ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Deuxième chambre
Audience Publique du 23 novembre 2017
Pourvoi : n°093/2016/PC du 27/04/2016
Affaire : Bolloré Africa Logistics Mali, ex SDV Mali SA, dite BAL Mali SA
(Conseils : Cabinet GOÏT’AS SCPA, Avocats à la Cour)
Contre
Monsieur Mamadou BOUNDY
(Conseils : Cabinet BERTHE & KONE, Avocats à la Cour)
Arrêt N° 201/2017 du 23 novembre 2017
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième Chambre, a rendu l’arrêt suivant, en son audience publique du 23 novembre 2017 où étaient présents :
Messieurs Mamadou DEME, Président,
Victoriano OBIANG ABOGO, Juge,
Idrissa YAYE, Juge, rapporteur,
Birika Jean-Claude BONZI, Juge,
Fodé KANTE, Juge,
et Maître Jean-Bosco MONBLE, Greffier,
Sur le pourvoi enregistré au greffe de cette Cour le 27 avril 2016 sous le n°093/2016/PC et formé par le Cabinet GOÏT’AS, SCPA sis à Sotuba ACI, près de l’école les Lutins, BP 2696 Bamako, agissant au nom et pour le compte de la société anonyme Bolloré Africa Logistics Mali en abregé, BAL Mali SA, ex SDV Mali SA, dont le siège social est sis à la rue Baba DIARRA au Centre commercial, BP 2454 Bamako, représentée par son directeur général, monsieur Aly M’baye KANE, dans la cause l’opposant à monsieur Mamadou BOUNDY, transporteur domicilié à Magnambougou, rue 336, porte 1199, BP E 2592 Bamako, ayant pour conseils le Cabinet BERTHE & KONE, avocats associés, demeurant à Hamdallaye ACI 2000, rue 286, porte 1718, BP 8025 Bamako, en cassation de l’arrêt n° 002/2016 rendu le 06 janvier 2016 par la Cour d’appel de Bamako et dont le dispositif est le suivant :
« PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière commerciale et en dernier ressort ;
En la forme : Reçoit l’appel principal et l’appel incident ;
Au fond : Infirme le jugement entrepris ;
STATUANT A NOUVEAU :
Reçoit la demande de réparation de préjudice de Mamadou BOUNDY, la déclare bien fondée ;
Condamne la société Bolloré Africa Logistic Mali SA (BALMALI SA) Ex SDV Mali SA à payer à Mamadou Boundy la somme de six Cent quatre vingts et cinq millions neuf cent quatre Mille cinq cents francs CFA (685 904 500) FCFA à titre de réparation de préjudice ; Déboute le demandeur du surplus ;
Rejette la demande reconventionnelle de Bolloré Africa Logistic Mali SA (Ex SDV Mali SA) comme étant mal fondée ;
Met les dépens à sa charge. » ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi, les cinq moyens de cassation, tels qu’ils figurent à sa requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur Idrissa YAYE, Juge ;
Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que le 02 avril 2008, la société BAL Mali SA a reçu, des mains des douaniers ayant saisi la marchandise, un camion contenant 1180 colis de lubrifiants qui furent entreposés dans les magasins sous douane gérés par BAL Mali SA à Faladiè, suivant bon de réception n° 01446 du même jour ; que le propriétaire desdits colis n’a pu procéder aux formalités douanières et au règlement des droits et taxes et ainsi procéder à l’enlèvement de sa marchandise que le 11 septembre 2008 ; que dans cette intervalle de temps, le contrat de fourniture de lubrifiant qu’il a conclu le 02 avril 2008 avec monsieur Fousseyni DIAKITE a été résilié par ce dernier le 15 août 2008 pour non-exécution dans le délai imparti ; que le 09 septembre 2013, Mamadou BOUNDY a assigné la société BAL Mali SA devant le tribunal de commerce de Bamako en réparation du préjudice souffert par lui du fait de cette résiliation ; que par jugement n°165/14 du 26 février 2014, ledit tribunal a déclaré son action prescrite en application des dispositions des articles 16 et 17 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général ; que sur appel de Mamadou BOUNDY, la cour d’appel de Bamako a rendu l’arrêt infirmatif n°002/2016, objet du présent pourvoi en cassation ;
Sur la compétence de la Cour de céans
Attendu que le défendeur au pourvoi a soulevé, in limine litis, l’exception d’incompétence de la Cour de céans à connaitre du présent recours, motif pris de ce que l’affaire est relative à la réparation d’un préjudice exclusivement régie par le droit national et que les juges d’appel n’ont pas du tout statué sur l’application d’une disposition d’un Acte uniforme à fortiori la violer ;
Attendu cependant qu’il est constant comme résultant des pièces du dossier que le préjudice dont la réparation est sollicitée est né à l’occasion de leur commerce entre commerçants ; que les juges du tribunal de commerce de Bamako saisis, ont déclaré cette action prescrite en application des dispositions des articles 16 et 17 de l’Acte uniforme portant droit commercial général et les juges d’appel ont écarté cette prescription pour appliquer à la cause la prescription du droit commun plus longue, ce que conteste la requérante qui sollicite la cassation de l’arrêt entrepris à travers, notamment, son deuxième moyen tiré de la violation des dispositions des articles 1er, 2, 16 et 17 de l’Acte uniforme précité ;
Qu’ainsi l’affaire soulève bien des questions relatives à l’application d’un Acte uniforme ; qu’il échet dès lors de nous déclarer compétent pour connaitre dudit litige en application de l’article 14 du Traité institutif de l’OHADA ;
Sur le deuxième moyen
Vu les dispositions des articles 16 et 17 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général révisé et l’article 18 de l’Acte uniforme non révisé
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt déféré d’avoir écarté la prescription quinquennale retenue par le tribunal de commerce pour appliquer à leur litige la prescription du droit commun édictée par l’article 254 du régime général des obligations du Mali, alors selon le moyen que, les parties en conflit sont toutes commerçantes, en violation des dispositions des articles 1er, 2, 16 et 17 de l’Acte uniforme précité et de l’article 2 de la loi n° 00-057 du 22 août 2000, instituant les tribunaux de commerce en République du Mali ;
Attendu en effet qu’aux termes de l’article 18 de l’Acte uniforme susvisé non révisé « Les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants, ou entre commerçants et non-commerçants, se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions plus courtes. » ;
Attendu en l’espèce qu’il est constant que, les deux parties au litige sont toutes des commerçants et le litige les opposant né à l’occasion de leur commerce ; qu’ainsi, la cour d’appel de Bamako, en décidant d’exclure les relations de monsieur Mamadou BOUNDY et de la société BAL Mali SA, nées à l’occasion de leur commerce, du champ d’application de l’article 18 susénoncé, pour les soumettre à la prescription de droit commun, a fait une mauvaise interprétation desdites dispositions ; qu’il y a lieu en conséquence, de casser l’arrêt entrepris et d’évoquer, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens ;
Sur l’évocation
Attendu que par acte du greffe n°25 en date du 16 février 2015, monsieur Mamadou BOUNDY a relevé appel du jugement n° 165/14 rendu le 26 février 2014 par le tribunal de commerce de Bamako qui a statué en ces termes :
« Le TRIBUNAL
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en premier ressort ;
Déclare irrecevable la demande du sieur Boundy ;
Met les dépens à sa charge. » ;
Attendu qu’au soutien de son appel, monsieur Mamadou BOUNDY a exposé que devant le refus de SDV de lui appliquer le tarif réglementaire, sa marchandise est restée bloquée et que cet agissement l’a mis dans l’obligation de ne pas remplir ses obligations contractuelles et que son cocontractant a fini par lui notifier la résiliation du contrat de livraison par courrier en date du 15 août 2008 pour non-respect des délais contractuels ; que cette résiliation lui a causé un préjudice portant sur la perte d’un marché et le manque à gagner pendant 5 ans de 2008 à la date de l’assignation qu’il chiffre à 800 170 000 FCFA et il a sollicité la condamnation de BAL Mali SA à lui payer cette somme à titre de dommages et intérêts avec exécution provisoire ;
Attendu qu’en réplique, la société BAL Mali SA a soulevé, in limine litis la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité de l’avocat à signer l’assignation et de la prescription de l’action ;
Sur le défaut de qualité
Attendu que la fin de non-recevoir soulevée par la société BAL Mali SA tirée du défaut de qualité de l’avocat à contre signer l’acte d’assignation n’est soutenue par aucun fondement légal ; qu’il échet de le rejeter ;
Sur la prescription
Attendu que le jugement querellé a déclaré l’action de monsieur Mamadou BOUNDY prescrite en application des dispositions des articles 16 et 17 de l’Acte uniforme portant droit commercial général ;
Attendu que cette action en réparation a été introduite le 09 septembre 2013, soit plus de cinq après la lettre de résiliation en date du 15 août 2008 du contrat de fourniture ; qu’il échet dès lors de confirmer, pour les mêmes raisons ayant motivé la cassation de l’arrêt de la Cour d’appel de Bamako, le jugement querellé qui a fait une saine application de la loi en appliquant la prescription quinquennale au litige né des relations commerciales entre deux commerçants ;
Attendu que monsieur Mamadou BOUNDY, succombant sera condamné aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré ;
Déclare recevable en la forme le pourvoi ;
Au fond, casse l’arrêt n° 002/2016 rendu le 06 janvier 2016 par la Cour d’appel de Bamako ;
Evoquant et statuant au fond ;
Confirme le jugement n°165/14 rendu le 26 février 2014 par le Tribunal de commerce de Bamako ;
Condamne monsieur Mamadou BOUNDY aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier