ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Deuxième chambre
Audience Publique du 23 février 2017
Pourvoi : n°078/2013/PC du 12/06/2013
Affaire : ECOBANK-MALI
(Conseil : Maître Issaka KEITA, Avocat à la Cour)
Contre
- Office Malien de l’Habitat
(Conseil : Maître Mamadou SYLLA, Avocat à la Cour)
- La Société Immobilière Franco-Africaine
(Conseil : Maître L.A. TRAORE, Avocat à la Cour)
Arrêt N° 017/2017 du 23 février 2017
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 23 février 2017 où étaient présents :
Messieurs Abdoulaye Issoufi TOURE, Président,
Namuano Francisco DIAS GOMES, Juge,
Djimasna N’DONINGAR, Juge,
KOUA DIEHI Vincent, Juge,
ONDO MVE César Apollinaire, Juge, Rapporteur
et Maître Jean Bosco MONBLE, Greffier,
Sur le pourvoi enregistré au greffe à la Cour de céans le 12 juin 2013 sous le n°078/2013/PC et formé par Maître Issaka KEITA, Avocat à la Cour, 23, Rue 25 cité du Niger, BP 3189 Bamako, au nom et pour le compte de la Société ECOBANK-MALI dont le siège social est à Bamako, Immeuble Investrim SA, route du Farako, quartier du fleuve, place de la nation, BP E 1272, agissant par son représentant légal, dans la cause qui l’oppose, d’une part, à l’Office Malien d’Habitat (OMH), Etablissement public à caractère administratif sis à Darsalam, BP E 24 Bamako, ayant pour conseil Maître Mamadou SYLLA, Avocat à la Cour, Immeuble Ben Hamoud, Avenue de la nation, porte 893, BP 2107 Bamako, et, d’autre part, à la société Immobilière Franco-Africaine (IFA-BACO. SA), dont le siège social est au 425, Avenue de l’Yser, quartier du fleuve, BP 1271 Bamako, agissant par son représentant légal, ayant pour conseil Maîtres Louis Auguste TRAORE et Jean De Quinte SANOU, Avocats à la Cour, quartier du fleuve porte 466, Rue 310, BP 1573 Bamako,en cassation de l’Arrêt n°55 en date du 15 février 2013 rendu par la Cour d’appel de Bamako, dont le dispositif est libellé ainsi qu’il suit :
« PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, contradictoirement en matière de référé et en dernier ressort ;
En la forme : Reçoit le contredit ;
Au Fond : le déclare bien-fondé ;
Annule l’ordonnance entreprise ;
Statuant à nouveau :
Déclare le juge des référés compétent ;
Annule le commandement aux fins de saisie-immobilière en date du 21 août 2012 servi par ECOBANK-SA ;
Met les dépens à la charge de ECOBANK-SA » ;
La demanderesse invoque à l’appui de son recours les trois moyens de cassation tels qu’ils figurent dans sa requête annexée au présent Arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur César Apollinaire ONDO MVE, Juge ;
Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que pour avoir remboursement des sommes dues en vertu d’un prêt en date du 04 novembre 2008, la société ECOBANK-MALI a, suivant exploit d’huissier du 21 août 2012, fait commandement aux fins de saisie immobilière sur les titres fonciers à lui donnés en garantie et appartenant à la société IFA-BACO SA; qu’estimant détenir des droits sur ces immeubles, l’Office Malien de l’Habitat (OMH) a contesté le commandement devant le juge des référés du Tribunal de première instance de la Commune IV du District de Bamako qui s’est déclaré incompétent par une ordonnance n°911 du 29 octobre 2012, objet d’un contredit devant la Cour d’appel de Bamako par l’OMH; que poursuivant la procédure de saisie, la société ECOBANK-MALI a sommé la société IFA-BACO SA, débitrice principale, ainsi que les détenteurs, de prendre connaissance du cahier des charges déposé au greffe de la juridiction compétente; que les dires déposés par l’OMH ont été rejetés par jugement n°307 rendu le 17 décembre 2012 à l’audience éventuelle par le Tribunal qui a fixé l’audience d’adjudication au 04 février 2013 ; que l’appel interjeté par l’OMH contre ledit jugement a été déclaré irrecevable par un Arrêt n°56 du 15 février 2013 de la Cour d’appel de Bamako ; que par ailleurs, l’OMH a saisi le juge des référés du Tribunal de première instance de la Commune IV du District de Bamako d’une demande en distraction de biens saisis qui a été rejetée suivant une ordonnance n°83 en date du 31 janvier 2013 ; que cependant, alors que toutes les formalités de publicité en vue de l’audience d’adjudication du 04 février 2013 avaient déjà été accomplies, la Cour d’appel de Bamako, vidant sa saisine sur le contredit à l’ordonnance n°911 susvisée, a rendu l’Arrêt objet du présent pourvoi ;
Sur la compétence de la Cour
Attendu que dans son mémoire en réponse reçu le 19 novembre 2013, l’OMH soutient que le présent recours n’entre pas dans la compétence de la CCJA, l’ordonnance de référé du 29 octobre 2012 et l’Arrêt attaqué n’ayant appliqué que des textes du droit national, à savoir les articles 85, 88, 95 et 491 et suivants du Code de procédure civile commerciale et sociale du Mali ; qu’il soulève l’incompétence de la Cour de céans, en application des dispositions de l’article 14 du Traité de l’OHADA ;
Attendu cependant que selon l’alinéa 3 de l’article 14 susvisé, « la Cour se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d’appel des Etats parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des Actes uniformes et des règlements prévus au présent Traité, à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales » ; qu’en l’espèce, il résulte des différentes pièces du dossier de la procédure que l’objet du litige est relatif à l’annulation d’un commandement en matière de saisie immobilière ; qu’il échet pour la Cour de se déclarer compétente ;
Sur la troisième branche du premier moyen tirée de la violation des
dispositions des articles 223 et 202 de l’Acte uniforme portant organisation des suretés.
Attendu qu’il est fait grief à l’Arrêt attaqué d’avoir annulé l’ordonnance entreprise et le commandement aux fins de saisie immobilière du 21 août 2012 aux motifs que l’OMH aurait payé le prix des 26 titres fonciers en vertu de son accord conclu avec la société IFA-BACO relatif aux 71 logements litigieux, alors qu’en initiant la saisie, ECOBANK-MALI a exercé son droit de suite résultant de l’article 223 de l’Acte uniforme susvisé relativement à l’hypothèque dont elle est titulaire ; que l’accord invoqué par l’OMH, en plus de violer les règles de la publicité des droits réels immobiliers prescrites par les articles 173 et suivants du Code domanial et foncier du Mali, en ce qu’il ne contient aucune « désignation de numéro du titre foncier » d’un des immeubles saisis, ne peut ni affecter les obligations souscrites par la société IFA-BACO vis-à-vis de la requérante, ni conférer à l’OMH des droits sur des logements objet d’une hypothèque ayant vocation à garantir la totalité de la créance contractée ; que l’OMH ne justifiant donc d’aucun droit réel immobilier régulièrement publié, la Cour d’appel de Bamako, en statuant comme elle l’a fait, a, selon le moyen, méconnu les textes susvisés et exposé sa décision à la cassation ;
Attendu qu’en l’espèce, il est constant comme résultant de l’acte établi le 04 novembre 2008 par Maître Deme COULIABLY, Notaire à Bamako, régulièrement enregistré aux Domaines le 05 novembre 2008, qu’en garantie du remboursement du montant des obligations par elle contractées, la société IFA BACO a consenti à l’inscription d’hypothèque de premier rang et sans concurrence sur les immeubles litigieux, dont la radiation n’est pas rapportée, au profit de la société ECOBANK-MALI ; que celle-ci peut alors, en vertu du droit de suite de l’article 223 de l’Acte uniforme portant organisation des suretés, poursuivre ses droits sur les biens grevés, en quelques mains qu’ils se trouvent ; qu’il s’ensuit que la Cour d’appel de Bamako, en justifiant le transfert en faveur de l’OMH par le simple paiement du prix sans se référer à la publicité requise en cette matière, a enfreint au droit de suite de la société ECOBANK-MALI et fait encourir la cassation à sa décision, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens ;
Qu’il y a lieu par conséquent d’évoquer ;
Sur l’évocation
Attendu que par actes du 29 octobre 2012 et du 31 novembre 2012, l’OMH a formé un contredit contre l’ordonnance n°911 du 29 octobre 2012 rendue par le juge des référés du Tribunal de première instance de la Commune IV du District de Bamako, dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en premier ressort ;
Recevons l’Office Malien de l’Habitat (OMH) en sa demande ;
Au fond : disons qu’il n’y a pas lieu d’ordonner la mesure sollicitée qui dépasse les pouvoirs du juge des référés (…) » ;
Attendu qu’il demande l’infirmation de ladite décision et l’annulation du commandement aux fins de saisie immobilière en date du 21 août 2012 ; qu’il expose qu’en violation des dispositions de l’article 254 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, ledit commandement n’a été signifié ni à lui-même, ni aux personnes qui habitent les immeubles, mais uniquement à la société IFA-BACO SA, alors que les biens saisis sont devenus sa propriété à la suite d’un accord de partenariat conclu avec la société IFA-BACO SA, en vertu duquel il a dû payer le prix des maisons construites par cette dernière, pour le compte de leurs occupants ; que la société IFA-BACO SA n’étant donc plus la propriétaire des titres fonciers formant l’assiette de la saisie, c’est à tort que le commandement querellé lui a été signifié ;
Attendu qu’en réplique, ECOBANK-MALI sollicite la confirmation de la décision entreprise, en faisant observer qu’il s’agit d’une procédure d’expropriation forcée relevant de la compétence du juge de l’exécution en matière immobilière, et que l’OMH sollicite la distraction des titres fonciers dont aucun ne porte son nom, alors que la créance justifiant la saisie contre la société IFA-BACO SA est matérialisée par un titre exécutoire ;
Attendu que le contredit a été régulièrement formé et est recevable ;
Attendu au fond que, pour décliner sa compétence, le premier juge énonce au visa des articles 270 et 272 de l’Acte uniforme portant organisation des procédure simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, qu’« en matière de saisie immobilière, les dires et observations qui auraient été formulés contre le commandement aux fins de saisie immobilière et le cahier des charges, sont jugés d’urgence par le juge des criées lors de l’audience éventuelle (…) ; que toute contestation née de la procédure de saisie ou qui s’y réfère directement et qui est de nature à exercer une influence immédiate et directe sur cette procédure est un incident de saisie immobilière et doit être ramenée devant le juge naturel de la saisie dans le but d’aboutir à une unité et une rapidité de procédure (…) ; que dans ces conditions, toute demande d’annulation du commandement aux fins de saisie immobilière influe sur la procédure de saisie immobilière déjà entamée, et par conséquent dépasse légalement les pouvoirs du juge des référés, lequel ne peut préjudicier au fond » ; qu’en se déterminant ainsi, le premier juge a fait une bonne appréciation des faits et une saine application de la loi ; que sa décision mérite alors d’être confirmée en toutes ses dispositions, par le rejet du contredit ;
Attendu que l’OMH ayant succombé, il convient de le condamner aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Reçoit la société ECOBANK-MALI SA en son pourvoi ;
Casse et annule l’Arrêt n°55 rendu le 15 février 2013 par la Cour d’appel de Bamako ;
Evoquant et statuant à nouveau :
Reçoit en la forme le contredit formé par l’Office Malien de l’Habitat ;
L’y dit mal fondé et le rejette ;
Confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
Condamne l’Office Malien de l’Habitat aux dépens ;
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier