ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Deuxième chambre
Audience publique du 07 juin 2018
Pourvoi : n° 116/2015/PC du 10/07/2015
Affaire : Madame DAVI Philomène MABLE veuve de feu AJAVON
(Conseils : SCPA KAKOU & DOUMBIA, Avocats à la cour)
Contre
Monsieur SAAD CHADI
(Conseil : Maître ASSAMOI Alain Lucien, Avocat à la cour)
Arrêt N° 125/2018 du 07 juin 2018
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 07 juin 2018 où étaient présents :
Messieurs : MamadouDEME, Président,
Victoriano OBIANG ABOGO, Juge,
Idrissa YAYE, Juge ,
Birika Jean Claude BONZI, Juge,
Fodé KANTE, Juge, rapporteur
et Maître Jean-Bosco MONBLE, Greffier,
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 10 juillet 2015 sous le n°116/2015/PC et formé par la SCPA KAKOU & DOUMBIA, Avocats à la Cour, dont l’étude est à Abidjan, Cocody les II Plateaux, Carrefour Duncan, route du Zoo, Entrée de la cité les Lauriers V, Duplex n°1, 16 BP 253 Abidjan 16, agissant au nom et pour le compte de Madame Davi Philomène MABLE veuve de feu AJAVON Armand Samuel, demeurant à Romainville, Saint Denis, 12 bis Boulevard de la Bissière, France, dans la cause l’opposant à Monsieur SAAD CHADI, commerçant, demeurant à Treichville Zone 2, 18 BP 1887 Abidjan 18, ayant pour conseil Maître ASSAMOI Alain Lucien, Avocat à la Cour, demeurant à Cocody Boulevard de France SICOGI 360 Logements Professeurs, Immeuble Charlemagne 1er étage, porte 3,01 BP 2892 Abidjan 01, en cassation de l’Arrêt n°148/15 rendu le 21avril 2015 par la 3ème chambre commerciale de la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :
«PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière commerciale et en dernier ressort ;
En la forme :
Déclare Madame Davi Philomène épouse AJAVON et Monsieur Saad Chadi recevables en leur appel tant principal qu’incident relevé de l’ordonnance n°3652/2014 rendu le 30 décembre 2014 par la juridiction présidentielle du Tribunal de Commerce d’Abidjan ;
Au fond :
Dit Madame Davi Philomène épouse Ajavonmal fondée ;
L’en déboute ;
Dit Monsieur Saad Chadi bien fondé ;
Infirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a débouté Monsieur Saad Chadi de sa demande en payement des loyers entre les mains de la CARPA ;
Statuant à nouveau,
Ordonne le payement des loyers entre les mains de la CARPA ;
Condamne Madame Davi Philomène épouse Ajavon sous astreinte comminatoire de cinquante mille francs (50.000) par jour de retard dans la remise des clés réclamées par Monsieur Saad Chadi ;
Confirme l’ordonnance attaquée pour le surplus de ses dispositions ;
Condamne Madame Davi Philomène épouse Ajavon aux dépens. » ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation, tels qu’ils figurent dans sa requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur Fodé KANTE, Juge ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure que par acte notarié en date du 17 mai 2010, Dame Davi Philomène MABLE veuve de feu AJAVON Armand Samuel a consenti à Messieurs SAAD Chadi et EZZEDINE Zouhair, un bail à usage professionnel pour une durée de 09 ans, sur les locaux d’un immeuble de trois étages comportant huit appartements ; qu’à la suite du retrait de Monsieur EZZEDINE Zouhair du lien contractuel à partir du 08 avril 2013, Monsieur SAAD Chadi a obtenu de Madame Davi Philomène MABLE veuve de feu AJAVON Armand Samuel, de ne conserver que trois appartements pour un loyer annuel de 18.682.000 FCFA, le reste des appartements étant restitué à la bailleresse suivant trois actes intitulés « Protocole d’Accord Irrévocable » datés des 04 et 28 novembre 2013 ; qu’estimant que nonobstant le paiement régulier deses loyers, il subit constamment des troubles dans la jouissance des lieux loués de la part de la fille de la bailleresse, Monsieur SAAD Chadi a par exploit daté du 03 décembre 2014, assigné Madame Davi Philomène MABLE veuve de feu AJAVON Armand Samuel par devant le juge des référés du Tribunal de première instance d’Abidjan aux fins de cessation de ces troubles sous astreinte de 500.000 FCFA par jour de retard, et de donné acte de ce qu’il entend séquestrer les loyers en sa charge, à la CARPA ; que par Ordonnance n°362 rendue le 30 décembre 2014, le juge des référés du Tribunal de première instance d’Abidjan a ordonné à Madame Davi Philomène MABLE, la cessation des troubles dénoncés ; que par Arrêt n°148 en date du 16 janvier 2015, dont pourvoi, la Cour d’appel d’Abidjan réformant partiellement l’ordonnance déférée, a autorisé Monsieur SAAD Chadi à verser les loyers à la CARPA, a assorti d’astreinte comminatoire de cinquante mille (50.000) Francs par jour de retard dans la remise des clés réclamées par celui-ci et l’a confirmée pour le surplus ;
Sur le premier moyen
Attendu que la requérante reproche à l’arrêt entrepris le défaut de base légale en ce que la séquestration des loyers entre les mains de la CARPA a été ordonnée alors, selon le moyen, que la bailleresse n’a jamais refusé d’encaisser les loyers, que le défendeur au pourvoi a lui-même expressément renoncé à la consignation des loyers à la CARPA, et enfin, que le premier juge a refusé de faire droit à une telle demande ;
Mais attendu que pour statuer comme elle l’a fait, la Cour d’appel a retenu « qu’il ressort de l’analyse des faits qu’une atmosphère tendue et délétère s’est installée dans les rapports entre Madame Davi épouse AJAVON et Monsieur SAAD ;
Que pour éviter toutes formes d’agressions mutuelles lors de l’encaissement des loyers, il convient d’ordonner que ceux-ci soient reversés entre les mains de la CARPA ; » ; que ces énonciations ne s’appuyant que sur un moyen de pur fait, échappent au contrôle de la juridiction de cassation ; qu’il y a lieu en conséquence, de rejeter le moyen comme étantmal fondé ;
Sur le deuxième moyen
Attendu que la requérante fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé les dispositions de l’article 133 alinéas 1 et 2 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général, en ce que la cour d’appel l’a condamnée à respecter les clauses et conditions du contrat de bail commercial la liant au défendeur au pourvoi, sous astreinte comminatoire alors, selon le moyen, que les dispositions légales sus visées n’ont pas prévu qu’un locataire ou un bailleur soit condamné sous astreinte comminatoire à respecter ou à exécuter une clause ou une condition d’un contrat de bail commercial ;
Mais attendu que l’article 133 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général visé au moyen, est relatif à la résiliation du bail à usage professionnel alors que dans le cas d’espèce, il s’agit d’une action en cessation de troubles dans la jouissance des lieux loués et en séquestration des loyers ; que de telles actions trouvent leur fondementen l’article 109 du même Acte uniforme selon lequel, « Le bailleur est responsable envers le preneur du trouble de jouissance survenu de son fait, ou du fait de ses ayants-droit ou de ses préposés. » ; qu’ainsi, en affirmant « qu’en outre, il ressort des déclarations de Madame Davi que sa fille Dame AJAVON Brigitte qui loge sur le site et qui ne ferme les grilles que la nuit ne pourrait en aucun cas donner libre accès à ses appartements, au péril de sa vie ;
Que cette déclaration a été confirmée par son mandataire Dame AJAVON Brigitte qui lors de l’exécution de la décision attaquée, a refusé de remettre les clés des grilles d’entrée ainsi qu’il résulte du procès-verbal d’exécution en date du 14 janvier 2015 ;
Qu’il en résulte qu’elle reconnait détenir les clés réclamées par Monsieur SAAD troublant ainsi la jouissance de celui-ci des locaux qu’elle lui a loués ; », la cour d’appel n’a pas fait application de l’article 133 visé au moyen ; qu’elle a au contraire, souverainement apprécié les faits soumis à sa censure et a estimé qu’ils sont constitutifs du trouble de jouissance donnant lieu à condamnation au paiement de dommages et intérêts ; que dès lors, il y a lieu de rejeter ce moyen également comme étant mal fondé ;
Attendu que dame Davi Philomène MABLE veuve de feu AJAVON Armand Samuelayant ainsi succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
En la forme
Déclare recevable le recours ;
Au fond
Le rejette comme mal fondé ;
Condamne la requérante aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier