ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Première Chambre
Audience publique du 07 juin 2012
Pourvoi : n° 069/2008/PC du 28 juillet 2008
Affaire : BIAO-CI
(Conseils : Maîtres Théodore HOEGAH et Michel ETTE, Avocats à la Cour)
contre
1/-Mermoz Roch Pauline et 12 autres
2/-Société Induschimie
(Conseils : la SCPA COFFIE et Associés, Avocats à la Cour)
ARRET N°041/2012 du 07 juin 2012
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), Première Chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 07 juin 2012 où étaient présents :
Messieurs Antoine Joachim OLIVEIRA, Président
Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge, rapporteur
Marcel SEREKOÏSSE SAMBA, Juge
et Maître MONBLE Jean Bosco, Greffier ;
Sur le renvoi, en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans de l’affaire Banque Internationale pour l’Afrique de l’Ouest en Côte d’Ivoire dite BIAO-CI contre dame Mermoz Roch Pauline et 12 autres, par Arrêt n°256/08 en date du 15 mai 2008 de la Cour suprême de Côte d’Ivoire, Chambre judiciaire, formation civile, saisie d’un pourvoi initié par exploit du 18 septembre 2006, de Maître Touré Mamadou, huissier de justice près la Cour d’appel et le Tribunal de première instance d’Abidjan, commis par Maîtres Théodore HOEGAH et Michel ETTE, Avocats associés près la Cour d’appel d’Abidjan, dont le cabinet est sis à Abidjan, Plateau, Rue A7, Pierre Semar, Villa NA2, 01 B.P. 4053 Abidjan 01, agissant au nom et pour le compte de la Banque Internationale pour l’Afrique de l’Ouest en Côte d’Ivoire dite BIAO-CI dont le siège est sis à Abidjan-Plateau, 8-10 Avenue Joseph Anoma, 01 B.P. 1274 Abidjan 01,en cassation de l’Arrêt n° 538 du 09 mai 2006 de la Cour d’appel d’Abidjan, rendu au profit de dame Mermoz Roch Pauline et 12 autres, ayant pour conseils la SCPA COFFIE et Associés, Avocats près la Cour d’appel d’Abidjan, demeurant à Abidjan – Plateau, 8, Boulevard Carde, immeuble Borg, 1er étage, 01 B.P. 725 Abidjan 01, dont le dispositif est le suivant :
« Déclare recevable l’appel relevé par Madame Mermoz Roch Pauline et 12 autres de l’Ordonnance de référé n°139 rendue le 7 février 2006 par le Juge des référés du Tribunal de première instance d’Abidjan Plateau ;
Les y dit bien fondés ;
Infirme l’ordonnance querellée en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau ;
Déclare fondée l’action de Dame Mermoz et 12 autres ;
Condamne la BIAO-CI au paiement des causes de la saisie, conformément aux dispositions de l’article 168 de l’Acte uniforme relatif aux voies d’exécution ;
Déclare à cet effet contre elle, un titre exécutoire pour la somme de 29.291.394 francs CFA ;
Condamne la BIAO-CI aux dépens » ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Doumssinrinmbaye BAHDJE ;
Vu les dispositions des articles 13,14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que par exploit en date du 05 septembre 2005 de Maître AMON Roger Djadji, huissier de justice à Abidjan, Madame Mermoz Roch Pauline et 12 autres personnes ont fait pratiquer une saisie-attribution de créances entre les mains de la Banque Internationale pour l’Afrique de l’Ouest en Côte d’Ivoire dite BIAO-CI, au préjudice de la Société Induschimie, pour avoir paiement de la somme principale de 27.514.313 francs CFA ; que par un autre exploit d’huissier en date du 17 novembre 2005, les saisissants ont signifié à la BIAO-CI un certificat de non contestation de saisie-attribution, suivi d’un commandement de payer ; que prétextant que les sommes déclarées lors de la saisie-attribution étaient indisponibles, la BIAO-CI ne s’est pas exécutée ; qu’en conséquence, celle-ci a été assignée devant le juge des référés du Tribunal de première instance d’Abidjan – Plateau par les saisissants pour obtenir la délivrance d’un titre exécutoire contre elle pour la somme de 29.291.394 francs CFA ; que par Ordonnance de référé n°139 du 7 février 2006, le Président du Tribunal de première instance d’Abidjan – Plateau a déclaré Madame Mermoz et autres mal fondés en leur action et les en a déboutés ; que ceux-ci ont aussitôt relevé appel de ladite ordonnance ; que la Cour d’appel d’Abidjan, par Arrêt n°538 du 09 mai 2006, a délivré contre la BIAO-CI un titre exécutoire pour la somme de 29.291.394 francs CFA ; que c’est contre cet arrêt que la BIAO-CI a formé un pourvoi en cassation devant la Cour suprême de Côte d’Ivoire qui, à son tour, s’est dessaisie de l’affaire au profit de la Cour de céans par application de l’article 15 du Traité susmentionné ;
Sur le premier moyen
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir violé la loi ou commis l’erreur dans l’application ou l’interprétation de la loi, en ce que par Arrêt n°538 rendu le 9 mai 2006, la Cour précise « qu’il est constant qu’en l’espèce, la société débitrice saisie, INDUSCHIMIE, possède deux comptes courants distincts dans les livres de la BIAO ; le principe de l’indépendance des comptes n’ayant été remis en cause par une convention d’unité de compte ou de fusion, les conditions de la compensation ne sont pas réunies en l’espèce » ; que selon le moyen, en statuant ainsi, la Cour d’appel a violé les dispositions des articles 1289 et 1290 du Code civil ivoirien, en ajoutant une condition non prévue pour la compensation légale ; qu’ensuite, la Cour d’appel ajoute qu’il convient, par ailleurs, de souligner que la compensation prévue par les dispositions des articles précités concernant les créances réciproques entre deux parties, n’est pas applicable dans la mesure où la BIAO-CI n’invoque pas la compensation à l’égard du créancier saisissant qui n’est pas son débiteur » ; que selon la demanderesse au pourvoi, elle n’avait pas à invoquer la compensation à l’égard des saisissants, mais qu’il est tout à fait légitime qu’elle leur oppose la compensation opérée de plein droit entre les créances respectives et réciproques existant entre la société INDUSCHIMIE et elle ;
Mais attendu certes que les articles 1289 et 1290 du code civil ivoirien prévoient la compensation entre deux personnes qui se trouvent débitrices l’une envers l’autre ; qu’en l’espèce, cependant, il s’agit d’une saisie-attribution de créances, prévue et réglementée par l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution qui s’impose depuis son entrée en vigueur en la matière ; qu’il découle des dispositions de cet Acte uniforme qu’à partir de la saisie-attribution des créances opérées le 05 septembre 2005 et notifiée à la BIAO-CI, tiers saisi, les sommes saisies deviennent indisponibles, de telle sorte que la compensation invoquée par la banque ne pouvait plus s’opérer ; que par l’effet attributif immédiat, la créance de la société INDUSCHIMIE, débiteur saisi contre la BIAO-CI, tiers saisi a été transférée dans le patrimoine des saisissants et fait en sorte que la compensation ne pouvait plus s’opérer ; que de plus, s’agissant de comptes courants, caractérisés par l’enchevêtrement d’éléments au crédit et au débit des comptes, le solde débiteur ou créditeur ne peut être déterminé qu’à la clôture de ces comptes ; qu’à la date de la saisie, les deux comptes déclarés par la BIAO-CI n’avaient pas été clôturés et leur solde ne pouvait être déterminé ; qu’il découle de ce qui précède que la Cour d’appel, en statuant comme elle l’a fait, n’a pas violé ou mal interprété les dispositions des articles 1289 et 1290 du code civil ivoirien, mais a plutôt fait une bonne application des dispositions de l’Acte uniforme susmentionné relatives à la saisie-attribution de créances ; qu’ainsi donc, le moyen soulevé par la demanderesse au pourvoi n’est pas fondé et mérite rejet ;
Sur le second moyen, tiré du défaut de base légale résultant de l’absence, de l’insuffisance, de l’obscurité ou de la contrariété des motifs.
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt incriminé d’avoir délivré un titre exécutoire en estimant que « la BIAO-CI, tiers saisi a refusé de payer les sommes qu’il a reconnues détenir pour le compte de INDUSCHIMIE », alors qu’elle n’a jamais reconnues détenir des sommes pour le compte de cette société ; qu’en effet, il ressort des pièces du dossier qu’ au moment de la saisie du 05 septembre 2005, la BIAO-CI a déclaré deux comptes ouverts dans ses livres par la Société INDUSCHIMIE qui sont :
« compte n°35361960188 : créditeur de 41.717.978 francs CFA » ;
« compte n°31943219024 : débiteur de 48.212.840 francs CFA » ; que c’est à la suite de la notification à elle du certificat de non contestation et du commandement de payer, qu’elle a refusé de payer le montant de la saisie en invoquant la compensation qu’elle a opérée de plein droit entre les deux comptes ;
Mais attendu que l’article 168 de l’Acte uniforme susmentionné dispose que « si le débiteur est titulaire de deux comptes différents, le paiement est effectué en prélevant, en priorité, les fonds disponibles à vue, à moins que le débiteur ne prescrive le paiement d’une autre manière » ; que l’article 168 du même Acte uniforme prescrit qu’en cas de refus de paiement par le tiers saisi des sommes qu’il a reconnues devoir ou dont il a été jugé débiteur, la contestation est portée devant la juridiction contre le tiers saisi » ; qu’en l’espèce, la BIAO-CI a reconnu détenir la somme de 41.717.978 francs CFA pour la société INDUSCHIMIE dans le compte 35 36 1960 188 le jour de la saisie ; qu’ayant opéré elle-même une compensation non autorisée, elle s’est refusée à payer le montant de la saisie aux créanciers saisissants ; que c’est donc à bon droit que la Cour d’appel, après avoir infirmé l’Ordonnance de référé n°139 du 07 février 2006 et ayant évoqué, a ordonné la délivrance d’un titre exécutoire contre la BIAO-CI pour la somme saisie ; qu’ainsi, la Cour a bien motivé sa décision, d’où il suit que moyen également non fondé, mérite rejet ;
Attendu que la BIAO-CI ayant succombé, doit être condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré ;
Rejette le pourvoi formé par la Banque Internationale pour l’Afrique de l’Ouest en Côte d’Ivoire ;
La condamne aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier