ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

Première chambre

Audience publique du 29 juin 2006

Pourvoi : n°092/2004/PC du 03 août 2004

Affaire : Centre National de Recherche Agronomique dit CNRA

 (Conseils: Maître OBENG-KOFI FIAN, Avocat  à la Cour)

 Contre

AFFE-CI Sécurité SARL  

 (Conseil : Maître KOHOU LEBAILLY Gisèle, Avocat à la Cour)

ARRET n° 011/2006 du 29 juin 2006

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A), Première chambre, de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A) a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 29 juin 2006 où étaient présents :

 

Messieurs Jacques M’BOSSO,                       Président

Maïnassara MAIDAGI,                  Juge

Biquezil NAMBAK,                       Juge, rapporteur

 

et Maître OUATTARA Yacouba,  Greffier ;

 

Sur le renvoi, en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans de l’affaire Centre National de Recherche Agronomique dit CNRA contre société AFFE-CI Sécurité, ayant pour conseil Maître KOHOU LEBAILLY Gisèle, Avocat à la Cour, par Arrêt n° 252/04 de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire, Chambre judiciaire, saisie d’un pourvoi formé le 18 août 2003 par Maître OBENG-KOFI FIAN, Avocat à la Cour, y demeurant 19, boulevard Angoulvant, Résidence Neuilly, aile gauche, 2è étage, 01 B.P. 6514 Abidjan 01, agissant au nom et pour le compte du Centre National de Recherche Agronomique sis à Abidjan, Km 17, 01 B.P. 1740 Abidjan 01, en cassation de l’Arrêt n° 762 rendu le 10 juin 2003 par la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :

« Statuant publiquement, contradictoirement en matière de référé et en dernier ressort ;

 

Déclare recevable et bien fondé l’appel de la société AFFE-CI Sécurité SARL relevé de l’Ordonnance de référé n° 1587 rendue le 8 avril 2003 par le juge des référés du Tribunal de première instance d’Abidjan ;

Infirme ladite ordonnance en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau ;

Rejette comme non fondée l’action du CNRA tendant à la mainlevée de la saisie attribution pratiquée ;

Ordonne la continuation de l’exécution ;

Condamne le CNRA aux dépens » ;

Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à l’acte de pourvoi annexé au présent arrêt ;

 

Sur le rapport de Monsieur le Juge Biquezil NAMBAK ;

Vu les dispositions des articles 13, 14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

 

Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que, par contrat en date du 30 avril 1999, le CNRA avait confié le gardiennage et la surveillance de ses locaux et installations à la société AFFE-CI Sécurité contre le paiement de la somme mensuelle de 5.748.960 F ; qu’estimant que le CNRA lui restait redevable des arriérés, la société AFFE-CI Sécurité avait sollicité et obtenu, par Ordonnance d’injonction de payer n° 339/03 rendue le 20 janvier par le Président du Tribunal de première instance d’Abidjan, sa condamnation au paiement de la somme principale de 57.489.600 F ; que ladite ordonnance étant devenue définitive, la société AFFE-CI Sécurité pratiquait une saisie attribution sur les comptes bancaires du CNRA ouverts à la SIB et à la BICICI pour avoir paiement de sa créance ; que sur contestation du CNRA, le juge des référés du Tribunal de première instance d’Abidjan Plateau avait, par Ordonnance n° 1587 du 8 avril 2003, ordonné la mainlevée de la saisie attribution pratiquée ; que sur appel de AFFE-CI Sécurité, la Cour d’appel d’Abidjan, par Arrêt n° 762 du 10 juin 2003 dont pourvoi, infirmait l’ordonnance querellée en toutes ses dispositions ; que sur pourvoi du CNRA, la Cour Suprême de Côte d’Ivoire, après avoir relevé que l’affaire soulève des questions relatives à l’application de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, s’est dessaisie du dossier de la procédure au profit de la Cour de céans ;

 

Sur le second moyen

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué l’omission de statuer en ce que la Cour d’appel ne s’est pas prononcée sur la saisissabilité ou non des sommes saisies alors que, selon le moyen, le CNRA a fait observer qu’il accomplit une mission de service public et, à ce titre, reçoit de l’Etat de Côte d’Ivoire des fonds logés sur des comptes ouverts dans les établissements financiers de la place qui sont insaisissables aux termes des dispositions non abrogées de l’article 271 du Code ivoirien de procédure civile ;

 

Attendu qu’il résulte tant des énonciations de l’arrêt attaqué que des conclusions produites en cause d’appel le 17 avril 2003 que le CNRA a, en substance, déclaré en contestation de la saisie pratiquée sur ses comptes bancaires, que les sommes mises sous main de justice étaient des subventions allouées par l’Etat au CNRA à titre périodique, donc des deniers publics insaisissables ;

 

Attendu que, pour statuer comme elle l’a fait, la Cour d’appel d’Abidjan non seulement s’est prononcée sur l’immunité d’exécution dont ne s’est prévalu à aucun moment le CNRA, mais aussi, n’a  pas répondu à la demande que lui a formulée très clairement ce dernier de « confirmer l’ordonnance querellée par substitution de motifs, en jugeant que les sommes saisies sont insaisissables parce qu’elles sont des subventions allouées par l’Etat » ; que ce faisant, la Cour d’appel a commis une omission de statuer et exposé son arrêt à la cassation ; qu’il échet en conséquence de casser ledit arrêt et d’évoquer sans qu’il soit besoin d’examiner le premier moyen ;

 

Sur l’évocation

Attendu que par exploit en date du 15 avril 2003, la société AFFE-CI Sécurité a relevé appel de l’Ordonnance n° 1587 rendue le 08 avril 2003 par la juridiction présidentielle du Tribunal de première instance d’Abidjan, laquelle a constaté la nullité de la saisie pratiquée le 14 mars 2003 et en a ordonné la mainlevée ; que l’appelante soulève la nullité de ladite ordonnance pour non communication de pièces, notamment le décret invoqué par le CNRA pour soutenir qu’il est un établissement public, et pour non communication de la procédure au ministère public, du fait de la qualité d’établissement public à caractère administratif que revendique le CNRA et sollicite en conséquence que soit déclarée bonne et valable la saisie attribution pratiquée ;

 

Attendu que le CNRA, intimé, soutient pour sa part au sujet de la nullité de l’ordonnance soulevée par l’appelante que l’exception de communication de pièces n’a pas pour objet l’annulation de la décision d’une part, et, d’autre part, qu’il a seulement déclaré, en contestation de la saisie pratiquée sur ses comptes bancaires, que le CNRA exécute une mission de service public que constitue la recherche agronomique en Côte d’Ivoire et, à ce titre, reçoit de l’Etat des fonds logés sur des comptes ouverts dans les Etablissements financiers de la place ; que lesdits comptes reçoivent ainsi des deniers publics insaisissables aux termes de l’article 271 du Code ivoirien de procédure civile ; qu’en raison de l’insaisissabilité des sommes saisies, le CNRA a sollicité que soit déclarée nulle la saisie pratiquée et que soit ordonnée en conséquence la mainlevée pure et simple de celle-ci ; que c’est sur cette argumentation, sous-tendue notamment par le Décret n° 98-328 du 15 juin 1998, que le juge des référés était appelé à statuer ;

 

Sur la demande d’annulation de l’Ordonnance n° 1587 du 08 avril 2003

Vu les articles 51 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution et 271 du Code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative ;

 

Attendu qu’aux termes des articles 51 de l’Acte uniforme et 271 du Code ivoirien de procédure susvisés, « les biens et droits insaisissables sont définis par chacun des Etats parties » et « sont insaisissables les sommes allouées par l’Etat… à titre de secours individuel, périodique ou éventuel quels qu’en soient le chiffre et le bénéficiaire… » ;

 

Attendu en l’espèce, qu’il est constant comme résultant des pièces du dossier de la procédure que les sommes saisies attribuées sur les comptes bancaires du CNRA résultent d’une subvention mensuelle dite d’équilibre personnel virée sur le compte du CNRA ouvert à la Société Ivoirienne de Banque dite SIB par la Paierie Générale du Trésor et du versement par ladite Paierie dans un autre compte ouvert à la même SIB des compensations de la valeur des taxes à la charge de l’Etat sur les financements des projets pris en charge par la Banque Mondiale ; que les sommes saisies ayant donc un caractère insaisissable en vertu des dispositions combinées des articles 51 et 271 susénoncés de l’Acte uniforme et du Code ivoirien de procédure susvisés, il y a lieu de rejeter la demande d’annulation de l’ordonnance querellée en confirmant celle-ci en toutes ses dispositions et en ordonnant la mainlevée de la saisie attribution de créances pratiquée sur lesdites sommes ;

Attendu que la société AFFE-CI Sécurité ayant succombé, il y a lieu de la  condamner aux dépens ;

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Casse l’Arrêt n° 762 rendu le 10 juin 2003 par la Cour d’appel d’Abidjan ;

Evoquant et statuant sur le fond,

Déclare recevable mais mal fondé l’appel de la société AFFE-CI Sécurité relevé de l’Ordonnance de référé n° 1587 rendue le 08 avril 2003 par le juge des référés du Tribunal de première instance d’Abidjan ;

Confirme ladite ordonnance en toutes ses dispositions ;

Ordonne la mainlevée de la saisie attribution pratiquée ;

Condamne la société AFFE-CI Sécurité aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

 Le Président

 Le Greffier