ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

Deuxième chambre

 

Audience publique du 18 mai 2017

Pourvoi : n° 028/2014/PC du 26/02/2014

Affaire : Dame Aza Ngu OTAY

               (Conseil : Maître TWENGEMBO, Avocat à la Cour)

 

Contre

 

Société Ecobank Cameroun SA

                       (Conseils : Maître Maurice NKOUENDJIN-YOTNDA et la SCP NGASSAM

                                         NJIKE & Associés, Avocats à la Cour)

 

Arrêt N° 130/2017 du 18 mai 2017

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 18 mai 2017 où étaient présents :

 

Messieurs    Abdoulaye Issoufi TOURE,                       Président

Namuano Francisco DIAS GOMES,              Juge,

Djimasna N’DONINGAR,                          Juge, Rapporteur

Diéhi Vincent KOUA,                                   Juge,

César Apollinaire ONDO MVE                       Juge,

 

et Maître Jean Bosco MONBLE,                Greffier,

 

Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 26 février 2014 sous le n°028/2014/PC et formé par Maître TWENGEMBO, Avocat à la Cour, demeurant à Yaoundé, Bastos, face Institut Goethe, agissant au nom et pour le compte de Madame Aza Ngu OTAY, demeurant à Yaoundé, BP 3037, dans la cause qui l’oppose à la société Ecobank Cameroun SA, sise à Douala, Boulevard de la Liberté, BP 582, ayant pour conseils, la SCP NGASSAM                                         NJIKE & Associés et Maître Maurice NKOUENDJIN-YOTNDA, tous Avocats au Barreau du Cameroun, ayant leur Cabinet respectivement à Douala, BP 2156 et à Yaoundé, BP 1081,

en cassation de l’Arrêt n°362 rendu le 14 novembre 2012 par la Cour d’appel du Centre à Yaoundé et dont le dispositif est le suivant :

 

« Statuant publiquement, contradictoirement, à l’égard de toutes les parties, en matière civile et commerciale, en appel, en collégialité et à l’unanimité des membres :

En la forme :

Reçoit l’appel ;

Au fond :

Confirme le jugement entrepris ;

Condamne l’appelante aux dépens distraits au profit de Maîtres TCHAKOUTE PATIE et NKOUENDJIN. » ;

 

Attendu que la requérante invoque à l’appui de son pourvoi un moyen unique de cassation, tel qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt ;

 

Sur le rapport de Monsieur Djimasna N’DONINGAR, Juge ;

 

Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

 

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que par contrat en date du 14 octobre 1998, Dame Aza Ngu OTAY était recrutée par la société Ecobank Transnational Incorporated dite ETI dont le siège est à Lomé moyennant un salaire mensuel de 2 400 000 F cfa ; qu’à la création de la filiale Ecobank Cameroun le 16 novembre 1998, elle y a été nommée Directeur Général Adjoint par délibération du conseil d’administration et continuait à bénéficier du même salaire jusqu’à sa démission le 22 août 2001 ; qu’à cette date, par acte transactionnel, Dame Aza Ngu OTAY, après avoir encaissé une indemnité forfaitaire de 50 000 000 F cfa, renonçait « à toute action ou réclamation ultérieure en relation directe ou indirecte avec le contrat de travail dont s’agit » ; que, cependant, le 23 mars 2007, Dame Aza Ngu assignait Ecobank Cameroun devant le Tribunal de grande instance de Mfoundi aux fins de fixation et paiement de sa rémunération de mandataire social ; que par jugement n°825 du 17 novembre 2008, le Tribunal se déclarait incompétent ; que sur appel, la Cour d’appel de Yaoundé confirmait le jugement par arrêt n°362/CIV du 14 novembre 2012 dont pourvoi ;

 

Sur le moyen unique, tiré de la violation des articles 471 à 476 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du GIE et de l’article 20 des statuts de Ecobank Cameroun.

 

Attendu qu’il est reproché à la cour d’appel d’avoir fait application des dispositions du Code du travail plutôt que celles de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du GIE visées au moyen pour déclarer l’incompétence de la juridiction civile alors qu’aux termes de l’article 20 des statuts renvoyant aux articles 471 à 476 susvisés, le Directeur général adjoint assiste le Directeur général en vertu d’un mandat et que les modalités et le montant de sa rémunération sont fixés par le conseil d’administration ; qu’il est de doctrine, selon le moyen, que « les litiges surgissant entre la société et le Directeur général adjoint sont exclusivement de la compétence des tribunaux civils » ;

 

Attendu qu’à la lecture combinée des articles 471, 473 et 475 de l’Acte Uniforme sus indiqué, il appert que le Directeur général adjoint est lié à la société par un contrat de mandat et que le contrat de travail n’est envisagé que lorsqu’il exerce un deuxième emploi effectif ; que la Cour d’appel, en entérinant l’incompétence nonobstant l’inexistence d’un autre emploi, a violé les dispositions visées au moyen et fait encourir la cassation à l’arrêt querellé ; qu’il échet d’évoquer ;

 

Sur l’évocation

 

Attendu que par requête en date du 14 septembre 2010, Dame Aza Ngu relevait appel du jugement civil n°825 rendu le 17 novembre 2008 par le tribunal de grande instance du Mfoundi dans l’affaire l’opposant à la société Ecobank Cameroun dont le dispositif est ainsi conçu :

« Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et commerciale et en premier ressort ;

Se déclare incompétent rationae materiae ;

Condamne Dame AZA NGU OTAY aux dépens distraits au profit de Maître TCHAKOUNTE Patié, Avocat aux offres de droit » ;

 

Qu’au soutien de son appel, elle demande à la cour d’infirmer en toutes ses dispositions le jugement querellé ; qu’elle expose qu’elle a été nommée Directrice générale adjointe de la banque par le conseil d’administration de Ecobank Cameroun en date du 16 novembre 1998 ; que cette nomination a été confirmée par les autorités monétaires du pays ; que depuis cette nomination, elle n’a jamais perçu de rémunération en cette qualité parce que la résolution du conseil d’administration qui l’a nommée n’en a pas fixé le montant ; que, liée par un contrat de travail à Ecobank Transnational Incorporated, la société-mère de Ecobank Cameroun, elle ne percevait que le salaire attaché à ce contrat jusqu’à sa résiliation, par transaction, le 22 août 2001 ; que c’est pour avoir paiement des rémunérations dues au titre du mandat qu’elle assume et qu’elle évalue à 639 000 000 F cfa, qu’elle a attrait Ecobank Cameroun devant le tribunal de grande instance ; qu’elle soutient que le premier juge s’est déclaré incompétent à tort ;

 

Attendu qu’en réplique, la société Ecobank Cameroun excipe que la juridiction civile nationale est incompétente rationae materiae pour connaître des demandes pécuniaires de Dame Aza Ngu OTAY en sa qualité de directeur général adjoint ; que cette affaire relève de la Cour de justice de la CEMAC ; qu’elle conclut au rejet des prétentions Dame Aza Ngu OTAY et à la confirmation du jugement querellé ;

 

Sur la compétence du Tribunal de grande instance du Mfoundi

 

Attendu que pour les mêmes motifs que ceux développés lors de l’examen du moyen de cassation, tiré de la méconnaissance des articles 471 et suivants de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du GIE, il y’a lieu d’infirmer le jugement civil n°825 rendu le 17 novembre 2008 par le Tribunal de grande instance du Mfoundi sur la compétence ;

 

Sur les demandes en paiement de Madame AZA NGU OTAY

 

Attendu qu’il y’a lieu de relever que, non seulement par l’acte transactionnel du 22 août 2001, Dame Aza Ngu OTAY a renoncé à toute autre réclamation mais aussi, qu’aux termes de l’article 18 de l’Acte uniforme du 17 avril 1997  relatif au droit commercial général, applicable au moment des faits, « les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants, ou entre commerçants et non-commerçants, se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions plus courtes » ; qu’il est constant que les réclamations de Dame Aza Ngu OTAY ont pour point de départ le 22 août 2001, date de sa démission du Groupe Ecobank et de la filiale du Cameroun ; que par conséquent, l’action introduite par l’assignation du 23 mars 2007 est frappée de prescription et doit être déclarée irrecevable ;

 

Attendu que Dame Aza Ngu OTAY succombant, sera condamnée aux dépens ;

 

 

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS

 

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Casse l’arrêt n°362/CIV rendu le 14 novembre 2012 par la Cour d’appel du Centre à Yaoundé ;

Evoquant et statuant sur le fond :

Infirme le jugement civil n°825 rendu le 17 novembre 2008 par le Tribunal de grande instance du Mfoundi ;

Statuant à nouveau :

Déclare irrecevable l’action de Dame Aza Ngu OTAY ;

La condamne aux dépens ;

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

 

 Le Président

 

Le Greffier