ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Troisième Chambre
Audience Publique du 4 décembre 2012
Pourvoi : n° 096 /2009/PC du 02/10/2009
Affaire : Banque Nationale d’Investissement (BNI)
(Conseil : Maître OBENG KOFI Fian, Avocat à la Cour)
contre
AKOBE Georges Armand
(Conseil : Maître KAUDJHIS-OFFOUMOU, Avocat à la Cour)
ARRET N° 087/2012 du 4 décembre 2012
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Troisième Chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 4 décembre 2012 où étaient présents :
Messieurs Ndongo FALL, Président, rapporteur
Abdoulaye Issoufi TOURE, Juge
Victoriano OBIANG ABOGO, Juge
et Maître Paul LENDONGO, Greffier en chef,
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans sous le n°096/2009/PC le 02 octobre 2009 et formé par Maître OBENG-KOFI Fian, Avocat à la Cour, au nom et pour le compte de la Banque Nationale d’Investissement (BNI), société d’Etat dont le siège social est à Abidjan- Plateau (Côte d’Ivoire), Immeuble SCIAM, Avenue Marchand, 01 BP 670 Abidjan 01, représentée par son Président Directeur Général Monsieur NEMBELESSINI-SILUE Victor Jérôme, dans la cause l’opposant à Monsieur AKOBE Georges Armand, économiste financier, demeurant à Cocody Riviera IV, Abidjan (République de Côte d’Ivoire), 01 BP 2940 Abidjan 01,en cassation de l’Arrêt n°132/09 du 27 juillet 2009 rendu par la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant sur le siège, publiquement, contradictoirement, en matière sociale et en dernier ressort ;
Reçoit la BNI et Monsieur AKOBE Georges Armand en leurs appels respectifs ;
Dit la BNI mal fondée et l’en déboute ;
Déclare en revanche AKOBE Georges Armand partiellement fondé et réforme en conséquence le jugement querellé ;
Statuant à nouveau :
Condamne la BNI à lui payer ; les sommes suivantes :
- 227 668 860 francs CFA à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;
- 21 554 760 francs CFA à titre d’indemnité de licenciement ;
- 37 944 810 francs CFA à titre de préavis ;
- 25 296 540 francs CFA à titre d’indemnité aggravatrice de préavis ;
- 4 929031 francs CFA à titre de gratification ;
- 12 648 270 francs CFA à titre d’indemnité de congé ;
- 87 079 842 à titre d’indemnité spéciale ;
Soit la somme totale de 417 122 113 francs CFA ( quatre cent dix sept millions cent vingt deux mille cent treize francs) ;
Confirme le jugement pour le surplus … » ;
La requérante invoque à l’appui dudit pourvoi deux moyens tels qu’ils figurent dans sa requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Ndongo FALL ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage ;
Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure les faits suivants :
Dans le cadre de la restructuration de la Caisse Autonome d’Amortissement (CAA), société d’Etat Ivoirienne créée par le Décret n°98/11 du 14 Janvier 1998, le Ministre de l’Economie et des Finances de Côte d’Ivoire a, par Arrêté n°305 du 13 Novembre 2001, créé un comité présidé par le Président du Conseil d’Administration de la CAA et composé de cinq membres parmi lesquels Monsieur AKOBE Georges Armand, Economiste, défendeur au présent pourvoi.
Suivant délibération du Conseil d’Administration de la CAA en date du 14 novembre 2001, Monsieur AKOBE a été nommé Directeur Général Adjoint de la société avec pour missions d’organiser et superviser les activités du «corps business» comprenant les directions opérationnelles, étant spécifié que ses rémunérations et avantages devaient être précisés dans le contrat de travail à intervenir entre l’intéressé et la CAA.
Ledit contrat de travail, quand bien même ne serait-il pas daté, a été signé et a effectivement pris effet pour régir les relations entre Monsieur AKOBE Georges Armand et la CAA devenue entre temps la Banque Nationale d’Investissement (BNI) en vertu du Décret n°2004/188 du 19 Février 2004 jusqu’au 13 Juin 2007, date à laquelle, alors qu’il était en congé, par une délibération du Conseil d’Administration, Monsieur AKOBE est révoqué de ses fonctions de Directeur Général Adjoint en raison de dysfonctionnements dans le traitement des opérations sur le fonds de la Coopération Technique Belge ayant occasionné un détournement de FCFA 1 424 325 395 logé sur un compte domicilié à la BNI. Poursuivi du chef de ce détournement, Monsieur AKOBE a bénéficié d’une ordonnance de non-lieu en date du 28 janvier 2008 du Juge d’instruction du Tribunal de Première instance d’Abidjan et a attrait en justice la BNI pour obtenir paiement de ses droits.
Par jugement n°185 rendu le 29 janvier 2009, le Tribunal du Travail d’Abidjan qui a estimé le licenciement abusif a condamné la BNI à payer à Monsieur AKOBE Georges Armand des sommes d’argent au titre de divers droits.
Sur appels des parties, la Cour d’Appel d’Abidjan a rendu le 17 Juillet 2009 l’Arrêt n°132 confirmant le jugement attaqué sur le caractère abusif du licenciement et le réformant sur le quantum des condamnations.
C’est cet arrêt dont est pourvoi.
Sur le premier moyen de cassation pris en ses deux branches
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé les dispositions des articles 473 et 426 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, en ce que la Cour d’appel, d’une part a considéré Monsieur AKOBE Georges Armand qui, en sa qualité de directeur général adjoint de la BNI, était en réalité un mandataire social régi par ledit Acte uniforme, comme un salarié au sens du droit ivoirien du travail, en se fondant uniquement sur le fait que les procès-verbaux des réunions du conseil d’administration ne le désignaient pas comme administrateur et sans prouver que son contrat de travail correspondait à un emploi effectif, d’autre part d’avoir estimé que quand bien même Monsieur AKOBE serait revêtu de la qualité de mandataire social, l’exercice d’un mandat n’exclut pas « des prestations ou emploi pouvant faire l’objet d’un contrat de travail » ;
Attendu qu’il résulte des dispositions combinées des articles 473 et 426 dudit Acte uniforme que :
« Le directeur général adjoint peut être lié à la société par un contrat de travail dans les conditions prévues à l’article 426 du présent Acte uniforme », article aux termes duquel, « sauf stipulations contraires des statuts, un salarié de la société peut être nommé administrateur si son contrat correspond à un emploi effectif [et que] de même, un administrateur peut conclure un contrat de travail avec la société si ce contrat correspond à un emploi effectif […] » ;
Attendu que la Cour d’appel en estimant que Monsieur AKOBE qui, au regard des pièces du dossier, n’avait pas la qualité d’administrateur n’est pas astreint à faire la preuve de l’effectivité de l’emploi visé dans le contrat de travail qu’il a conclu avec la BNI et que même s’il était un mandataire social, l’exercice d’un mandat social n’exclut pas des prestations ou un emploi pouvant faire l’objet d’un contrat de travail qui en l’occurrence consistait en la supervision des directions techniques, a fait une juste interprétation desdites dispositions dont la violation est alléguée par le moyen qui doit en conséquence être rejeté ;
Sur le deuxième moyen de cassation tiré du « défaut de base légale résultant de l’insuffisance de motifs » pris en ses deux branches
Attendu que la requérante reproche également à la décision attaquée, d’une part, d’avoir soutenu, sans le démontrer que Monsieur AKOBE travaillait sous la subordination juridique du Président Directeur Général et du Conseil d’Administration, d’où sa qualité de travailleur salarié, d’autre part, de « s’être bornée à se servir de la supervision des directions techniques qu’assurait Monsieur AKOBE Georges Armand, prétendument sous la subordination du Président Directeur Général, pour justifier sa qualité de travailleur … [sans] dire en quoi cette mission … confiée par délibération du Conseil d’Administration … ne relevait pas du droit des sociétés, mais du droit du travail » ;
Mais attendu que la Cour d’appel qui a, par une appréciation souveraine des faits de la cause, relevé que le contrat de travail signé entre les parties correspond bien à un emploi salarié consistant en la supervision des directions techniques sous l’autorité du Président Directeur Général et du Conseil d’Administration comme en attestent les pièces du dossier notamment les procès-verbaux de réunion du Conseil d’administration et les bulletins de salaires produits au dossier, en a déduit justement qu’en application des dispositions du droit ivoirien du travail que le licenciement de Monsieur AKOBE sans motif légitime justifie les divers droits qui lui ont été alloués ;
Qu’il s’ensuit que ce moyen doit être également rejeté comme étant mal fondé ;
Attendu qu’il échet de rejeter en conséquence le recours en cassation de la BNI ;
Attendu que la BNI ayant succombé doit être condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Rejette ledit pourvoi ;
Condamne la Banque Nationale d’Investissement aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier en chef