29 avril 2010 où étaient présents :

 

Messieurs Jacques M’BOSSO,                  Président

Maïnassara MAIDAGI,              Juge, rapporteur

Biquezil NAMBAK,                  Juge

 

et Maître ASSIEHUE Acka,         Greffier ;

 

Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans sous le n°002/2006/PC du 02 février 2006 et formé par Maître Alfred MINGAS, Avocat à la Cour, demeurant à Pointe-Noire (République du CONGO), BP 1194, agissant au nom et pour le compte de MAIN D’AFRIQUE CONSTRUCTION, société à responsabilité limitée,  dont le siège social est à Pointe-Noire, route de l’Aéroport, face Laitière Auguste, BP 4531, prise en la personne de Monsieur Valentin Magloire Célestin ITOUA, Directeur Général, dans la cause l’opposant à Monsieur DIAZOLA Bernard, commerçant, demeurant à Pointe-Noire, 09, rue Komouo Tié Tié, ayant pour conseil Maître Thomas N’DRI, Avocat à la Cour, demeurant à Cocody, 43, rue de la Canebière, Immeuble JECEDA II, 2ème étage, appartement n°8, 09 BP 2726 Abidjan 09,

 

en cassation de l’Arrêt n°181en date du 04 novembre 2005 rendu par la Cour d’appel de Pointe Noire et dont le dispositif est le suivant :

 

« Statuant publiquement contradictoirement à l’égard de la Société MAIN D’AFRIQUE CONSTRUCTION et par arrêt réputé contradictoire à l’égard de DIAZOLA Bernard, en matière commerciale et en dernier ressort ;

 

EN LA FORME : -Reçoit l’appel

AU FOND

Infirme le Jugement attaqué en ce que les premiers juges ont validé et transformé en saisie exécution, la saisie conservatoire des créances pratiquée par l’intimé sur les créances des sommes d’argent de sa débitrice ;

STATUANT A NOUVEAU

Déclare irrecevable la demande de DIAZOLA Bernard en validation de cette saisie ;

Dit par contre qu’en application de l’article 82 de l’Acte uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution il signifiera au tiers saisi un acte de conversion en saisie attribution ;

Confirme le jugement en ses autres dispositions ;

Condamne la Société MAIN D’AFRIQUE CONSTRUCTION aux dépens » ;

La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;

 

Sur le rapport de Monsieur le Juge Maïnassara MAÏDAGI ;

 

Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

 

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure que Monsieur DIAZOLA Bernard, ancien associé de la société MAIN D’AFRIQUE CONSTRUCTION, se disant créancier de celle-ci de la somme de 26.250.000 F CFA aux termes d’un procès-verbal de conciliation signé le 05 mai 2001 avec son coassocié ITOUA Célestin, avait fait pratiquer une saisie conservatoire portant sur des créances de sa débitrice entre les mains de la société CELTEL suivant exploit en date du 23 avril 2003 de Maître Joachim MITOLO, huissier de justice ; qu’après avoir dénoncé la saisie à sa débitrice, Monsieur DIAZOLA Bernard saisissait le Tribunal de commerce de Pointe-Noire à l’effet d’obtenir un titre exécutoire et la validation de la saisie pratiquée ; que la société MAIN D’AFRIQUE CONSTRUCTION, alléguant que sa dette était de 16.250.000 F CFA et non 26 250.000 F CFA, offrait de la payer en versant dans l’immédiat 5.000.000 F CFA par chèque et le solde par échéancier de 2.812.500 F CFA à compter du 05 septembre 2005 ; que le Tribunal de commerce de Pointe Noire, estimant que la société MAIN D’AFRIQUE CONSTRUCTION n’avait pas respecté les engagements précédemment pris, la condamnait par Jugement n°313 en date du 12 septembre 2003 à payer à Monsieur DIAZOLA Bernard la somme de 20.000.000 F CFA en principal, intérêts et frais, déclarait bonne et valable la saisie conservatoire du 23 avril 2003, la transformait en saisie exécution  et ordonnait l’exécution provisoire de la décision intervenue nonobstant toutes voies de recours ; que sur appel de la société MAIN D’AFRIQUE CONSTRUCTION, la Cour d’appel de Pointe-Noire rendait l’Arrêt en date du 04 novembre 2005 dont pourvoi ;

 

Sur la recevabilité du pourvoi

Vu l’article 28.5 du Règlement de procédure de la Cour de céans ;

Attendu que Monsieur DIAZOLA Bernard, défendeur au pourvoi, soulève in limine litis, dans son mémoire en réponse reçu à la Cour de céans le 24 mars 2010, l’irrecevabilité du présent recours en cassation au motif que ledit recours ne contient aucune élection de domicile au lieu où la Cour a son siège et n’indique pas non plus le nom de la personne qui a consenti à recevoir toutes significations ; que ces omissions constituent des violations du paragraphe 3 de l’article 28 du Règlement de procédure qui doivent être sanctionnées par l’irrecevabilité du recours ;

Attendu qu’aux termes de l’article 28.5 du Règlement de procédure de la Cour de céans « si le recours n’est pas conforme aux conditions fixées au présent article, le Greffier en chef fixe au requérant un délai raisonnable aux fins de régularisation du recours ou de production des pièces mentionnées ci-dessus. A défaut de cette régularisation ou de cette production dans le délai imparti, la Cour décide de la recevabilité du recours. » ;

Attendu, en l’espèce, que par lettre n°169/2006/G5 en date du 11 avril 2006, puis par une autre n°511/2008/G2 en date du 17 novembre 2008, le Greffier en chef de la Cour de céans a tenté de joindre Maître Alfred MINGAS, conseil de la société MAIN D’AFRIQUE CONSTRUCTION, demanderesse au pourvoi, afin de l’inviter à régulariser son recours notamment par l’élection de domicile à Abidjan, siège de la Cour de céans, avec l’indication du nom de la personne qui est autorisée et qui a consenti à recevoir toutes significations ; que les deux correspondances adressées par lettres recommandées avec accusé de réception ne sont pas parvenues au destinataire ; que toutes les diligences prescrites par le Règlement précité ayant été accomplies, il y a lieu d’examiner le présent recours ;

 

Sur le premier moyen

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 77 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution en ce que « l’exploit d’huissier signifié au tiers à savoir la société CELTEL CONGO en date du 23 avril 2003 n’a pas repris en son sein la forme de la société MAIN D’AFRIQUE CONSTRUCTION pourtant connu du créancier poursuivant, un ancien associé ; que les juges du fond du Tribunal de commerce de Pointe-Noire et la Cour d’appel de Pointe Noire sont passés outre l’examen minutieux de l’acte d’huissier qui a omis de mentionner la forme de la société MAIN D’AFRIQUE CONSTRUCTION dans l’exploit servi au tiers ; que les juges d’appel, en confirmant le jugement en ses autres dispositions, ont délibérément violé l’article 77 susindiqué » ;

Mais attendu qu’il ne ressort ni des pièces du dossier, ni de la décision attaquée, que le moyen susindiqué ait été soutenu devant la Cour d’appel de Pointe Noire ; que ledit moyen est donc nouveau et mélangé de fait et de droit ; qu’il échet, en conséquence, de le déclarer irrecevable ;

 

Sur le second moyen

Vu l’article 82 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué « une violation des formes de la procédure : article 82 de l’Acte uniforme portant organisation de procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution » en ce  « qu’il sied de là que les juges de fond n’ont pas à suggérer à l’huissier instrumentaire ce qui est prévu par la loi ; que d’ailleurs en exécutant les termes de son procès-verbal daté du 23 avril 2003, Maître Joachim MITOLO a entrepris de se faire payer par la société CELTEL CONGO, tierce détentrice sans procéder au moyen d’un acte de conversion ; que c’est ainsi qu’il a été libéré entre ses mains la somme de 7.147.937 francs CFA perçue grâce à un chèque de la banque COFIPA n°18003310 libéré par la société CELTEL CONGO ; que l’article 82 précité ne donne aucune mission d’inspiration des juges d’appel à l’huissier instrumentaire défaillant ; qu’en motivant leur arrêt ainsi, les Juges de la Cour d’appel de Pointe-Noire ont violé les dispositions de l’article 82 des Actes Uniformes de l’OHADA portant recouvrement simplifié et voies d’exécution ; que de ce chef, l’arrêt dont pourvoi encourt cassation » ;

Attendu qu’aux termes de l’article 82 de l’Acte uniforme susvisé, « muni d’un titre exécutoire constatant l’existence de sa créance, le créancier signifie au tiers saisi un acte de conversion qui contient, à peine de nullité :

  • les noms, prénoms et domiciles du saisi et du saisissant ou, s’il s’agit de personnes morales, leurs forme, dénomination et siège social ;
  • la référence au procès-verbal de saisie conservatoire ;
  • la copie du titre exécutoire sauf si celui-ci a déjà été communiqué lors de la signification du procès-verbal de saisie, auquel cas il est seulement mentionné ;
  • le décompte distinct de sommes dues en principal, frais et intérêts échus ainsi que l’indication du taux des intérêts ;
  • une demande de paiement des sommes précédemment indiquées à concurrence de celles dont le tiers s’est reconnu ou a été déclaré débiteur.

L’acte informe le tiers que, dans cette limite, la demande entraîne attribution immédiate de la créance saisie au profit du créancier » ;

Attendu, en l’espèce, que la Cour d’appel de Pointe-Noire, en rejetant la demande de conversion de saisie conservatoire en saisie exécution formulée par Monsieur DIAZOLA Bernard a statué en considérant que « les premiers juges, en transformant en saisie exécution, la saisie conservatoire des créances pratiquée par l’intimé, ainsi que le leur demandait ce dernier, ont manifestement ignoré les dispositions de l’article 82 de l’Acte uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution qui dispose que ” Muni d’un titre exécutoire constatant l’existence de sa créance, le créancier signifie au tiers saisi un acte de conversion… ” ; qu’en effet, des termes mêmes de cet article il résulte que, à l’ancienne instance en validité de la saisie conservatoire, dont l’issue était, si la créance était fondée et la saisie régulière, la transformation de la saisie pratiquée en saisie exécution, il a été substitué un simple acte de conversion par lequel la saisie conservatoire de créance est convertie en saisie attribution ; que de sorte, les juges saisis aux fins de délivrer au créancier saisissant un titre exécutoire, n’ont plus,  comme naguère, à valider la saisie et à la transformer en saisie exécutoire ; que dès lors il y a lieu d’infirmer sur ce point le jugement attaqué et, statuant à nouveau, de déclarer irrecevable la demande de l’intimé en validation de la saisie, l’instance en validation de la saisie étant, comme indiqué ci-dessus, substituée par un acte de conversion » ; qu’en statuant comme elle l’a fait et contrairement à ce que soutient la requérante, l’arrêt de la Cour d’appel de Pointe-Noire n’a fait que répondre à une demande formulée par une partie au procès en indiquant ce que dit désormais l’Acte uniforme relativement à la conversion d’une saisie conservatoire en saisie-attribution ; qu’il n’a, par conséquent, pas violé l’article visé au moyen ; qu’il s’ensuit que ledit moyen n’est pas fondé et doit être rejeté ;

Attendu que la société MAIN D’AFRIQUE CONSTRUCTION ayant succombé, il échet de la condamner aux dépens ;

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Rejette le pourvoi formé par la société MAIN D’AFRIQUE CONSTRUCTION ;

La condamne aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

Le Président

Le Greffier