ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

 Deuxième Chambre

Audience Publique du 08 avril 2010

Pourvoi : n° 054/2005/PC du 25 octobre 2005

Affaire : CREDIT LYONNAIS CAMEROUN SA

                      (Conseils : Cabinet d’Avocats L.Y. Eyoum et Parteners, Avocats à la Cour)

contre

                Société FRESHFOOD CAMEROUN (FREFOCAM) SARL

                (Conseils : Maître CHIEF DR. H.N.A. ENOCHONG et ETOUNGOU NKO’O, 

                       Avocats à la Cour)       

                En présence de AES-SONEL

ARRET N° 022/2010 du 08 avril 2010

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), Deuxième Chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 08 avril 2010 où étaient présents :

 

  1. Antoine Joachim OLIVEIRA, Président, rapporteur

Doumssinrinmbaye BAHDJE,                    Juge

Boubacar DICKO,                                   Juge

 

                   et  Maître MONBLE Jean Bosco,                Greffier ;       

 

Sur le pourvoi formé au greffe de la Cour de céans le 25 octobre 2005 sous le numéro 054/2005/PC par le Cabinet d’Avocats L.Y. EYOUM et Parteners, Avocats à la Cour, domicilié à Douala, BP. 2820, au nom et pour le compte de CREDIT LYONNAIS CAMEROUN (CLC) dont le siège est situé à Yaoundé, BP. 700, en cassation de l’Arrêt n° 18/REF rendu le 20 décembre 2004 par la Cour d’appel du Littoral à Douala (Cameroun), au profit de la société FRESHFOOD CAMEROUN dont le siège est sis à Douala (Cameroun) BP. 3869  et dont le dispositif est le suivant :

« Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et commerciale en appel en dernier ressort en référé et en forme collégiale ;

 

EN LA FORME : Reçoit l’appel ;

AU FOND :

Annule la décision entreprise ;

Evoquant et statuant à nouveau ;

Déclare incompétent le juge de référé saisi par la SCB-CL dans son assignation du 22 août 2001 ;

Déclare tardive la réassignation de la SCB-CREDIT LYONNAIS en date du 18 janvier 2002 ;

Condamne la SCB-CREDIT LYONNAIS aux entiers dépens distraits au profit de Me ETOUNGOU NKO’O, Avocat aux offres de droit ; » ;

 

Le requérant invoque, à l’appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;

Sur le rapport de Monsieur Antoine Joachim OLIVEIRA, Président,

Vu les dispositions des articles 10, 13 et 14  du Traité relatif  à  l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

Vu l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;

Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Attendu qu’il ressort des pièces de la procédure que la Société Nationale d’électricité du Cameroun-SONEL devenue AES SONEL, par jugement rendu le 20 octobre 1986 par le Tribunal de grande instance de Douala, a été condamnée à payer à la société FRESHFOOD CAMEROUN la somme de 194.605.210 francs en réparation du préjudice qu’elle a subi du fait d’une panne d’électricité provoquée, courant 1985, suite à l’abattage d’un arbre par les agents de ladite société d’électricité ; que par Arrêt en date du 19 août 1988, la Cour d’appel du Littoral de Douala a reformé ledit jugement et a condamné la Société AES SONEL à payer à la société FRESHFOOD, en réparation du préjudice subi, la somme de 187.473.692 francs et 97.261.260 francs représentant les intérêts de droit comptés à partir de la date de la demande en justice ;

 

Attendu que par Arrêts n° CASWP/66M/92 et CASWP/66M/93 des 26  et 28 janvier 1993, la Cour d’appel du Sud-Ouest de BUEA a condamné la Banque Crédit Lyonnais Cameroun a payer à la société FRESHFOOD SA la somme de’ 109.637.144 francs CFA représentant les intérêts des sommes échues ;

 

Attendu que pour mettre fin au différend qui les oppose, lequel était émaillé de nombreuses procédures de saisie-attribution des comptes de la SONEL pratiquées par la Société FRESHFOOD CAMEROUN et de contestation, les deux sociétés ont, le 10 août 1999, signé un protocole d’accord aux termes duquel la société SONEL a accepté de payer à la société FRESHFOOD CAMEROUN la somme de 243.981.912 francs CFA pour solde de tout compte contre renonciation définitive par celle-ci de toutes les actions en justice, présentes et futures dont le fondement repose sur l’accident de coupure d’électricité ; que l’article 2 du protocole stipule que « la SONEL autorise la SCBC (la banque Crédit Lyonnais Cameroun) à effectuer le transfert de créances au profit de Maître ENONCHONG, Conseil de FRESHFOOD, à hauteur de 240.040.577 francs ; » ;

 

Attendu la société FRESHFOOD CAMEROUN soutenant que les deux arrêts rendus par la Cour de BUEA constituent, pour le droit camerounais issu de la Common Law, des décisions de GARNISHEE ORDER ABSOLUTE, devant être exécutées, a pratiqué le 13 mars 2001 une saisie-attribution des comptes de la Banque Crédit Lyonnais Cameroun, pour la somme de 109.637.144 francs CFA auprès de la Banque des Etats de l’Afrique Centrale (BEAC) ;

 

Attendu que par Ordonnance n°1214 du 17 juillet 2002, le juge des référés du Tribunal de première instance de Douala – Bonandjo, saisi, par la banque en opposition et saisie abusive, s’est déclaré incompétent ; que cette décision du juge des référés a été confirmée par l’Arrêt n°18/REF du 20 décembre 2004, rendu par la Cour d’appel du Littoral à Douala, objet du présent pourvoi ;

 

Sur l’exception d’incompétence de la Cour de céans soulevée par la société FRESHFOOD SARL

Attendu que la société FRESHFOOD SARL a demandé à la Cour de céans de déclarer irrecevable le recours formé par la banque Crédit Lyonnais Cameroun contre l’arrêt attaqué sous le prétexte que celui-ci a été formé en même temps que la banque a fait pourvoi en cassation devant la Cour Suprême du Cameroun contre le même arrêt et une requête en suspension d’exécution de cet arrêt devant le premier Président de la Cour Suprême ;

 

Attendu que le bordereau de pièces émanant de la société FRESHFOOD SARL ne liste pas de pourvoi formé par la banque contre l’arrêt attaqué, devant la Cour Suprême du Cameroun ; que la requête en suspension d’exécution ne peut être assimilée à un pourvoi en cassation par lequel l’une des parties demande à la Cour de cassation de sanctionner la non-conformité de la décision attaquée à la loi ; qu’il y a lieu par conséquent de déclarer non fondée l’exception d’incompétence de la Cour de céans soulevée par la société FRESHFOOD SARL et de la rejeter ;

 

Sur le premier moyen

Attendu que le pourvoi fait grief à l’Arrêt attaqué d’avoir confirmé l’Ordonnance n°1214 par laquelle le juge des référés, au motif que le Crédit Lyonnais, bien que l’ayant saisi comme Juge de l’urgence n’avait pas spécifié « dans quel cadre devons-nous agir comme Juge du provisoire ou comme du contentieux de l’exécution, fort de cet embarras, nous déclarons incompétent » s’est déclaré incompétent, alors que l’article 49 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution a « confié l’examen du contentieux de l’exécution au juge préexistant national de l’urgence qui est celui des référés ; » ;  qu’en statuant ainsi, la Cour d’appel du Littoral a violé l’article 49 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution et que l’arrêt attaqué  doit être cassé ; qu’il y a lieu dès lors d’évoquer l’affaire au fond ;

 

Attendu qu’en disposant que « la juridiction compétente pour statuer sur tout litige ou toute demande relative à une mesure d’exécution forcée ou à une mesure conservatoire est le président de la juridiction statuant en matière d’urgence ou le magistrat délégué par lui ; », le droit harmonisé des affaires a bien voulu dire que le contentieux de l’exécution forcée relève du juge national des référés dont l’urgence constitue une des conditions de leur intervention ; que par conséquent, en statuant comme il a été rappelé ci-dessus, la Cour d’appel du Littoral a violé l’article 49 suscité, et qu’il y a lieu de casser l’arrêt attaqué sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens du pourvoi ;

 

Sur l’évocation

Attendu que la banque CREDIT LYONNAIS CAMEROUN SA demande l’annulation de la saisie-attribution des créances pratiquée le 13 mars 2001, à son encontre, par la société FRESHFOOD, la condamnation aux dépens de cette dernière ; qu’à l’appui de ces prétentions elle soutient que le protocole d’accord conclu par les sociétés FRESHFOOD et SONEL s’oppose à cette procédure ;

 

Attendu que la société FRESHFOOD a émis des prétentions contraires de celles de la banque CREDIT LYONNAIS en soutenant d’une part, que le protocole d’accord que lui oppose la banque est frauduleuse et doit être écartée de la procédure et, d’autre part, que le juge de l’urgence n’est pas compétent, la compétence en matière d’exécuter revenant au juge de l’exécution ;

 

Attendu que le protocole signé par les sociétés FRESHFOOD et SONEL stipule dans son article 1 « la SONEL accepte de payer à FRESH FOOD et pour solde de tout compte à titre définitif et sans réserve, la somme totale de 243.891.912 francs CFA », son article 3 « moyennant le paiement, la société FRESHFOOD se déclarant entièrement désintéressée, se désiste de toute action présente et future sur le fondement de l’interruption de 1985 qui est à la genèse de ce litige », dans son article 4 « le présent protocole emporte mainlevée automatique de toutes les saisies-attributions et saisies-arrêts pratiquées à l’encontre de la SONEL » ; qu’en article 5, le protocole stipule que  « la présente transaction produira entre les parties, tous les effets des articles 2052 et suivants du code civil » ;

 

Attendu que le protocole d’accord n’est l’objet d’une procédure de faux  ou de dénégation d’écriture devant la juridiction nationale compétente pour connaître des contestations relatives à la preuve litterale ;

 

Attendu que ledit protocole d’accord a créé une situation de fait invoquée légitimement par la banque CREDIT LYONNAIS CAMEROUN, à l’encontre de FRESH FOOD ;

 

Attendu qu’il ressort des articles précités du protocole d’accord conclu avec la SONEL, que la société FRESHFOOD, d’une part, s’est déclarée remplie de ses droits, d’autre part, qu’elle a renoncé à toute réclamation ultérieure susceptible de naître du litige, mettant ainsi fin au litige et à toutes les procédures subséquentes ; qu’il en résulte que la saisie attribution pratiquée par FRESHFOOD à l’encontre de la banque CREDIT LYONNAIS CAMEROUN n’est pas fondée ;

 

Attendu que la société FRESHFOOD ayant succombé, doit être condamnée aux dépens ;

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Rejette l’exception d’incompétence de la Cour de céans soulevée par la société FRESHFOOD SARL ;

Casse l’Arrêt n°18/REF rendu le 20 décembre 2004 par la Cour d’appel du Littoral ;

Evoquant et statuant au fond,

Annule la saisie-attribution des créances pratiquées le 13 août 2001 par la société FRESHFOOD CAMEROUN au préjudice de CREDIT LYONNAIS CAMEROUN ;

Ordonne la mainlevée de cette saisie-attribution ;

Condamne aux dépens la société FRESHFOOD CAMEROUN.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

 

 Le Président
Le Greffier