ARRET N° 002/2001 du 11 octobre 2001
ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Audience Publique du jeudi 11 octobre 2001
Pourvoi n° 001/99/PC du 23 avril 1999
Affaire : LES EPOUX KARNIB
Contre
SOCIETE GENERALE DE BANQUES
EN COTE D’IVOIRE (SGBCI)
ARRET N° 002/2001 du 11 octobre 2001
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A.) a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 11 octobre 2001 où étaient présents :
Messieurs Seydou BA, Président
Jacques M’BOSSO, Premier Vice-Président
Antoine Joachim OLIVEIRA, Second Vice-Président
João Aurigemma CRUZ PINTO, Juge
Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge
Maïnassara MAIDAGI, Juge-rapporteur
Boubacar DICKO, Juge
et Maître Pascal Edouard NGANGA, Greffier en chef ;
Sur le pourvoi formé par les époux KARNIB commerçants demeurant à Abengourou B.P. 866, par l’organe de leur conseil la SCPA WACOUBOUE et BAROAN,en cassation de l’Ordonnance n° 97/99 du 23 février 1999 du Premier Président de la Cour d’Appel d’Abidjan, ordonnance par laquelle, sur requête de la Société Générale de Banques en Côte d’Ivoire 5-7, avenue Joseph ANOMA 01 B.P. 1355 Abidjan 01 et ayant pour conseil la SCPA KONATE, MOISE-BAZIE et KOYO, le Premier Président a ordonné la suspension provisoire des poursuites entreprises en vertu du jugement n°04 rendu le 21 janvier 1999 par le Tribunal de Première Instance d’Abengourou jusqu’à ce qu’il soit statué sur le fond par la Cour d’appel d’Abidjan, jugement par lequel le Tribunal de Première Instance d’Abengourou a statué en ces termes :
« – Homologue le rapport d’expertise de l’expert comptable SALE Kouassi ;
– Déclare les époux KARNIB recevable en leur action ;
– Dit que la créance de la SGBCI à l’égard des époux KARNIB se chiffre à la somme globale de 64.932.604 francs CFA ;
– Condamne la SGBCI à payer aux époux KARNIB la somme totale de 858.486.327 F CFA toutes causes de préjudice confondues ;
– Ordonne l’exécution provisoire à concurrence des sommes allouées au titre du préjudice commercial soit la somme de 683.486.327 F CFA ;
– Dit que les dettes des deux parties se compenseront jusqu’à concurrence de leurs quotités respectives ;
– En conséquence, ordonne la mainlevée des garanties constituées par les époux KARNIB au profit de la SGBCI à savoir :
- une hypothèque en premier rang sur le terrain faisant l’objet du lot n° 23, titre foncier n° 26 de l’Indénié donné le 29 janvier 1982 ;
- une hypothèque sur les droits découlant du permis d’habiter du lot n° 5165, îlot n° 386 plan village d’Abengourou en date du 29 décembre 1980 n° 475/10 ;
- une hypothèque sur le terrain urbain bâti sis à Abengourou lot n° 22 titre foncier n° 25 de l’Indénié et le titre foncier n° 82 de l’Indénié prise le 11 mai 1982.
– Condamne la SGBCI aux entiers dépens ; »
Les requérants invoquent à l’appui de leur pourvoi le moyen unique de cassation tel qu’il figure à la requête annexée au présent Arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Maïnassara MAIDAGI ;
Vu les dispositions des articles 10, 13 et 14 du Traité relatif à l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
SUR LE MOYEN UNIQUE
Vu l’article 32 de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;
Attendu qu’il est fait grief à l’ordonnance attaquée d’avoir suspendu l’exécution provisoire entamée par les requérants du jugement n°04 du 21 janvier 1999 du Tribunal Civil d’Abengourou qui a condamné la Société Générale de Banques en Côte d’Ivoire à leur payer la somme de 683 486 327 F CFA en principal sous réserve des intérêts et frais alors que, selon le pourvoi, d’une part, l’article 32 de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ayant édicté qu’ « à l’exception de l’adjudication des immeubles, l’exécution forcée peut être poursuivie jusqu’à son terme en vertu d’un titre exécutoire par provision. L’exécution est alors poursuivie aux risques du créancier à charge pour celui-ci, si le titre est ultérieurement modifié, de réparer intégralement le préjudice causé par cette exécution sans qu’il y ait lieu de relever de faute de sa part », ledit article ne prévoit par suite aucune dérogation et ne peut se concilier avec l’application des articles 180 et 181 du code de procédure civile ivoirien qui énoncent, en substance, que l’exécution des jugements pour lesquels l’exécution provisoire a été ordonnée, hors des cas ou conditions prévues par la loi, peut être suspendue en vertu de défenses obtenues auprès du Premier Président de la Cour d’Appel ; ce magistrat pouvant alors seul ordonner qu’il soit sursis à l’exécution des jugements frappés d’appel ou des ordonnances de référé lorsque cette exécution est de nature à troubler l’ordre public ou doit entraîner un préjudice irréparable ou des conséquences manifestement excessives ; alors que, d’autre part, l’article 10 du Traité relatif à l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique ayant édicté que « les Actes Uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les Etats Parties nonobstant toute disposition contraire de droit interne, antérieure ou postérieure », les Juges ivoiriens ne peuvent plus, sans violer cette disposition, faire application des articles 180 et 181 précités au titulaire d’un titre exécutoire par provision qui a entamé l’exécution, l’article 32 de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution n’autorisant aucune interruption de l’exécution ; la seule condition qui reste posée étant celle, par le titulaire d’un titre exécutoire par provision, d’assumer ses responsabilités si le titre concerné était postérieurement modifié ; qu’en statuant comme il l’a fait le Premier Président de la Cour d’Appel d’Abidjan a violé les textes susvisés ;
Attendu que l’Ordonnance n° 97/99 du 23 février 1999 du Premier Président de la Cour d’Appel d’Abidjan a eu pour effet de suspendre l’exécution forcée entamée par les requérants, lesquels ont, par acte d’huissier en date du 04 février 1999, signifié le jugement n° 04 du 21 janvier 1999 du Tribunal Civil d’Abengourou et fait commandement à la Société Générale de Banques en COTE D’IVOIRE d’avoir dans les 24 heures pour tout délai, à verser la somme de 683.486.327 F CFA en principal sous réserve des intérêts et frais ; que ladite ordonnance ayant une incidence sur l’exécution d’une décision de justice, c’est à bon droit que les requérants ont saisi la Cour de céans ;
Attendu qu’aux termes de l’article 32 de l’Acte Uniforme susvisé « à l’exception de l’adjudication des immeubles, l’exécution forcée peut être poursuivie jusqu’à son terme en vertu d’un titre exécutoire par provision. L’exécution est alors poursuivie aux risques du créancier, à charge pour celui-ci, si le titre est ultérieurement modifié, de réparer intégralement le préjudice causé par cette exécution sans qu’il y ait lieu de relever de faute de sa part » ; qu’en application de l’article 10 du Traité relatif à l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique, cette disposition est directement applicable et obligatoire en Côte d’Ivoire, Etat Partie audit Traité, nonobstant toute disposition contraire de droit interne, antérieure ou postérieure ;
Attendu que les requérants avaient entamé l’exécution forcée en vertu du Jugement n° 4 rendu le 21 janvier 1999 par le Tribunal de Première Instance d’Abengourou ; que cette exécution ne concernait pas l’adjudication d’immeubles ;
Attendu que l’ordonnance attaquée, qui a eu pour effet de suspendre l’exécution forcée entreprise sur l’unique fondement des dispositions des articles 180 et 181 du Code de procédure civile ivoirien a, dès lors, violé l’article 32 de l’Acte Uniforme susvisé et encourt de ce fait la cassation ;
Attendu qu’il échet, en conséquence, d’annuler ladite ordonnance et d’autoriser les requérants à poursuivre l’exécution entreprise ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Casse et annule l’Ordonnance n° 97/99 du 23 février 1999 du Premier Président de la Cour d’Appel d’Abidjan ;
Dit et juge que l’exécution forcée entreprise pourra être poursuivie jusqu’à son terme ;
Condamne la défenderesse aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier en chef