ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

Deuxième Chambre          

Audience publique du 15 mars 2007

Pourvoi n° : 087/2003/PC du 23/10/2003

Affaire : Fonds Ivoiro-Suisse de Développement Economique

                et Social dit FISDES

              (Conseil : Maître VAFFI Chérif, Avocat à la Cour)

                   contre

              La Société CORECA

                     (Conseil : Maître Georges Patrick VIEIRA, Avocat à la Cour)

ARRET N°008/2007 du 15 mars 2007

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), Deuxième Chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 15 mars 2007 où étaient présents :

 

Messieurs Antoine Joachim OLIVEIRA,   Président

Doumssinrinmbaye BAHDJE,               Juge

Boubacar DICKO,                               Juge, Rapporteur

Et Maître       ASSIEHUE Acka,           Greffier ;

 

Sur le renvoi en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique devant la Cour de céans de l’affaire Fonds Ivoiro-Suisse de Développement Economique et Social dit FISDES contre la Société CORECA par Arrêt n°741/02 du 12 décembre 2002 de la Cour Suprême de COTE D’IVOIRE, Chambre judiciaire, Formation Civile, saisie d’un pourvoi initié le 30 octobre 2001 par Maître VAFFI CHERIF, Avocat à la Cour, demeurant à Abidjan, résidence Roume sise 17, boulevard Roume, 1er étage, porte 12, 08 BP 1098 Abidjan 08, agissant au nom et pour le compte du Fonds Ivoiro-Suisse de Développement Economique et Social dit FISDES, sis à Abidjan, immeuble de France, 01 BP 1914 Abidjan 01, dans la cause qui l’oppose à la Société CORECA, demeurant à Abidjan, rue des Jardins, n°91, lot 2469, îlot 212 Deux-Plateaux, 17 BP 289 Abidjan 17, ayant pour conseil Maître VIEIRA Georges Patrick, Avocat à la Cour, demeurant à Abidjan, 3, rue des Fromagers, Plateau-Indénié, 01 BP V 159 Abidjan 01, enregistré sous le n°087/2003/PC du 23 octobre 2003, en cassation de l’Arrêt n°1066 rendu le 27 juillet 2001 par la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :

 

« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et commerciale et en dernier ressort après conclusions écrites du Ministère public en date du 26 juin 2000 ;

 

En la forme : Vu l’Arrêt n°598 du 18 mai 2001 ayant déclaré recevable l’appel de la Société CORECA ;

 

Au fond : Déclare la Société CORECA bien fondée en son appel ;

Infirme le jugement entrepris ;

 

Rétracte l’Ordonnance d’injonction de payer n°6063/2000 rendue le 20 septembre 2000 par le Président du Tribunal de première instance d’Abidjan ;

 

Condamne l’intimé aux dépens. » ;

 

Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi les quatre  moyens de cassation tels qu’ils figurent dans son mémoire en cassation annexé au présent arrêt ;

 

Sur le rapport de Monsieur le Juge Boubacar DICKO ;

 

Vu les articles 13, 14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

 

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que suite à des relations d’affaires entre le FISDES et la Société USICAF, cette dernière devait effectuer un paiement au profit du premier ; que dans ce cadre, elle endossait en sa faveur une lettre de change d’une valeur de 100.000.000 de francs CFA et dont les mentions révèlent qu’elle a été tirée et acceptée par la Société CORECA ; qu’à l’échéance dudit effet, le 26 juillet 2000, la lettre de change, présentée à la Société Ivoirienne de Banque dite SIB, pour encaissement, est revenue impayée ; que fort de ce constat, le FISDES donnait avis de ce défaut de paiement à son endosseur, la Société USICAF qui, par courrier en date du 14 août 2000, l’incitait à poursuivre le paiement de la traite litigieuse ; que le FISDES commettait alors un huissier de justice à l’effet de dresser protêt de ladite traite auprès de la SIB, établissement abritant le compte bancaire de la Société CORECA ; qu’après un premier exploit en date du 22 août 2000 à elle servi et demeuré infructueux, la SIB consentait, sous la menace d’une procédure de difficultés d’exécution, à l’établissement dudit protêt et, ce, après réception d’un deuxième exploit en date du 29 août 2000 ; qu’ainsi, sur la base de cette traite protestée, par requête aux fins d’injonction de payer en date du 20 septembre 2000, le FISDES saisissait le Président du Tribunal de première instance d’Abidjan à l’effet de « condamner  solidairement la Société CORECA et la Société USICAF à lui payer la somme de 100.953.885 francs CFA en principal, outre les frais et intérêts de droit » ; que par Ordonnance d’injonction de payer n°6063/2000 en date du 20 septembre 2000, le Président du Tribunal de première instance d’Abidjan faisait  droit à cette demande ; que la Société CORECA, ayant été signifiée de ladite ordonnance par exploit en date du 26 septembre 2000, formait opposition contre elle devant le Tribunal de première instance d’Abidjan ; que par Jugement n°55/1ère du 22 mars 2001, ledit Tribunal déclarait « l’opposition recevable mais mal fondée », restituait à l’Ordonnance d’injonction de payer n°6063/2000  du 20 septembre 2000 « son plein et entier effet » et condamnait la Société CORECA aux entiers dépens ; que sur appel de cette dernière, par Arrêt n°1066 en date du 27 juillet 2001, la Cour d’appel d’Abidjan infirmait le Jugement n°55/1ère du 22 mars 2001 et rétractait l’ordonnance d’injonction de payer susvisée ; que le FISDES, par exploit en date du 30 octobre 2001, formait un pourvoi en cassation contre l’arrêt précité devant la Cour Suprême de COTE D’IVOIRE ; que par Arrêt n°781/02 rendu le 12 décembre 2002, ladite Cour se dessaisissait du dossier de la procédure au profit de la Cour de céans ;

 

Sur les quatre moyens réunis

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé les articles 115, 116, 121, 128 et 147 alinéa 4 de la loi ivoirienne n°97-518 du 4 septembre 1997 relative aux instruments de paiement : chèque, carte de paiement, lettre de change, billet à ordre et les articles 1er et 2 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution en ce qu’il est constant, d’une part, selon le requérant, qu’il résulte des pièces produites aux débats que la créance du FISDES qui résultait d’une lettre de change revenue impayée et de surcroît protestée est certaine, liquide et exigible ; qu’en lui déniant ces caractères, l’arrêt attaqué a erré et fait une mauvaise application des dispositions de l’article 1er de l’Acte uniforme précité et encourt par suite la cassation ; d’autre part, toujours selon le requérant, la lettre de change étant par définition un effet de commerce, il résulte de l’article 2 alinéa 2 de l’Acte uniforme précité que la procédure d’injonction de payer peut être introduite dès lors que l’engagement résulte de l’émission ou de l’acceptation de tout effet de commerce ou d’un chèque dont la provision s’est révélée inexistante ou insuffisante ; que ce texte ne précise nulle part si le bénéficiaire de l’effet de commerce est un porteur négligent ou pas, pas plus qu’il ne précise si ce bénéficiaire a ou non perdu son recours cambiaire ; qu’il suffit, dit le texte, que la créance dont le paiement est réclamé résulte de l’émission ou de l’acceptation de tout effet de commerce dont la provision s’est révélée inexistante ou insuffisante ; que dans le cas d’espèce, la Société CORECA a bel et bien émis et accepté un effet de commerce, en l’occurrence la lettre de change d’un montant de 100.000.000 francs CFA, qui est revenue impayée ce qui signifie que sa provision s’est révélée insuffisante ou inexistante ; que la preuve de l’inexistence ou de l’insuffisance de la provision a été établie par protêt et peu importe, comme cela résulte de la loi n°97-518 précitée, que ledit protêt ait été fait dans le délai ou hors délai ; que c’est le lieu de rappeler que l’acceptation, en matière de lettre de change, est l’engagement pris par le tiré de payer la traite à l’échéance ; que cet engagement résulte de la signature que le tiré a apposé sur le titre et l’acceptation fait présumer qu’il y a une provision ; que l’article 128 de la loi n°97-518 du 4 septembre 1997 précise que l’accepteur s’oblige à payer la lettre de change à l’échéance et qu’à défaut, le porteur a une action directe contre l’accepteur ; que la Société CORECA étant tiré, tireur et accepteur, la créance du FISDES à l’encontre des Sociétés CORECA et USICAF remplie donc parfaitement les conditions de l’article 2 alinéa 2 de l’Acte uniforme précité ; que l’arrêt attaqué, en introduisant la notion de « porteur négligent » et en prétendant déchoir le FISDES de son recours cambiaire, là où la loi ne l’a pas prévu, a violé ou commis une erreur dans l’interprétation ou l’application dudit article et ce d’autant que la Société CORECA est le tireur, le tiré et le tiré accepteur de la traite litigieuse ; que pour cette violation qui se suffit à elle-même sans qu’il soit besoin de rechercher une autre violation de la loi, l’arrêt attaqué mérite la sanction de la cassation ;

 

Mais attendu en l’espèce que pour infirmer le Jugement n°55/1ère rendu le 22 avril 2001 par le Tribunal de première instance d’Abidjan, lequel avait restitué à l’Ordonnance d’injonction de payer n°6063/2000 rendue le 20 septembre 2000 par le Président dudit Tribunal et qui condamnait solidairement la Société CORECA et la Société USICAF à payer au FISDES la somme de 100.953.885 francs CFA en principal, outre les frais et intérêts, son plein et entier effet, la Cour d’appel a, en substance, énoncé « que la traite litigieuse dont se prévaut le FISDES avait pour échéance le 26 juillet 2000 ; qu’il résulte des dispositions de l’article 147 alinéa 4 de la loi ivoirienne n°97-518 du 04 septembre 1997 que le protêt faute de paiement d’une traite doit être dressé l’un des deux jours ouvrables qui suivent l’échéance ; qu’en l’espèce, le FISDES n’a fait dresser protêt faute de paiement que le 29 août 2000, soit hors le délai prescrit par la loi… que dès lors, le FISDES, devenu porteur négligent de la traite, a perdu son recours cambiaire contre la Société CORECA… qu’il résulte de ce qui précède que le caractère certain, liquide et exigible de la créance du FISDES à l’égard de la société CORECA n’est pas établi… » ; qu’en statuant ainsi et en déduisant de l’interprétation exclusive des dispositions légales internes régissant les effets de commerce des éléments et des circonstances affectant la validité et la régularité de la lettre de change litigieuse, la Cour d’appel a pu conclure, sans violer les prescriptions des articles 1er et 2 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, que la créance du FISDES à l’égard de la Société CORECA, matérialisée et portée par ladite lettre de change n’est pas certaine, liquide et exigible ; d’où il suit que le pourvoi n’est pas fondé et doit être rejeté ;

 

Attendu que le FISDES ayant succombé, doit être condamné aux dépens.

        

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Rejette le pourvoi formé par le Fonds Ivoiro-Suisse de Développement Economique et Social dit FISDES contre l’Arrêt n°1066 rendu le 27 juillet 2001 par la Cour d’appel d’Abidjan ;

Le condamne aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

 

Le Président 

Le Greffier