ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Audience Publique du 06 novembre 2003
Pourvoi n° 043/2002/ PC du 04 septembre 2002.
Affaire : B.I.A.O. – COTE D’IVOIRE
(Conseils : Maîtres Charles DOGUE, Abbé YAO & Associés, Avocats à la Cour)
contre
– NOUVELLE SCIERIE D’AGNIBILEKRO
– SCIERIE D’AGNIBILEKRO NOUHAD WAHAB
– NOUHAD WAHAB Rachid
(Conseil : Maître Essy N’GATTA, Avocat à la Cour)
ARRET N°022/2003 du 06/11/2003
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage ( C.C.J.A.) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires ( O.H.A.D.A ) a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 06 novembre 2003 où étaient présents :
Messieurs Seydou BA, Président
Jacques M’BOSSO, Premier Vice-président
Antoine Joachim OLIVEIRA, Second Vice-président
Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge
Maïnassara MAIDAGI, Juge-rapporteur
Boubacar DICKO, Juge
Biquezil NAMBAK Juge
et Maître Pascal Edouard NGANGA, Greffier en chef ;
Sur le pourvoi enregistré le 04 septembre 2002 au greffe de la Cour de céans sous le n°043/2002/PC, formé par Maîtres Charles DOGUE, Abbé YAO & Associés, Avocats à la Cour, demeurant 29, Boulevard CLOZEL, agissant au nom et pour le compte de la BIAO-COTE D’IVOIRE, société anonyme, dans une cause l’opposant à NOUVELLE SCIERIE D’AGNIBILEKRO, SCIERIE D’AGNIBILEKRO NOUHAD WAHAB et NOUHAD WAHAB Rachid, parfois
dénommé NOUHAD Rachid Hindi, tous ayant pour conseil Maître Essy N’GATTA, Avocat à la Cour, demeurant 23, Boulevard Angoulvant, immeuble le FROMAGER, 04 BP 873 Abidjan 04,
en cassation de l’Arrêt n°967 rendu le 26 juillet 2002 par la 1ère chambre civile et commerciale de la Cour d’appel d’Abidjan dont le dispositif est le suivant :
« EN LA FORME :
Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en dernier ressort ;
- Déclare irrecevable l’appel de la BIAO-CI S.A relevé de l’Ordonnance n°5261 du 13 décembre 2001 rendue par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan pour défaut de qualité pour agir de son représentant ;
- La condamne aux dépens ; »
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi le moyen unique de cassation tel qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Maïnassara MAÏDAGI ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure que depuis plusieurs années, la BIAO-CI était en relations d’affaires avec la SCIERIE D’AGNIBILEKRO NOUHAD WAHAB, dite S.D.A. à qui elle avait consenti un prêt de 1.350.000.000 F CFA garanti par une hypothèque sur l’immeuble objet du titre foncier n°510 de la Circonscription Foncière de l’Indénié appartenant à NOUHAD WAHAB Rachid, Président Directeur Général de la S.D.A. ; qu’étant en difficultés depuis quelques années, la S.D.A. avait été admise au bénéfice de la liquidation judiciaire et par acte en date du 13 février 1990, elle avait signé un concordat avec ses créanciers, concordat homologué par Jugement du 21 mars 1990 ; que la S.D.A. n’ayant pas tenu ses promesses aux termes du concordat, la BIAO-CI avait indiqué au conseil de ladite société que les créanciers étaient disposés à recevoir des versements de 10.000.000 F CFA tous les quinze jours, la première échéance étant fixée au 16 août 1999 et ce jusqu’à parfait remboursement du solde des créanciers concordataires arrêté à 1. 405.929.360 F CFA en principal ; que ces dernières promesses n’étant pas à leur tour tenues, le cabinet d’Avocats la SCPA KANGA, OLAYE et Associés, représentant la S.D.A. avait, par lettre en date du 12 décembre 2000, proposé à la BIAO-CI de réduire sa créance à 400.000.000 F CFA pour solde de tout compte payable en deux ans, ce que acceptait la BIAO-CI par lettre en date du 26 décembre 2000 ; que le 13 août 2001, la BIAO-CI recevait signification d’un procès-verbal d’assemblée générale extraordinaire et d’une convention de cession d’actif et de passif signée entre la S.D.A. et la NOUVELLE SCIERIE D’AGNIBILEKRO, SARL unipersonnelle, cette signification étant faite, aux termes de l’exploit de signification, comme « valant formalité de l’article 1690 et suivants du code civil » ; que le 03 décembre 2001, la S.D.A., la NOUVELLE SCIERIE D’AGNIBILEKRO et NOUHAD WAHAB Rachid assignèrent la BIAO-CI devant le juge des référés pour obtenir la radiation de l’hypothèque consentie par NOUHAD WAHAB Rachid à la BIAO-CI sur le titre foncier n°510 de la Circonscription Foncière de l’Indénié ; que bien que la BIAO-CI ne fût pas comparante à l’audience, le juge des référés, considérant qu’elle avait reçu l’assignation à son siège social, rendait une ordonnance contradictoire prononçant la mainlevée et la radiation de l’hypothèque ; que sur appel interjeté par la BIAO-CI, la Cour d’appel, par Arrêt n°967 en date du 26 juillet 2002 dont pourvoi, déclarait irrecevable l’appel relevé pour défaut de qualité pour agir du représentant de la BIAO-CI ;
SUR LA RECEVABILITE DU POURVOI
Attendu que les défendeurs au pourvoi demandent, in limine litis, de déclarer nulle la requête afin de cassation au motif que le requérant a omis d’indiquer le mode d’administration de la société et d’avoir ainsi violé les dispositions de l’article 386 de l’Acte uniforme sur les sociétés commerciales et le groupement d’intérêt économique, dispositions d’ordre public, aux termes desquelles la désignation de la Société anonyme doit être immédiatement précédée ou suivie du mode d’administration de la Société tel que prévu à l’article 414 du même Acte uniforme et de prononcer en conséquence l’irrecevabilité du pourvoi ;
Mais attendu que les dispositions de l’article 386 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique aux termes desquelles « la société anonyme est désignée par une dénomination sociale qui doit être immédiatement précédée ou suivie en caractères lisibles des mots ” société anonyme” ou du sigle ” S.A.” et du mode d’administration de la Société tel que prévu à l’article 414 ci-après » ne s’appliquent pas en l’espèce, l’acte incriminé étant une requête afin de cassation doit obéir aux prescriptions de l’article 28 du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA indiquant les mentions que doit contenir ladite requête ; que s’agissant de la personne morale en général et de la Société anonyme en particulier, il n’est nullement exigé de préciser son mode d’administration ; qu’il s’ensuit que l’exception d’irrecevabilité soulevée par les défendeurs au pourvoi doit être rejetée ;
Sur le moyen unique
Vu les articles 465 et 487 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique ;
Vu les articles 164 et 246 du code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative ;
Attendu qu’il est fait grief à l’Arrêt attaqué d’avoir violé ou fait une fausse application des articles 465 et 487 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique en ce que la Cour d’appel a déclaré irrecevable l’appel de la BIAO-CI S.A. relevé de l’Ordonnance n°5261 du 13 décembre 2001 rendue par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan pour défaut de qualité pour agir de son représentant aux motifs que les articles 465 et 487 de l’Acte uniforme sur les sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique disposant que « le Président Directeur Général ou le Directeur Général assure la Direction Générale de la Société anonyme et représente celle-ci dans les rapports avec les tiers », il s’infère de ce qui précède, que le Directeur du risque et du crédit n’a pas qualité pour ester en justice contre des tiers, au nom et pour le compte de la BIAO-CI alors que, selon la requérante, même si ces textes ne donnent qu’au Président Directeur Général ou Directeur Général pouvoir de décider au nom de la Société, lesdits textes ne leur font en aucune manière obligation d’agir en toute chose directement et personnellement, et ne leur interdisent pas de déléguer, comme toute personne physique ou morale peut le faire, telle ou telle responsabilité à leurs collaborateurs ayant titre de Directeur d’une branche ou de l’autre de leur activité ; qu’il faut voir dans la rédaction des articles 465 et 487 qu’il s’agit de la représentation de la société dans ses rapports avec les tiers, c’est-à-dire les rapports contractuels par lesquels la société s’engage ou accepte un engagement ou une obligation et non pas la mise en œuvre par la société d’un droit qui est le sien devant un tribunal pour réclamer le respect d’une obligation préexistante non contestée, ou pour se défendre contre une attaque injuste ; qu’au surplus, le code de procédure civile ivoirien prévoyant en son article 20 alinéa 3 que « les personnes morales privées ou publiques ne peuvent comparaître devant la Cour d’appel qu’en étant représentées par un avocat devant les juridictions de première instance, elles peuvent se faire représenter par un de leurs préposés fondés de pouvoirs » , la BIAO-CI dans son acte d’appel, comme pendant toute la procédure d’appel, a été représentée par ses avocats Maîtres DOGUE & Abbé YAO au cabinet de qui elle avait fait élection de domicile ; qu’il est constant que la constitution d’avocat fait présumer le mandat de cet avocat, sans qu’il ait besoin d’un écrit ; qu’en définitive donc, dans la procédure d’appel, la BIAO-CI a été valablement représentée par Monsieur VAN OOSTERZEE, mandaté par le Directeur Général et par ses conseils régulièrement constitués ;
Attendu qu’aux termes des articles 164 et 246 du code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative, « l’appel est formé par exploit d’huissier délivré dans les conditions prévues pour les ajournements et selon les formes prévues à l’article 246 … » et, « les exploits dressés par les huissiers de justice contiennent notamment : … 2°) le nom du requérant, ses prénoms, profession, nationalité et domicile réel ou élu, et le cas échéant, les nom, prénoms, profession et domicile de son représentant légal ou statutaire ; si le requérant est une personne physique, la date et le lieu de sa naissance… » ;
Attendu qu’aux termes des articles 465 et 487 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, le Président Directeur Général ou le Directeur Général, selon le cas, assure la direction générale de la société anonyme et la représente dans ses rapports avec les tiers ;
Attendu qu’il résulte de l’examen combiné des articles susénoncés que dans une société anonyme, seul le Président Directeur Général ou le Directeur Général a la qualité de représentant légal ou statutaire et a donc qualité pour former appel au nom de ladite société anonyme ;
Attendu qu’il ressort de l’acte d’appel en date du 20 mars 2000 que ledit acte a été établi « à la requête de la BIAO-COTE D’IVOIRE….agissant par son représentant légal, Monsieur Ph. VAN OOSTERZEE, Directeur du Risque et du Crédit » ; que le directeur du risque et du crédit n’est pas le représentant légal de la BIAO COTE D’IVOIRE et n’a donc pas qualité pour interjeter appel au nom de la Société sans avoir reçu un pouvoir spécial donné à cet effet par le représentant légal ; qu’en déclarant irrecevable l’appel de la BIAO-CI S.A. « pour défaut de qualité pour agir de son représentant », la Cour d’appel n’a en rien violé les dispositions des articles 465 et 487 de l’Acte uniforme sus-indiqué, la référence à l’article 20 alinéa 3 du Code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative relatif à l’assistance et la représentation des parties devant les juridictions par un avocat n’étant pas pertinente en l’espèce ; qu’il s’ensuit que le pourvoi doit être rejeté ;
Attendu que la BIAO-CI ayant succombé, doit être condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Rejette le pourvoi ;
Condamne BIAO-CI aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier en chef