ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Deuxième Chambre
Audience Publique du 22 novembre 2007
Dossier n° 114/2003/PC du 11 décembre 2003
Affaire : -EBOUA Kouakou
-Mohamed Chansoudine Chérif
-KAKOU Aya Cécile
(Conseil : Maître Emile DERVAIN, Avocat à la Cour)
contre
Société Union Africaine dite UA
(Conseil : Maître ADJOUSSOU THIAM N’Deye Ngalla, Avocat à la Cour)
ARRET N°038/2007 du 22 novembre 2007
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A), de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), Deuxième Chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 22 novembre 2007 où étaient présents :
- Antoine Joachim OLIVEIRA, Président
Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge, rapporteur
Boubacar DICKO, Juge
et Maître ASSIEHUE Acka, Greffier ;
Sur le renvoi, en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans de l’affaire :
– Eboua KOUAKOU
– Mohamed Chansoudine Chérif
– KACOU Aya Cécile ayant pour conseil Maître Emile DERVAIN, Avocat à la Cour d’appel d’Abidjan y demeurant 16, rue Alphonse DAUDET, Immeuble Delafosse, 4è étage, 01 B.P. 2943 Abidjan 01, dans une cause les opposant à la Société Union Africaine dite U.A. sise à Abidjan – Plateau, Avenue Delafosse prolongée, 01 B.P. 378 Abidjan 01, ayant pour conseil Maître ADJOUSSOU THIAM N’Dèye Ngalla, Avocat à la Cour d’appel d’Abidjan, y demeurant 13, Avenue Docteur Crozet (Stade 2) 2è étage, 01 B.P. 7877 Abidjan 01,en cassation de l’Arrêt n° 969 rendu par la Cour d’appel d’Abidjan le 26 juin 1998 et dont le dispositif est ainsi conçu :
« Statuant publiquement contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;
En la forme :
Ordonne la jonction des procédures 980/97 et 1467/97 ;
Déclare Eboua KOUAKOU, Mohamed Chansoudine et KACOU Aya Cécile recevables en leurs appels réguliers des 17 juin 1997 et 9 septembre 1997 ;
Au fond
Les y dit mal fondés ;
Les en déboute ;
Confirme l’Ordonnance n° 2685 du 04 juin 1997 rendue par la juridiction des référés du Tribunal de première instance d’Abidjan en toutes ses dispositions ;
Condamne les appelants aux entiers dépens de l’instance » ;
Les requérants invoquent à l’appui de leur pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Doumssinrinmbaye BAHDJE ;
Vu les dispositions des articles 13, 14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort de l’examen des pièces du dossier de la procédure que par Arrêté n°1086/CAB-SADU en date du 26 janvier 1976 du Ministre de la Construction et de l’Urbanisme, la parcelle de terrain d’une superficie de 464 m², sise dans le lotissement d’Abidjan – Plateau, en bordure du Boulevard Botreau Roussel entre les avenues Crosson Duplessis et Noguès, formant le titre foncier n° 4435 de la circonscription de Bingerville et appartenant aux consorts Kerkiras, faisait l’objet d’un retour au Domaine, pour cause de non mise en valeur ; que le Ministre proposait au Maire d’Abidjan d’incorporer ce titre foncier au domaine de ladite ville, par lettre n° 1308/MCU/CAB2 du 02 avril 1977 ; que se prévalant de cette lettre, la Mairie de la ville d’Abidjan se prétendant propriétaire de ladite parcelle de terrain, concluait des baux commerciaux avec des « détenteurs de kiosques – bars – maquis » ; que le Ministre de l’Environnement, de la Construction et de l’Urbanisme attribuait, par lettre n° 4963/MCU/SDU en date du 9 décembre 1993, la parcelle de terrain litigieuse à la Société Union Africaine dite UA ; que suite à une mise en demeure de cette dernière aux « détenteurs de kiosques – bars – maquis » pour libérer le terrain qu’ils occupent, la Mairie de la ville d’Abidjan leur demandait, par lettre n° 101/MVA/DGST/DTAU/PC du 19 juillet 1995, de considérer cette menace comme nulle et de rester sur les lieux jusqu’à nouvel ordre, au motif qu’elle est, sur la base de la lettre précitée n° 1308/MCU/CAB-02 du 02 avril 1977 du Ministre de la Construction et de l’Urbanisme, propriétaire du terrain dont il s’agit ; qu’en vertu de l’Arrêté n° 0596/MLCVE/SDU/SC/LP/AA du 28 mars 1977 du Ministre du Logement, du Cadre de vie et de l’Environnement lui ayant accordé la concession provisoire de ce terrain, la Société U.A. sommait, par exploit en date du 21 avril 1997, Messieurs Eboua Kouakou, Mohamed Chansoudine Chérif et Madame KACOU Aya Cécile, « détendeurs de kiosques – bars – maquis » de vider les lieux qu’ils occupent sans titre ni droit ; que sur opposition de ces derniers, qui faisaient valoir qu’ils avaient conclu avec la Mairie de la ville d’Abidjan des baux commerciaux valables, la Société UA les assignait en expulsion, par exploit du 26 mai 1997, devant le Juge des référés du Tribunal d’Abidjan ; qu’il était fait droit à cette demande par Ordonnance de référé n° 2685 du 04 juin 1997, confirmée par la Cour d’appel d’Abidjan, aux termes de l’Arrêt n° 969 rendu le 26 juin 1998 ; que le 07 septembre 1998, Messieurs Eboua Kouakou, Mohamed Chansoudine Chérif et Madame KACOU Aya Cécile se sont pourvus en cassation contre ledit arrêt devant la Cour Suprême de Côte d’Ivoire, laquelle s’est dessaisie de l’affaire au profit de la Cour de céans, par Arrêt n° 474/03 du 10 juillet 2003 ;
Sur les deux moyens réunis
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué, d’une part, un défaut de base légale résultant de l’absence, de l’insuffisance, de l’obscurité ou de la contrariété des motifs en ce que la Cour s’est bornée à dire que l’Union Africaine est bénéficiaire d’un arrêté de concession provisoire sur le terrain litigieux et que, par contre, les demandeurs au pourvoi ne se prévalent que d’une autorisation d’occupation à titre précaire et révocable à tout instant ; que ce faisant, les requérants estimant que la Cour a d’abord violé les dispositions de l’article 1743 du code civil selon lesquelles « le bailleur d’un immeuble ne saurait expulser le locataire si celui-ci dispose d’un contrat écrit ayant une date certaine, à moins que ce droit d’expulsion a été réservé dans le contrat de bail au moment de sa conclusion », ce qui n’est pas le cas en l’espèce ; que, d’autre part, selon les requérants, la Cour a violé l’article 78 de l’Acte uniforme portant sur le Droit commercial général qui dispose que « le bail ne prend pas fin par la vente des locaux donnés à bail.
En cas de mutation du droit de propriété sur l’immeuble dans lequel se trouvent les locaux donnés à bail, l’acquéreur est de plein droit substitué dans les obligations du bailleur, et doit poursuivre l’exécution du bail » ; que pour l’inobservation des dispositions légales ci-dessus relevées, les demandeurs au pourvoi demandent la cassation de l’arrêt attaqué « pour défaut de base légale résultant de l’insuffisance des motifs » ; qu’en outre, pour les requérants, une telle sanction doit être aussi appliquée pour la violation de l’article 20 de la loi n° 80-1069 du 13 septembre 1980 en ce qu’aucune indemnité d’éviction n’a été accordée aux locataires ;
Mais attendu que l’article 14 du Traité relatif à l’harmonisation du Droit des affaires en Afrique édicte que la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage assure dans les Etats Parties l’interprétation et l’application commune des Actes uniformes et, saisie par la voie du recours en cassation se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d’appel des Etats Parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des Actes uniformes et des règlements prévus au présent Traité à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales, ainsi que dans les mêmes conditions sur les décisions non susceptibles d’appel rendues par toute juridiction des Etats parties dans les mêmes contentieux » ;
Attendu qu’il ressort de l’examen des pièces du dossier que l’Acte uniforme portant sur le Droit commercial général entré en vigueur le 1er janvier 1998 n’avait pas intégré l’ordre juridique interne de la République de Côte d’Ivoire à la date de la requête introductive d’instance, soit le 26 mai 1997 et qu’il ne pouvait de ce fait, être applicable ; que dans ce contexte spécifique, aucun grief ni moyen relatif à l’application de l’Acte uniforme invoqué n’avait pu être formulé et présenté devant les juges du fond par les requérants ; que dès lors, les conditions de compétence de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA en matière contentieuse telles que précisées à l’article 14 susvisé n’étant pas réunies, il y a lieu de se déclarer incompétent ;
Attendu que les requérants ayant succombé, doivent être condamnés aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Se déclare incompétente ;
Condamne les requérants aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier