ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Première chambre
Audience publique du 28 décembre 2006
Pourvoi : n°095/2004/PC du 06 septembre 2004
Affaire : COLINA S.A.
(Conseil : Maître Agnès OUANGUI, Avocat à la Cour)
Contre
1°) Union des Transporteurs de Bouaké dite UTB S.A.
(Conseils: Maîtres AHOUSSOU, KONAN & Associés, Avocats à la Cour)
2°) Banque Internationale de l’Afrique de l’Ouest-COTE
D’IVOIRE dite BIAO-CI
(Conseil : Maître le PRINCE D. BLESSY, Avocat à la Cour)
ARRET N° 031/2006 du 28 décembre 2006
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A), Première chambre, de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A) a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 28 décembre 2006 où étaient présents :
Messieurs Jacques M’BOSSO, Président
Maïnassara MAIDAGI, Juge, rapporteur
Biquezil NAMBAK, Juge
et Maître ASSIEHUE Acka, Greffier ;
Sur le pourvoi enregistré le 06 septembre 2004 au greffe de la Cour de céans sous le n°095/2004/PC et formé par Maître Agnès OUANGUI, Avocat à la Cour, demeurant à Abidjan, immeuble SIPIM, 5ème étage, 24, boulevard Clozel, 01 BP 1306 Abidjan 01, agissant au nom et pour le compte de COLINA S.A., société anonyme, sise à Abidjan-Plateau, boulevard Roume, immeuble COLINA, 01 BP 3832 Abidjan 01, agissant aux poursuites et diligences de son représentant légal, Monsieur Raymond FARHAT, Directeur général, demeurant à Cocody, rue des Belliers, 04 BP 31 Abidjan 04, dans la cause l’opposant, d’une part, à l’UNION DES TRANSPORTEURS DE BOUAKE dite UTB S.A. dont le siège est à Bouaké, 01 BP 285 Bouaké 01, prise en la personne de son représentant légal Monsieur KOUAME KONAN N’SIKAN et ayant pour conseils la SCPA AHOUSSOU, KONAN & Associés, Avocats à la Cour, demeurant à Abidjan, 19, boulevard Angoulvant, immeuble Neuilly, 1er étage, 01 BP 1366 Abidjan 01 et, d’autre part, à la Banque Internationale de l’Afrique de l’Ouest-COTE D’IVOIRE dite BIAO-CI, société anonyme dont le siège est au 8-10, avenue Joseph Anoma à Abidjan-Plateau, 01 BP 1274 Abidjan 01, représentée par Monsieur Philippe Van OOSTERZEE, Administrateur Directeur général, domicilié à Abidjan-Cocody, II Plateaux, Rue des Jardins, Lots 360 et 364en cassation de l’Arrêt n°685 rendu le 22 juin 2004 par la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement en matière de référé et en dernier ressort ;
EN LA FORME : Déclare recevable l’appel relevé par la Société COLINA le 27 AVRIL 2004, de l’ordonnance de référé n°1455/04 rendue le 31 mars 2004 par la juridiction présidentielle du Tribunal de première instance d’Abidjan ;
AU FOND : L’y dit mal fondée ;
L’en déboute ;
Confirme ladite ordonnance en toutes ses dispositions ;
La condamne aux dépens » ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt :
Sur le rapport de Monsieur le juge Maïnassara MAÏDAGI ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que dans un litige opposant COLINA S.A à l’UNION DES TRANSPORTEURS DE BOUAKE dite UTB S.A., la première avait obtenu, par Arrêt n°270 rendu le 05 mars 1999 par la Cour d’appel d’Abidjan, la condamnation de la seconde à lui payer la somme de 27.040.390 F CFA au titre d’indemnité de préavis ; que munie de cette décision, COLINA S.A. a entrepris des mesures d’exécution à l’encontre de UTB S.A. en pratiquant des saisies-attribution de créances en date du 07 mai 2001 entre les mains de la BIAO-CI et de la BICICI pour avoir paiement du principal, des intérêts et frais ; qu’estimant que la BIAO-CI et la BICICI n’avaient pas apporté leurs concours alors qu’elles avaient été légalement requises, COLINA S.A. avait saisi le juge des référés à l’effet d’obtenir la condamnation solidaire de celles-ci à lui payer le montant des causes de la saisie-attribution de créance ; que par Ordonnance n°2266/2ème CA CIV en date du 12 juin 2001, la juridiction présidentielle du Tribunal d’Abidjan condamnait, in solidum, la BIAO-CI et la BICICI au paiement de la somme de 27.040.390 F CFA ; que munie de cette décision, COLINA S.A. entreprenait une exécution à l’encontre de la BIAO-CI, exécution suite à laquelle la BIAO-CI avait procédé au paiement de la somme de 30.270.251 F CFA représentant 27.040.390 F CFA en principal, 1.386.838 F CFA en intérêts de droit calculés à compter de la date de l’Ordonnance susindiquée et 1.845.023 F CFA au titre des frais de procédure ; que considérant que le paiement effectué par la BAIO-CI n’avait pas pris en compte les intérêts de droit et frais découlant de l’arrêt de condamnation initial de la Cour d’appel, COLINA S.A entreprenait une autre mesure d’exécution à l’encontre de UTB S.A, sa débitrice initiale pour lui réclamer le montant desdites sommes qu’elle estimait s’élever à 21.616.298 F CFA ; que suite à une saisie-attribution de créance pratiquée sur ses comptes domiciliés à la BIAO-CI, UTB S.A. saisissait le juge des référés, lequel, par Ordonnance n°1455 du 31 mars 2004, ordonnait la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 10 mars 2004 par COLINA S.A ; que sur appel de cette dernière, la Cour d’appel d’Abidjan rendait l’Arrêt confirmatif n°685 en date du 22 juin 2004, objet du présent pourvoi ;
Sur le premier moyen
Vu les articles 38 et 156 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé ou commis une erreur dans l’interprétation des dispositions des articles 38 et 156 de l’Acte uniforme susvisé en ce que la Cour d’appel, pour faire droit à la demande de mainlevée de UTB S.A. relative à la saisie-attribution de créance du 10 mars 2004, a considéré « que la COLINA SA. ne contestant pas que l’exécution entreprise par elle, a abouti au paiement de la somme de 31.040.350 F CFA, elle ne peut donc entreprendre une exécution du même Arrêt n°270 du 05 mars 1999 » alors que, selon le moyen, il résulte des dispositions desdits articles 38 et 156 susindiqués que le tiers saisi qui ne respecte pas ses obligations légales énumérées aux termes desdits articles, peut être condamné au paiement des causes de la saisie en sus des dommages-intérêts ; que c’est sur le fondement desdits articles 38 et 156 que le juge des référés a, par Ordonnance de référé n°2266 du 12 juin 2001, prononcé la condamnation personnelle et solidaire des sociétés BIAO-CI et BICICI à payer la somme de 27.040.390 F CFA pour non respect des obligations légales incombant aux tiers saisis, Ordonnance en exécution de laquelle la requérante a entrepris des mesures d’exécution à l’encontre de la BIAO-CI, laquelle a procédé le 11 juin 2002 au paiement de la somme de 30.270.251 F CFA ; qu’il apparaît donc au vu de ce qui précède que le paiement de la somme de 30.270.251 F CFA par la BIAO l’a été à titre personnel au titre de la condamnation prononcée à son encontre ; que par conséquent, la Cour d’appel d’Abidjan, en statuant comme elle l’a fait a manifestement méconnu les dispositions des articles 38 et 156 susévoqués ;
Attendu que les articles 38 et 156 de l’Acte uniforme susvisé disposent respectivement que « les tiers ne peuvent faire obstacle aux procédures en vue de l’exécution ou de la conservation des créances. Ils doivent y apporter leur concours lorsqu’ils en sont légalement requis. Tout manquement par eux à ces obligations peut entraîner leur condamnation à verser des dommages-intérêts. Le tiers entre les mains duquel est pratiquée une saisie peut également, et sous les mêmes conditions, être condamné au paiement des causes de la saisie, sauf son recours contre le débiteur » et « le tiers saisi est tenu de déclarer au créancier l’étendue de ses obligations à l’égard du débiteur ainsi que les modalités qui pourraient les affecter et, s’il y a lieu, les cessions de créances, délégations ou saisies antérieures. Il doit communiquer copie des pièces justificatives.
Ces déclarations et communications doivent être faites sur le champ à l’huissier ou à l’agent d’exécution et mentionnées dans l’acte de saisie ou, au plus tard dans les cinq jours si l’acte n’est pas signifié à personne.
Toute déclaration inexacte, incomplète ou tardive expose le tiers saisi à être condamné au paiement des causes de la saisie, sans préjudice d’une condamnation au paiement de dommages-intérêts » ;
Attendu que la Cour d’appel d’Abidjan, pour rendre l’Arrêt n°685 du 22 juin 2004, objet du présent pourvoi, a été saisie sur appel relevé contre l’Ordonnance n°1455 du 31 mars 2004 ayant ordonné la mainlevée d’une saisie-attribution de créance pratiquée par COLINA S.A au préjudice de UTB S.A ; que la Cour d’appel a confirmé l’ordonnance attaquée en toutes ses dispositions au motif, entre autres, « que la COLINA S.A. ne contestant pas que l’exécution entreprise par elle, a abouti au paiement de la somme de 31.772.251 francs pour une condamnation principale de 27.040.390 F CFA, elle ne peut donc entreprendre une exécution du même Arrêt n°270 du 05 mars 1999 » ; que la Cour d’appel n’ayant été saisie ni du problème de responsabilité d’un tiers, ni de celui d’un tiers saisi, l’arrêt attaqué n’a pu violer les dispositions susénoncées des articles 38 et 156 de l’Acte uniforme susvisé ; qu’il s’ensuit que le premier moyen n’est pas fondé et doit être rejeté ;
Sur le second moyen
Vu l’article 153 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé ou commis une erreur dans l’interprétation des articles 153 et 157 de l’Acte uniforme susvisé en ce que la Cour d’appel, pour conclure à la confirmation de l’Ordonnance de référé n°1455 du 31 mars 2004 a soutenu que « la COLINA S.A réclame des intérêts de droit à compter de la date d’assignation, alors que l’arrêt dont l’exécution est entreprise est relatif à un problème de responsabilité civile, de sorte qu’il a un caractère constitutif … en ce sens que les intérêts de cette créance courent non pas à compter de l’assignation, mais à compter de la décision de condamnation… ainsi les intérêts calculés à compter de l’assignation ne sont pas dus » alors que, selon le moyen, de l’analyse des articles 153 et 157 susindiqués, le créancier disposant d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, pratiquer une mesure de saisie-attribution de créance à l’encontre de son débiteur, cette mesure d’exécution devant consister en la réclamation du paiement non seulement du principal mais également des intérêts de droit et frais dûs au titre de la décision de condamnation ; que toujours, selon le moyen, l’arrêt du 05 mars 1999 est admis par la jurisprudence, contrairement à ce que soutient la Cour d’appel, comme étant une décision déclarative de droit en ce qu’il ne fait que constater une situation préexistante et contraindre le débiteur à exécuter une prestation à laquelle il est tenu en cas de non respect du délai de préavis prévu par l’article 9 de la convention du 07 mars 1995 liant les parties et l’article 21 du code CIMA ; que la créance existant déjà au jour de la demande en justice, c’est à juste titre que la bénéficiaire a fait courir les intérêts de droit dûs par la Société UTB à partir de la date de l’assignation introductive d’instance jusqu’à la date de la remise du chèque de règlement du principal par la BIAO-CI en sa qualité de tiers saisi ;
Attendu qu’aux termes de l’article 153 de l’Acte uniforme susvisé, « tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible, peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers des créances de son débiteur portant sur une somme d’argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations » ;
Attendu qu’il ressort de l’analyse des dispositions susénoncées de l’article 153 de l’Acte uniforme susvisé que pour qu’un créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance puisse, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur, il faut que ladite créance soit liquide et exigible ;
Attendu, en l’espèce, que COLINA S.A avait procédé à la saisie-attribution de créance du 10 mars 2004 en vue de recouvrer, selon elle, les intérêts de droit découlant de l’Arrêt de condamnation n°270 du 05 mars 1999 et allant du jour de l’assignation à la date de la remise du chèque de règlement du principal par la BIAO-CI en sa qualité de tiers saisi ainsi que les frais ;
Mais attendu que l’arrêt n°270 du 05 mars 1999, bien qu’ayant condamné UTB S.A. à payer la somme de 27.040.390 F à COLINA S.A. à titre d’indemnité de préavis, n’a à aucun moment précisé à partir de quelle date doivent courir les intérêts de droit, cette date pouvant être soit le jour de l’assignation, soit le jour de l’arrêt, soit le jour de signification de l’arrêt ; que d’autre part, les dépens réclamés par COLINA S.A. n’ont ni été liquidés par le jugement, ni fait l’objet d’une taxation par le Président du Tribunal ; que de tout ce qui précède, les intérêts de droit et les frais réclamés par COLINA S.A n’étant pas liquides, ne peuvent donc être recouvrés en application de l’article 153 susénoncé de l’Acte uniforme susvisé ; qu’en ordonnant la mainlevée de la saisie-attribution du 05 mars 2004, la Cour d’appel n’a en rien violé les dispositions dudit article 153 et qu’en conséquence le second moyen n’est pas fondé et doit être rejeté ;
Attendu que COLINA S.A ayant succombé, il échet de la condamner aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Rejette le pourvoi formé par COLINA S.A ;
La condamne aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier