ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Première chambre
Audience publique du 31 mai 2007
Pourvoi : n° 009/2004/PC du 12 février 2004
Affaire : 1) KINDA Augustin Joseph
2) Maître TE BIEGNAND André Marie
(Conseils: SCPA KAKOU & DOUMBIA, Avocats à la Cour)
contre
Dame KONE Fatoumata
ARRET N° 022/2007 du 31 mai 2007
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A), Première chambre, de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 31 mai 2007 où étaient présents :
Messieurs Jacques M’BOSSO, Président
Maïnassara MAIDAGI, Juge
Biquezil NAMBAK, Juge, rapporteur
et Maître ASSIEHUE Acka, Greffier ;
Sur le pourvoi enregistré le 12 février 2004 au greffe de la Cour de céans sous le n° 009/2004/PC et formé par la SCPA KAKOU & DOUMBIA, Avocats à la Cour, demeurant au 77, Boulevard de France, Cocody Saint Jean, villa duplex n° 13, 16 B.P. 153 Abidjan 16, agissant au nom et pour le compte de KINDA Augustin Joseph et Maître TE BIEGNAND André Marie, dans une cause les opposant à Dame KONE Fatoumata, de nationalité ivoirienne, commerçante, demeurant à Abidjan-Marcory, GFCI, lot n° 2215, 19 B.P.815 Abidjan 19, en cassation de l’Arrêt n° 1164 rendu le 24 octobre 2003 par la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :
« EN LA FORME :
Déclare KINDA AUGUSTIN et TE BIEGNAND recevables en leur appel relevé de l’ordonnance de référé n° 3966 du 29 Août 2003 de la Juridiction Présidentielle du Tribunal de Première Instance d’Abidjan ;
AU FOND :
Annule ladite ordonnance pour violation des dispositions combinées des articles 226 et 142 du code de procédure civile ;
Evoquant :
Déclare dame KONE FATOUMATA bien fondée en sa demande ;
Fait injonction à KINDA AUGUSTIN et Maître TE BIEGNAND de permettre à dame KONE FATOUMATA de récupérer ses biens restés dans l’enceinte de l’Hôtel HIBISCUS sous astreinte comminatoire de 500.000 F par jour de retard à compter de notification du présent arrêt ;
Condamne les appelants aux dépens. » ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Biquezil NAMBAK ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu que la signification du recours en cassation faite à dame KONE Fatoumata par le Greffier en chef de la Cour de céans par lettre n° 631/2004/G5 en date du 22 décembre 2004 n’a pas été suivie du dépôt au greffe dans le délai de trois mois prévu à l’article 30 du Règlement de procédure de ladite Cour de mémoire en réponse ; que le principe du contradictoire ayant été respecté, il y a lieu d’examiner ledit recours ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que suite à une demande d’expulsion initiée par KINDA Augustin Joseph, la juridiction présidentielle du Tribunal de première instance d’Abidjan avait, par Ordonnance n°5831 du 30 décembre 1998, ordonné l’expulsion de dame KONE Fatoumata pour non paiement des loyers ; que sur appel de dame KONE Fatoumata, la Cour d’appel d’Abidjan confirmait l’ordonnance entreprise par Arrêt n°342 du 23 mars 1999 ; que sur pourvoi formé par dame KONE Fatoumata devant la Cour de céans, celle-ci avait, par Arrêt n°006/2003 du 24 avril 2003, rejeté ledit pourvoi ; qu’après signification dudit arrêt, Maître TE BIEGNAND André Marie, huissier de justice à Abidjan, avait procédé à l’expulsion de dame KONE Fatoumata des lieux loués ; que sur assignation de dame KONE Fatoumata, la juridiction présidentielle du Tribunal de première instance d’Abidjan avait, par Ordonnance n°3966 du 29 août 2003, fait injonction à KINDA Augustin Joseph et Maître TE BIEGNAND d’avoir à permettre à cette dernière de récupérer ses biens demeurés dans l’enceinte de l’hôtel HIBISCUS lors de son expulsion ; que sur appel des condamnés, la Cour d’appel d’Abidjan avait, par Arrêt n°1164 rendu le 24 octobre 2003 et dont pourvoi, infirmé l’ordonnance susvisée et statuant à nouveau, fait injonction à KINDA Augustin Joseph et Maître TE BIEGNAND de permettre à dame KONE Fatoumata de récupérer ses biens restés dans l’enceinte de l’hôtel HIBISCUS sous astreinte comminatoire de 500. 000 FCFA par jour de retard ;
Sur le premier moyen
Vu les articles 41 et 42 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés ;
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué la violation des articles 41 et 42 de l’Acte uniforme susvisé en ce que la Cour d’appel d’Abidjan a infirmé l’ordonnance querellée au motif que KINDA Augustin ne justifiait d’aucun titre de créance pour réaliser son droit de rétention alors que, selon le moyen, lesdits articles lui conféraient le droit de retenir les biens de dame KONE Fatoumata, débitrice de la somme de 89.800.000 FCFA représentant les loyers échus et impayés ; qu’en décidant comme elle l’a fait, alors que sa créance de loyers ne souffre d’aucun doute surtout qu’elle est matérialisée par le contrat de bail liant les parties et confortée par les différentes décisions rendues par la juridiction présidentielle du Tribunal de première instance d’Abidjan et la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, la Cour d’appel d’Abidjan a erré dans l’application des dispositions des articles précités et exposé son arrêt à la cassation ;
Attendu que les articles 41 et 42 de l’Acte uniforme susvisé disposent respectivement que « le créancier qui détient légitimement un bien du débiteur peut le retenir jusqu’à complet paiement de ce qui lui est dû, indépendamment de toute autre sûreté » et « le droit de rétention ne peut s’exercer que :
– avant toute saisie ;
– si la créance est certaine, liquide et exigible ;
– s’il existe un lien de connexité entre la naissance de la créance et la chose retenue.
La connexité est réputée établie si la détention de la chose et la créance sont la conséquence de relations d’affaires entre le créancier et le débiteur… » ;
Attendu qu’il s’induit des dispositions susénoncées que l’exercice du droit de rétention est subordonné notamment à l’existence d’une créance certaine, liquide et exigible ; qu’en l’espèce, pour rejeter l’argument de droit de retenir les biens de dame KONE Fatoumata restés dans l’enceinte de l’hôtel HIBISCUS avancé par les demandeurs au pourvoi, la Cour d’appel d’Abidjan relève que « KINDA Augustin se prétendant créancier de dame KONE FATOUMATA ne justifie d’aucun titre de créance pour réaliser son droit de rétention » ; qu’en statuant ainsi, à partir d’une saine appréciation des pièces du dossier, la Cour d’appel d’Abidjan n’a en rien violé les dispositions des articles 41 et 42 de l’Acte uniforme susvisé ; qu’il suit que ce premier moyen n’est pas fondé et doit être rejeté ;
Sur le second moyen
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué un défaut de base légale résultant de l’insuffisance des motifs en ce que la Cour d’appel d’Abidjan a suivi à tort la partie adverse pour tirer argument d’une erreur contenue dans le contrat de bail pour affirmer que tout le mobilier, la climatisation, la ligne d’installation téléphonique appartiennent au preneur, alors qu’il est constant que lors de son entrée en jouissance des lieux, ces installations s’y trouvaient déjà et d’ailleurs, dame KONE Fatoumata ne peut produire aucun document attestant de la véracité de ses prétentions quant à cet équipement ; que tant avant que pendant son expulsion, dame KONE Fatoumata a fait emporter l’essentiel de tous les biens meublant l’hôtel ; qu’en fondant donc sa décision sur le fait que dame KONE Fatoumata aurait produit différentes factures sans tenir compte de ce que le préposé de celle-ci a emporté plusieurs effets ainsi que d’autres personnes agissant pour son compte, la Cour d’appel d’Abidjan n’a pas donné de base légale à sa décision et encourt de ce fait cassation ;
Mais attendu que contrairement à cet argumentaire, en relevant que « les appelants ne peuvent valablement soutenir que dame KONE n’est pas propriétaire des biens meublant l’hôtel loué alors même que cela ressort du contrat de bail les liant » et que « mieux dame KONE produit différentes factures attestant de la réalité de ses prétentions », la Cour d’appel d’Abidjan a suffisamment motivé sa décision et donné une base légale à celle-ci ; qu’il suit que ce second moyen n’est pas davantage fondé et doit être rejeté ;
Attendu que Monsieur KINDA Augustin Joseph et Maître TE BIEGNAND André Marie ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Rejette le pourvoi formé par Monsieur KINDA Augustin Joseph et Maître TE BIEGNAND André Marie ;
Les condamne aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier