ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Deuxième chambre
Audience Publique du 29 juin 2006
POURVOI n° : 117/2003/PC du 11 décembre 2003
AFFAIRE : CISSE DRISSA
(Conseil : Maître BERTE Mory, Avocat à la Cour)
Contre
Société Ivoirienne d’Assurances Mutuelles dite SIDAM
(Conseils : SCPA MOISE-BAZIE, KOYO, ASSA-AKOH, Avocats à la Cour)
ARRET N°015/2006 du 29 juin 2006
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), Deuxième Chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 29 juin 2006 où étaient présents :
Messieurs Antoine Joachim OLIVEIRA, Président
Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge
Boubacar DICKO, Juge, rapporteur
et Maître ASSIEHUE Acka, Greffier ;
Sur le renvoi, en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans de l’affaire CISSE DRISSA contre la Société Ivoirienne d’Assurances Mutuelles dite SIDAM par Arrêt n°517/03 du 16 octobre 2003 de la Cour Suprême de COTE D’IVOIRE, Chambre judiciaire, formation civile, saisie d’un pourvoi formé le 11 avril 2003 par Maître BERTE Mory, Avocat à la Cour, demeurant à Abidjan, Plateau, rue du commerce, immeuble Nassar et Gaddar, 18 BP 2232 Abidjan 18, agissant au nom et pour le compte de Monsieur CISSE Drissa, cultivateur, demeurant à Abidjan, ès-qualité de représentant légal de son fils mineur CISSE Zoumana, dans la cause qui l’oppose à la Société Ivoirienne d’Assurances Mutuelles, dite SIDAM, demeurant à Abidjan, immeuble SIDAM, 34, avenue Houdaille, 01 BP 1217 Abidjan 01, ayant comme conseils la SCPA MOISE –BAZIE, KOYO, ASSA –AKOH, Avocats à la Cour, demeurant à Abidjan, 8, rue B15 (Ruelle Clinique GOCI) Cocody, 08 BP 2614 Abidjan 08, en cassation de l’Arrêt n°865 rendu le 05 juillet 2002 par la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;
Déclare l’appel de la SIDAM recevable ;
L’y dit bien fondée ;
Infirme le jugement querellé ;
Statuant à nouveau ;
Annule l’Ordonnance d’injonction de payer n°3849/2001 rendue par la Juridiction Présidentielle d’Abidjan le 27 avril 2001 ;
Condamne l’intimé CISSE Drissa aux dépens. » ;
Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi le moyen unique de cassation tel qu’il figure à la requête annexée au présent Arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Boubacar DICKO ;
Vu les dispositions des articles 13, 14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que suite à un accident de la circulation survenu à Abidjan le 29 janvier 1998, le jeune CISSE Zoumana, gravement blessé, fut amputé d’un membre inférieur ; que la Société Ivoirienne D’Assurances Mutuelles dite SIDAM qui assurait le véhicule automobile ayant causé ledit accident entamait une procédure de transaction avec Monsieur CISSE Drissa, père de la victime, laquelle aboutissait au paiement à ce dernier de la somme de 6.127.844 francs CFA ainsi qu’il résulte du « Procès-verbal de transaction (blessures) conformément aux dispositions du livre I et II du code CIMA entré en vigueur le 15 février 1995 » en date du 31 mars 1999 signé par les deux parties ; que ledit procès-verbal mentionne notamment que « la présente transaction est réalisée par les parties, conformément aux dispositions du code des assurances et aux articles 2044 et suivants du code civil » et que « le représentant de la victime mineure déclare avoir transigé en toute connaissance de cause, après avoir pris connaissance du rapport d’expertise médicale du Professeur KOUASSI Jean-Claude et s’interdit de formuler à l’avenir toute réclamation, de quelque nature qu’elle soit quant à l’état de son fils relativement aux prothèses dont il se charge de la fourniture. La réparation faite par le paiement de l’indemnité constituant une réparation définitive dégageant la SIDAM et son assuré de toute dette ultérieure relativement aux mêmes faits » ; que cependant, ayant prétendu que cette transaction n’avait abouti jusqu’à présent qu’à un règlement partiel des préjudices subis par son fils, « à savoir des indemnités relatives au corporel, celles des prothèses étant toujours en souffrance », Monsieur CISSE Drissa faisait servir à la SIDAM un « exploit de mise en demeure de payer » en date du 15 février 2001 intimant de lui verser la somme principale de 8.507.500 francs CFA « sous réserves d’autres [frais] » représentant, selon lui, le montant de prothèses prescrites par des experts pour son fils ; que cette mise en demeure n’ayant pas été suivie d’effet par la SIDAM, Monsieur CISSE Drissa saisissait le Président du Tribunal de première instance d’Abidjan d’une requête aux fins d’injonction de payer en date du 22 juin 2000 à l’effet de condamner la SIDAM au paiement de « la somme de 8.507.500 francs CFA, représentant le montant de sa créance en principal sous réserve des frais, intérêts et celui des dépens subséquents à la procédure. » ; que sur la base de cette requête, le Président du Tribunal de première instance d’Abidjan rendait l’Ordonnance d’injonction de payer n°4690/2000 en date du 22 juin 2000 qui faisait droit à la demande du requérant ; que sur opposition relevée par la SIDAM, le Tribunal de première instance d’Abidjan rendait le Jugement n°27/CIV/2B2-1 en date du 05 février 2001 qui rétractait ladite ordonnance ; que cependant, nonobstant le jugement précité qui n’avait fait l’objet d’aucune voie de recours, Monsieur CISSE Drissa initiait une nouvelle requête aux fins d’injonction de payer en date du 26 avril 2001 relative au paiement par la SIDAM du même montant susindiqué ; que sur la base de cette nouvelle et seconde requête, le Président du Tribunal de première instance d’Abidjan rendait l’Ordonnance d’injonction de payer n°3849/2001 en date du 27 avril 2001 ; que par exploit en date du 06 juin 2001, la SIDAM formait opposition à cette ordonnance et, statuant sur cette opposition, le Tribunal de première instance d’Abidjan rendait le Jugement n°983/CIV3 en date du 28 novembre 2001 lequel, après avoir constaté que la SIDAM était déchue de son opposition, condamnait celle-ci à payer à Monsieur CISSE Drissa la somme de 8.507.500 francs CFA ; que par exploit en date du 27 décembre 2001, la SIDAM relevait appel du jugement précité devant la Cour d’appel d’Abidjan ; que celle-ci, par Arrêt n°865 rendu le 05 juillet 2002, déclarait l’appel de la SIDAM bien fondé, infirmait le jugement entrepris et, statuant à nouveau, annulait l’Ordonnance d’injonction de payer n°3849/2001 rendue le 27 avril 2001 par le Tribunal de première instance d’Abidjan ; que par exploit en date du 11 avril 2003, Monsieur CISSE Drissa s’étant pourvu en cassation contre l’arrêt précité devant la Cour Suprême de COTE D’IVOIRE, par Arrêt n°517/03 en date du 16 octobre 2003, celle-ci se dessaisissait de l’affaire au profit de la Cour de céans ;
Sur le moyen unique
Vu l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir violé la loi ou commis une erreur dans l’application ou l’interprétation de la loi, en particulier l’article 11 de l’Acte uniforme susvisé, en ce que ledit article disposant que « L’opposant est tenu à peine de déchéance et dans le même acte que celui de l’opposition :
– de signifier son recours à toutes le parties et au greffe de la juridiction ayant rendu la décision d’injonction de payer ;
- de servir assignation à comparaître devant la juridiction compétente à une date fixe qui ne saurait excéder le délai de trente jours à compter de l’opposition. », la Cour d’appel, pour infirmer le Jugement n°983 du 28 novembre 2001, dont appel, et annuler l’Ordonnance d’injonction de payer n°3849 en date du 27 avril 2001, a estimé que « la créance poursuivie n’est point contractuelle au sens des articles 1er et suivants de l’Acte uniforme, mais née d’un quasi-délit et, comme telle, est recouvrée suivant la procédure spéciale édictée par le code CIMA » ; qu’en statuant ainsi alors que l’article 11 précité ne fait pas cette distinction, la Cour d’appel a manifestement erré ; qu’en effet, selon le requérant, le problème posé en l’espèce ne consistait pas en la recherche de la nature de la créance recouvrée, mais en l’exercice régulier de la voie de recours par la SIDAM ; que si Monsieur CISSE Drissa, pour le recouvrement d’une créance née d’un quasi-délit, a procédé selon la procédure d’injonction de payer, il était loisible à la SIDAM d’exercer régulièrement son opposition contre la décision de condamnation ; que l’irrégularité de son opposition entraînant la déchéance, il s’ensuit qu’on ne saurait valablement considérer qu’il y a eu opposition, de sorte que la décision du Tribunal se justifie pleinement contrairement à celle de la Cour qui viole « gravement » les dispositions de l’article 11 susénoncé de l’Acte uniforme susvisé, lequel ne prévoit pas la distinction faite par la Cour d’appel à savoir que la déchéance n’est relevée que si la créance poursuivie est contractuelle ; qu’il s’ensuit que l’arrêt attaqué mérite d’être cassé ;
Mais attendu, s’il est vrai que l’article 11 de l’Acte uniforme susvisé sanctionne de déchéance l’opposant qui, dans le même acte que celui de l’opposition, n’a pas signifié son recours à toutes les parties et au greffe de la juridiction ayant rendu la décision d’injonction de payer et n’a pas servi assignation à comparaître devant la juridiction compétente à une date fixe qui ne saurait excéder le délai de trente jours à compter de l’opposition, l’application de cette disposition ne saurait toutefois être envisagée que dans le cadre strict d’une procédure d’injonction de payer régulièrement introduite et qui est conforme, quant à la nature même de la créance recouvrée, aux prescriptions de l’article 2 dudit Acte uniforme selon lequel cette procédure ne peut être introduite que lorsque la créance dont s’agit a une cause contractuelle et lorsque l’engagement résulte de l’émission ou de l’acceptation de tout effet de commerce, ou d’un chèque dont la provision s’est révélée inexistante ou insuffisante ;
Attendu en l’espèce qu’il ne peut être contesté que la créance dont le recouvrement est poursuivi par la présente procédure d’injonction de payer ne revêt aucun caractère contractuel ; qu’en effet, le fait juridique constituant le fondement direct et immédiat du droit réclamé par le requérant, en d’autres termes, la cause de sa demande, a pour socle l’accident de la circulation et ses conséquences dommageables dont son fils CISSE Zoumana fut victime ; que cet accident, qui est un quasi-délit, fonde l’action civile en réparation régie par les règles de la responsabilité civile ; que dès lors, la réclamation du requérant n’obéissant pas aux prescriptions de l’article 2 précité de l’Acte uniforme susvisé, celui-ci, par conséquent, ne pouvait ni exercer la procédure d’injonction de payer, ni, a fortiori, reprocher à l’arrêt attaqué « d’avoir violé la loi ou commis une erreur dans l’application ou l’interprétation de la loi, en particulier l’article 11 de l’Acte uniforme » susvisé ; d’où il suit que le pourvoi est irrecevable ;
Attendu que Monsieur CISSE Drissa ayant succombé, doit être condamné aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Déclare le pourvoi irrecevable ;
Condamne le requérant aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier