ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

 

Audience Publique du jeudi 10 janvier 2002

 

Renvoi  n°010/2001/PC du 24 juillet 2001

 

Affaire : BANQUE Of  AFRICA COTE D’IVOIRE dite BOA 

                      (Conseil : Maître Agnès OUANGUI)

 

                                         Contre

 

                       BANQUE DE L’HABITAT DE COTE D’IVOIRE dite BHCI

                      (Conseil : Maîtres KONE Mamadou & KOUASSI N’guessan Paul)

 

ARRÊT N° 004/2002 du 10 janvier 2002

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A.) a rendu l’Arrêt suivant en son audience  publique du 10 janvier 2002 où étaient présents :

 

 

Messieurs      Seydou BA,                                     Président

Jacques M’BOSSO,                             Premier Vice-président

Antoine Joachim OLIVEIRA,           Second Vice-président

Doumssinrinmbaye BAHDJE           Juge

Maïnassara MAIDAGI,                                         Juge-rapporteur

Boubacar DICKO,                               Juge

 

et Maître Acka ASSIEHUE, Greffier ;

 

Sur le renvoi, en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans de l’affaire BANQUE OF AFRICA COTE D’IVOIRE dite BOA contre BANQUE DE L’HABITAT DE COTE D’IVOIRE dite BHCI par arrêt n°236/01 en date du 12 avril 2001 de la Cour Suprême, Chambre Judiciaire, Formation Civile de COTE D’IVOIRE, saisie d’un pourvoi formé le 05 décembre 2000 par Maître Agnès OUANGUI, avocat à la Cour d’Appel d’Abidjan, y demeurant 24, Bd CLOZEL, immeuble SIPIM, 5ème étage, 01 BP 1306 Abidjan 01, agissant au nom et pour le compte de la BANQUE OF AFRICA COTE D’IVOIRE dite BOA, enregistré sous le n° 2000-489-CIV du 08 décembre 2000, en cassation de  l’Arrêt n°898 rendu le 25 juillet 2000 par la Cour d’Appel d’Abidjan dont le dispositif est le suivant : «Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et commerciale, en dernier ressort ;

 

EN LA FORME :

 

– Reçoit la Banque Of Africa en son appel relevé de l’Ordonnance du 11 avril 2000 ;

 

AU FOND :

 

  • Déclare la Cour d’Appel incompétente
  • Condamne la Banque Of Africa aux dépens » ;

 

La requérante a invoqué, à l’appui de son pourvoi initié devant la Cour Suprême de COTE D’IVOIRE le moyen unique tel qu’il figure à l’acte de pourvoi en cassation comportant assignation à comparaître devant la Cour Suprême annexé au présent Arrêt ;

 

Sur le rapport de Monsieur le Juge Maïnassara MAÏDAGI ;

 

Vu les dispositions des articles 14, 15 et 16 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

 

Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA notamment en son article 51 ;

 

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure qu’à la requête de la BANQUE DE l’HABITAT         DE COTE D’IVOIRE dite BHCI et par exploit d’huissier en date du 02 août 1999, saisie-attribution a été pratiquée entre les mains de la BANQUE OF AFRICA COTE D’IVOIRE dite BOA sur des sommes d’argent que cette dernière détiendrait pour le compte de la Société GEOBETON en exécution d’une ordonnance condamnant celle-ci à payer à la BHCI la somme de 94 919 969 F CFA outre les intérêts de droit et les frais ; qu’à la suite de la signification de l’acte de saisie, la BOA a déclaré que GEOBETON est titulaire de deux comptes dans ses livres : un compte courant débiteur de 302 085 F CFA et un compte à terme créditeur de 20 000 000 F CFA ; que plus tard, la BHCI a signifié le 28 septembre 1999 un certificat de non contestation à la BOA, laquelle ne lui a payé que la somme de 2 697 915 F CFA sur les 20 000 000 F CFA qu’elle escomptait ; que sommée par exploit d’huissier en date du 20 décembre 1999 d’avoir à payer la différence, soit la somme de 17 302 085 F CFA, la BOA a déclaré que les 2 697 915 F CFA déjà versés représentent le solde du compte de la société GEOBETON « après avoir passé les écritures des opérations en cours au jour de la saisie » ; que c’est pourquoi la BHCI a intenté, devant le juge des référés, une action contre la BOA aux fins de voir condamner cette dernière à lui payer la somme de 17 302 085 F CFA sous astreinte de 1 000 000 F CFA par jour de retard à compter du prononcé de l’ordonnance à intervenir ; que par Ordonnance n° 1324 du 11 avril 2000, le juge des référés a condamné la BOA à payer à la BHCI la somme de 17 303 000 F CFA sous astreinte de 100 000 F CFA par jour de retard à compter du prononcé de l’ordonnance ; que suite à l’appel interjeté par la BOA contre l’Ordonnance sus-indiquée devant la Cour d’appel d’Abidjan, cette dernière s’est déclarée incompétente ;

 

SUR LE MOYEN UNIQUE :

 

Attendu que le pourvoi fait grief à l’Arrêt attaqué d’avoir violé, d’une part, les dispositions des articles 336 et 172 de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution et, d’autre part, les dispositions de l’article 228 nouveau du code de procédure civile ivoirien en ce que la Cour d’Appel affirme que «le litige qui oppose la Banque BHCI à la BOA est consécutif au refus de la BOA de payer à la BHCI la totalité de la somme de 20 000 000 F CFA que la BOA a déclaré détenir pour le compte de la Société GEOBETON lors de la signification d’une saisie attribution pratiquée entre ses mains le 02 août 1999 ; ce litige est donc une difficulté d’exécution étant donné qu’il est né au cours d’une procédure d’exécution ; en outre l’assignation initiée par la BHCI pour voir contraindre la BOA en date du 03 janvier 2000 est sans équivoque et la requête pour être autorisée à assigner a été adressée au Président du Tribunal qui constitue en cette matière une juridiction ; ainsi l’appel d’une telle décision rendue par le Président du Tribunal ne peut être porté devant la Cour d’Appel de ce siège qui est incompétente pour connaître en dernier ressort d’une difficulté d’exécution ; en conséquence, la Cour décline sa compétence » ; alors que selon la requérante , l’Ordonnance n°1324 du 11 avril 2000 qui était déférée à la censure de la Cour d’Appel a été rendue suite à une contestation née dans le cadre d’une saisie-attribution de créances et que la BHCI a choisi de procéder  au recouvrement de sa créance en vertu des dispositions de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ; que c’est un principe général de droit constitutionnel que les traités internationaux ont une autorité supérieure à celle des lois internes, lequel principe est traduit dans l’article 336 de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ; que dès lors, et toujours selon la requérante, il appartient à la Cour saisie d’apprécier sa compétence par rapport aux dispositions de l’Acte Uniforme sus-indiqué sauf matières non prévues par celui-ci et non en vertu des dispositions du droit interne ; qu’il résulte de l’article 169 de l’Acte Uniforme sus-indiqué que toutes les contestations sont portées  devant la juridiction compétente du domicile du débiteur et l’article 172 du même Acte Uniforme précise que la décision de la juridiction tranchant la contestation est susceptible d’appel ; que l’Acte Uniforme susvisé n’organisant pas la procédure en appel contre l’ordonnance de référé rendue sur la contestation, seul le droit commun en cette matière en COTE D’IVOIRE peut trouver application à savoir l’article 228 nouveau du Code de Procédure Civile qui dispose que : «les ordonnances de référé ne sont pas susceptibles d’opposition. L’appel est porté devant la Cour d’Appel dans les formes de droit commun» ; que par conséquent les dispositions de l’article 221 nouveau du Code de Procédure civile notamment en ses alinéas 2 et suivants étaient donc en l’espèce inapplicables ;

 

Mais attendu que les articles 169 à 172 de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution traitent des contestations entre le saisi et le saisissant, le tiers-saisi étant à cette occasion appelé à l’instance de contestation, alors qu’en l’espèce c’est le saisissant (BHCI) qui a initié une action tendant à voir contraindre le tiers-saisi (BOA) à lui payer la cause de la saisie pour refus de paiement de la somme déclarée ; que cette dernière action est régie notamment par les articles 49, 154 et 168 du même Acte Uniforme lesquels édictent en substance que, d’une part, l’acte de saisie rend le tiers-saisi personnellement débiteur des causes de la saisie dans la limite de son obligation et en cas de refus de paiement par lui des sommes qu’il a reconnu devoir ou dont il a été jugé débiteur, la contestation est portée devant la juridiction compétente qui peut délivrer un titre exécutoire contre lui et que, d’autre part, la juridiction compétente pour statuer sur tout litige ou toute autre demande relative à une mesure d’exécution forcée ou à une saisie conservatoire est le Président de la juridiction statuant en matière d’urgence ou le magistrat délégué par lui, la décision ainsi rendue étant susceptible d’appel dans un délai de quinze jours à compter de son prononcé ; que par conséquent, c’est sans pertinence que la BOA invoque l’article 172 de l’Acte Uniforme susvisé, de même que l’article 228 nouveau du Code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative qui organiserait, suite au silence dudit Acte Uniforme sur ce point, la procédure d’appel contre l’ordonnance de référé rendue sur la contestation, ces textes qui ne sont pas applicables en l’espèce, n’ont nullement été violés par la Cour d’appel ; qu’il s’ensuit que le pourvoi doit être rejeté ;

 

PAR CES MOTIFS 

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Rejette le pourvoi ;

Condamne la requérante aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

 

Le Président

Le Greffier