ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Deuxième chambre
Audience publique du 20 décembre 2012
Pourvoi : n°001/2008/PC du 10 janvier 2008
Affaire : Banque Atlantique de Côte d’Ivoire dite BACI
(Conseils : SCPA KANGA-OLAYE & associés, Avocats à la Cour)
contre
- Société NEW TECHNOLOGIES IN
TELECOMMUNICATION INC dite N2T
(Conseils : SCPA ESSIS-KOUASSI-ESSIS, Avocats à la Cour)
2) Société GMTCI SA d’ASSURANCES
(Conseil : TIDOU SANOGO LADJI, Avocat à la Cour)
ARRET N° 090/2012 du 20 décembre 2012
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 20 décembre 2012 où étaient présents :
Messieurs : Maïnassara MAIDAGI, Président
Namuano Francisco DIAS GOMES, Juge
Madame : Flora DALMEIDA MELE, Juge, rapporteur
et Maître BADO Koessy Alfred, Greffier ;
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 10 janvier 2008 sous le n°001/2008/PC et formé par la SCPA KANGA-OLAYE & associés, Avocats à la Cour d’appel d’Abidjan, y demeurant, boulevard du Général de Gaulle, immeuble la corniche, 04 BP 1975 Abidjan 04 , agissant au nom et pour le compte de la Banque Atlantique de Côte d’Ivoire dite BACI dont le siège social est à Abidjan, avenue Noguès, immeuble Atlantique, 04 BP 1036 Abidjan 04, aux poursuites et diligences de son représentant légal, Monsieur Souleymane DIARRASSOUBA, Directeur général, dans la cause l’opposant à la Société NEW TECHNOLOGIES IN TELECOMMUNICATION INC dite N2T dont le siège social est à Abidjan, zone 3, Rue des Pêcheurs, 04 BP 2449 Abidjan 04, agissant par Mademoiselle NEYA ASSITA, Gérante, ayant pour Conseils la SCPA ESSIS-KOUASSI-ESSIS, Avocats à la Cour, sis à Cocody, II Plateaux, Rue des jardins, Sainte Cécile, 16 BP 610 Abidjan 16 et à la Société GMTCI SA d’ASSURANCES dont le siège social est à Abidjan, boulevard Roume, immeuble MATCA, prise en la personne de son Directeur général , Monsieur KOULIBALI Nouhoun, ayant pour Conseil Maître TIDOU SANOGO LADJI, Avocat à la Cour, demeurant immeuble l’Ebrien, rue du commerce, 04 BP 3032 Abidjan 04 , en cassation de l’Arrêt N°623 CVI 5/D rendu par la Cour d’appel d’Abidjan le 06 novembre 2007 et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort
Déclare l’appel de la société N2T recevable
Infirme le jugement querellé
Statuant à nouveau
Reçoit l’opposition de la société N2T
L’y dit bien fondée
Déclare caduque l’ordonnance d’injonction de payer n° 1015/2004 du 29 janvier 2004 ;
Ordonne la rétractation de ladite ordonnance
Condamne la BACI aux dépens. » ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Madame Flora DALMEIDA MELE, Juge ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que par convention en date du 05 septembre 2003, la BACI a consenti un crédit d’un montant de 123 000 000 francs CFA à la société N2T remboursable en 36 échéances mensuelles de 4 271 368 FCFA allant du 30 novembre 2003 au 31 octobre 2006 ; que pour sûreté et garantie du prêt, la GMTCI s’est portée caution solidaire de la N2T à hauteur de 100 000 000 francs CFA ; que le compte de la N2T a été effectivement crédité à hauteur de 62 644 025 FCFA ; qu’à la date du 30 novembre 2003, date de la première échéance, aucun paiement n’a été enregistré ; que le 29 décembre 2003, la BACI a adressé à la N2T et à la caution, une sommation de payer avec dénonciation du terme contractuel conformément audit contrat ; que le 19 janvier 2004, le Président du Tribunal de première instance d’Abidjan-Plateau a, sur requête de la BACI, rendu l’Ordonnance d’injonction de payer n°1015/2004 condamnant solidairement la N2T et sa caution, la GMTCI, à payer à la BACI la somme principale de 62 444 015 FCFA outre les intérêts et les frais, ordonnance signifiée par exploit d’huissier du 04 mars 2004 à personne à la GMTCI et à Mairie pour le compte de la N2T ; que sur opposition formée contre ladite ordonnance par la GMTCI par exploit du 18 mars 2004, le Tribunal de première instance d’Abidjan a, par Jugement n°1938/CIV/3 rendu le 07 juillet 2004, déclaré la Société GMTCI déchue en son opposition ; que sur appel de la GMTCI, la Cour d’appel d’Abidjan a, par Arrêt n°69 rendu le 27 janvier 2006, déclaré irrecevable comme tardif l’appel relevé de la société GMTCI ; que tous les recours exercés par la GMTCI demeurés infructueux, et alors que la BACI avait entrepris d’exécuter les différentes décisions, la société N2T a, par exploit du 02 août 2006, formé opposition contre l’Ordonnance d’injonction de payer n°1015/2004 du 19 janvier 2004 ; que statuant sur ladite opposition, le Tribunal de première instance d’Abidjan-Plateau a rendu, le 29 mars 2007, le Jugement n°622 déclarant la Société New Technologies In Télécommunication INC dite N2T mal fondée en son opposition et l’a condamnée à payer à la Société BACI la somme de 62 444 015 F CFA ; que sur appel de la société N2T, la Cour d’appel d’Abidjan a rendu le 06 novembre 2007 l’Arrêt N°623 CVI 5/D dont pourvoi ;
Sur la compétence de la Cour de céans
Attendu que la société N2T soulève au principal, in limine litis, l’incompétence de la Cour de céans au regard de l’article 14 du Traité de l’OHADA selon lequel « saisie par voie du recours en cassation, la Cour se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d’appel des Etats Parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des Actes uniformes et des règlements prévus au présent Traité… » aux motifs que si l’article 7 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution prescrit à peine de caducité la signification au débiteur de l’expédition de la requête et de la décision d’injonction de payer, les modalités de cette signification faite par ministère d’huissier obéissent aux règles de droit interne des Etats parties ; que dès lors la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage n’a aucune compétence pour apprécier la régularité ou l’existence de la signification par Huissier d’un acte de justice, cette question relevant des règles du droit interne des Etats Parties ; que c’est donc de façon souveraine et en application des règles de droit interne que la Cour d’appel, pour déclarer caduque une décision d’injonction de payer, a relevé qu’en l’absence au dossier de l’exploit de signification de l’ordonnance d’injonction de payer, le récépissé adressé à la boîte postale du débiteur ne pouvait en tenir lieu, avant de conclure à l’absence de signification de ladite ordonnance dans les trois mois de sa date ;
Attendu que la BACI conclut à l’irrecevabilité du moyen tiré de l’incompétence de la CCJA aux motifs que, soulevé in limine litis, ce moyen doit être présenté avant l’exposé des faits et de la procédure ; que subsidiairement elle soutient que la compétence de la Cour ne peut donner lieu à controverse puisque l’Arrêt N°623 CVI 5/D du 06 novembre 2007 soulève une question relative à l’application des dispositions de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution et que le but de son pourvoi est de permettre à la Cour de céans de vérifier la conformité de l’arrêt attaqué par rapport à la lettre et à l’esprit de l’article 7 de l’Acte uniforme sus indiqué ;
Mais attendu, en l’espèce, que l’exception d’incompétence soulevée in limine litis par la défenderesse au pourvoi et découlant de l’application des règles de droit interne, ne peut être appréciée au stade actuel de la procédure dans la mesure où elle est fondée sur l’un des moyens de cassation ; qu’en conséquence, il y a lieu de joindre ladite exception à l’examen du moyen concerné ;
Sur le second moyen
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 7 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution en ce que pour déclarer caduque l’Ordonnance d’injonction de payer N° n°1015/2004 du 19 janvier 2004 pour n’avoir pas été signifiée dans les délais requis, la Cour d’appel d’Abidjan a retenu « que la société N2T avait reçu la lettre recommandée adressée par l’huissier instrumentaire le 05 avril 2004 à la suite de la signification faite à mairie mais a déduit de ces formalités qu’elles ne valaient pas signification et ce, en ce que la société N2T n’avait pas eu connaissance de l’exploit de signification du 04 mars 2004 » alors, selon le moyen, que la signification de ladite ordonnance faite à Mairie et complétée par d’autres formalités conformément à la procédure usitée en droit interne est conforme aux exigences de l’article 7 de l’Acte uniforme sus indiqué ;
Attendu qu’aux termes des dispositions de l’article 7 de l’Acte uniforme susindiqué « Une copie certifiée conforme de l’expédition de la requête et de la décision d’injonction de payer délivrée conformément aux dispositions de l’article précédent est signifiée à l’initiative du créancier à chacun des débiteurs par acte extrajudiciaire.
La décision portant injonction de payer est non avenue si elle n’a pas été signifiée dans les trois mois de sa date. » ;
Mais attendu que la signification faite par l’huissier de justice vise à porter à la connaissance d’une partie un acte qui la concerne et à faire courir à partir de la prise de connaissance dudit acte les délais de recours ; qu’en procédant à la signification à Mairie de l’Ordonnance d’injonction de payer n°1015/2004 en raison de l’imprécision de l’adresse de la société N2T confortée par une lettre recommandée du 05 mars 2004, ce, conformément à l’article 251 du code ivoirien de procédure civile qui prescrit en substance : « … Il [huissier de justice] avise sans délai de cette remise la partie que l’exploit concerne, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, en l’informant qu’elle doit retirer la copie de l’exploit à l’adresse indiquée, dans les moindres délais. », la BACI n’a pas produit la preuve de la réception effective par la société N2T de l’avis de dépôt d’exploit à partir duquel doit courir le délai de recours ; que le récépissé d’envoi de la lettre recommandée en date du 05 mars 2004 ne peut valoir à lui seul signification et que seul l’avis de réception peut attester que la société N2T a eu connaissance de l’existence de l’acte ; qu’en retenant que le récépissé d’envoi de la lettre recommandée ne vaut pas signification et que faute par le créancier de produire au dossier un acte de signification, ledit récépissé ne faisait pas la preuve de la signification de la décision d’injonction de payer dans les trois mois de sa date, la Cour d’appel n’a en rien violé l’article 7 de l’Acte uniforme sus mentionné ; que dès lors le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le premier moyen
Attendu que la demanderesse au pourvoi fait également grief à l’arrêt attaqué d’être entaché de défaut de base légale résultant de l’absence, de l’insuffisance, de l’obscurité ou de la contrariété des motifs en ce que pour conclure à la caducité de l’Ordonnance d’injonction de payer n°1015/2004 du 19 janvier 2004, la Cour d’appel a retenu que « l’exploit de signification de l’ordonnance d’injonction de payer n’ayant pas été produit au dossier, il s’induit qu’aucune signification n’a été faite dans le délai de trois (03) mois de la date de l’ordonnance » alors, selon le moyen, que ladite ordonnance a fait l’objet de signification dans les délais par exploit du 04 mars 2004 servi à la société N2T et à sa caution solidaire, la GMTCI, laquelle a reçu ledit exploit par la personne de son directeur financier et que l’adresse géographique de la N2T étant imprécise, l’exploit a été servi au District d’Abidjan suivi d’une lettre recommandée avec accusé de réception conformément au code ivoirien de procédure civile ; que l’ordonnance d’injonction de payer rendue le 19 janvier 2004 ayant été régulièrement signifiée à la société N2T, la Cour qui l’a déclarée caduque pour défaut de signification n’a pas suffisamment justifié sa décision en droit laquelle manque ainsi de base légale ;
Mais attendu que pour les mêmes motifs que ceux retenus pour rejeter le second moyen, la Cour a suffisamment et légalement justifié sa décision ; que dès lors, le moyen ne peut être accueilli ;
Attendu qu’ayant succombé, la BACI doit être condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Rejette le pourvoi ;
Condamne la BACI aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier