ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

Première Chambre 

Audience publique du 09 juin 2016

Pourvoi : N°061/2014/PC du 27/03/2014

Affaire : Dame HOUNKPATI AKOKO

                (Conseil : Maître MAWUVI A. Mouké, Avocat à la Cour)

Contre

COFFIE Franck

ARRET N° 114/2016 du 09 juin 2016

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Première Chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 09 juin 2016 où étaient présents :

 

Messieurs

et

Marcel  SEREKOÏSSE-SAMBA,
Drehi Vincent KOUA,

César Apollinaire ONDO MVE,

Maître Edmond Acka ASSIEHUE,

   Président, rapporteur
Juge
Juge

Greffier ;

 

Sur le pourvoi n° 061/2014/PC enregistré au greffe de la Cour de céans le 27 mars 2014 formé par Maître Mawuvi A.MOUKE, Avocat à la Cour à Lomé, 36, Rue n° 74 d’Assoli, 06 B.P. 61.611, domicile élu chez Madame Carole ATTIBA, Riviera Golf  Tour Marahoue, 25 BP 2474, Abidjan, agissant pour le compte de Dame HOUNKPATI Akoko, demanderesse au pourvoi, domiciliée à Lomé, dans la cause l’opposant à COFFIE  Franck, défendeur au pourvoi, en cassation de l’arrêt n°234 rendu le 31 juillet 2013 par la Cour d’appel de Lomé et dont le dispositif suit :

« Par ces motifs :

Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en appel ;

En la forme

Reçoit l’appel ;

Au fond

Ledit mal fondé ;

Le rejette ;

Constate que l’intimé n’a pas formé d’appel incident ;

Déclare en conséquence irrecevables ses demandes ; soit environ trois ans après le titre foncier de dame HOUNKPATI ;

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Condamne l’appelant aux dépens » ;

Attendu que dame HOUNKPATI invoque à l’appui de son recours le moyen unique de cassation tel qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt ;

Sur le rapport de Monsieur Marcel SEREKOÏSSE-SAMBA, Président ;

Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

Attendu que par courrier en date du 04 avril 2014 adressé au sieur COFFIE Franck, le Greffier en chef de la Cour de céans lui a signifié le recours en cassation de la demanderesse, tout en l’invitant à constituer avocat et à déposer son mémoire en réponse ; que ce dernier n’ayant pas donné de suite à ladite correspondance et que le principe du contradictoire ayant été respecté, il y a lieu de passer outre et statuer ;

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que le 08 janvier 2004, Dame HOUNKPATI AKOKO a acquis des héritiers de feu TELEVI MENSAH un terrain urbain partiellement bâti sis à Lomé Adawlato, d’une  superficie de 5a 08ca ; qu’il ressort du bordereau analytique en date du 15 juin 2004 délivré par la Conservation de la propriété foncière et des domaines dont copie est versée au dossier que ledit immeuble a été immatriculé au nom de dame HOUNKPATI au Livre Foncier de la République du Togo sous le numéro 29572 ;

Que les querelles entre les ayants droits du De cujus empêchant la dame HOUNKPATI d’entrer en possession et jouissance de son bien, cette dernière, par exploit d’huissier en date du 20 novembre 2006, a assigné la succession MENSAH TELEVI et autres, par devant le Tribunal de Première Instance de Première Classe de Lomé, à l’effet d’entendre reconnaître sa propriété sur l’immeuble acheté et ordonner l’expulsion de tous occupants du chef des vendeurs ;

Que par jugement n°1842/2010 rendu le 09 juillet 2010, le Tribunal a constaté la régularité de la vente intervenue entre dame HOUNKPATI et les héritiers de feu TEVI LOSSOU et a ordonné l’expulsion de tous occupants de l’immeuble, avec exécution provisoire ;

Qu’en exécution dudit jugement devenu définitif faute de recours, dame HOUNKPATI, mettant en œuvre son droit de propriété, a fait expulser tous les occupants de l’immeuble parmi lesquels le Sieur COFFIE Franck ;

Que ce dernier, se fondant sur un contrat de bail conclu avec TEVI LOSSOU ADJEVI le 24 juillet 2008 alors que la succession avait déjà cédé l’immeuble à dame HOUNKPATI, a assigné le 05 mai 2011 dame HOUNKPATI et l’huissier instrumentaire par devant le Tribunal de Première Instance de Première Classe de Lomé pour les entendre condamner à lui payer solidairement des sommes d’argent au titre, d’une part, de la contre-valeur des marchandises vidées de sa boutique et, d’autre part, d’indemnité d’éviction ;

Que par jugement n°1180/2012 rendu le 20 avril 2012, le Tribunal saisi a déclaré l’action du demandeur partiellement fondée et a condamné dame HOUNKPATI à lui payer la somme de deux millions (2.000.000) FCFA à titre d’indemnité d’éviction et a mis hors de cause l’huissier instrumentaire ;

Que sur appel de dame HOUNKPATI, la Cour d’appel de Lomé a confirmé le jugement en toutes ses dispositions par l’arrêt n°234/2013 sus-énoncé dont pourvoi ;

 Sur le moyen unique du pourvoi, tiré de la fausse application des articles 69 et 78 de l’Acte Uniforme portant sur le Droit Commercial Général (AUDCG), des articles 105, 106 alinéa 1 et 108-1 du Décret foncier de la République Togolaise en date du 24 juillet 1906 

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé la décision des premiers juges qui ont alloué une indemnité d’éviction au sieur COFFIE Franck, en se fondant sur l’article 78 de l’AUDCG qui s’applique en cas de bail commercial ;

Alors que le sieur COFFIE ne peut pas se prévaloir des droits liés à un bail commercial, son bail n’étant pas commercial, d’une part, ledit bail ayant été conclu avec des personnes n’étant pas propriétaires de l’immeuble et n’ayant donc aucune qualité pour le faire, d’où l’inopposabilité dudit bail à dame HOUNKPATI ;

Attendu qu’il ressort du dossier de procédure que l’immeuble litigieux était sorti du patrimoine des ayants droit de feu Têlévi MENSAH depuis l’année 2004, en ce que le titre foncier avait été sollicité par dame HOUNKPATI le 15 juin 2004, que le plan cadastral avait été levé par le géomètre le 22 mars 2005 et que le titre de propriété foncière avait été délivré à la demanderesse par le Conservateur le 26 mai 2005 ;

Que c’est seulement le 27 juillet 2008 que TEVI LOSSOU ADJEVI qui n’était pas propriétaire, a donné à bail une partie de l’immeuble à COFFIE Franck ; que cette transaction effectuée en fraude aux droits de dame HOUNKPATI lui est inopposable comme conclue par une personne n’ayant aucune qualité pour le faire. Que c’est donc à tort que les premiers juges ont condamné une partie qui n’a fait qu’exécuter une décision définitive qui ordonnait l’expulsion de tous occupants de l’immeuble lui appartenant ; qu’il y a lieu, dans ces conditions, de casser et annuler l’arrêt attaqué, d’évoquer et statuer à nouveau ;

  Sur l’évocation

Attendu que dame HOUNKPATI Akoko a acquis par contrat de vente un immeuble bâti par DOH-AKLAMA Séwoa. Kokou reconnu propriétaire par décision judiciaire ;

Qu’elle a accompli les formalités requises et a obtenu son titre de propriété foncière délivré par le Conservateur en date du 26 mai 2005 ;

Que pendant que dame HOUNKPATI s’activait pour rentrer en jouissance de sa propriété, TEVI LOSSOU ADJEVI a conclu à son insu un bail d’habitation avec, entre autres, COFFIE Franck qui a aménagé les lieux en magasin de vente de marchandises ;

Qu’en exécution du jugement n° 1842/2010 du 09 juillet 2010 devenu définitif faute de recours, dame HOUNKPATI, mettant en œuvre son droit de propriété, a fait expulser tous les occupants de l’immeuble parmi lesquels le Sieur COFFIE Franck ;

Que ce dernier, exhibant un contrat de bail conclu avec TEVI LOSSOU ADJEVI le 24 juillet 2008, a assigné le 05 mai 2011 dame HOUNKPATI et l’huissier instrumentaire devant le Tribunal de première instance de première classe de Lomé qui l’a condamnée par jugement n° 1180/2012 du 20 avril 2012 à payer la somme de deux millions (2.000.000) FCFA à titre d’indemnité d’éviction et a mis l’huissier hors de cause ;

Qu’interjetant appel de ce jugement, Dame HOUNKPATI soutient qu’elle a régulièrement acquis l’immeuble litigieux suite à un contrat de vente à elle consenti par DOH-AKLAMA Séwoa Kokou dont la qualité de propriétaire dudit immeuble n’a jamais été remise en cause par TEVI MENSAH LOSSOU, père de TEVI LOSSOU ; qu’elle est confirmée dans sa qualité de propriétaire en vertu du titre foncier n°29572 du 15 juin 2004 ;

Que dans ses conclusions en appel, COFFIE Franck persiste à déclarer que le bail à lui conclu par TEVI LOSSOU est un bail commercial, ce qui explique son activité de vente de marchandises dans son magasin ; qu’en application des dispositions des articles 69 et 78 de l’AUDCG, dame HOUNKPATI doit être assujettie à la subrogation déterminée par lesdites dispositions ; que HOUNKPATI ne les ayant pas observées, il est en droit de lui réclamer une indemnité d’éviction ;

Attendu que pour les mêmes motifs ci-dessus qui ont entraîné la mise à néant de l’arrêt querellé, il y a lieu de casser le jugement déféré et débouter COFFIE Franck de toutes ses prétentions.

Que COFFIE Franck ayant ainsi succombé, il échet de le condamner aux dépens ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Casse et annule l’arrêt n°234 rendu le 31 juillet 2013 par la Cour d’appel de Lomé ;

Evoquant et statuant au fond,

Casse et annule le jugement n°1180/2012 rendu le 20 avril 2012 par le Tribunal de Première Instance de Première Classe de Lomé ;

Déboute COFFIE Franck de toutes ses prétentions ;

Le condamne aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

 

Le Président

Le Greffier