ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)

COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)

Première chambre                            

Audience publique du 30 mars 2006                                

Pourvoi : n° 094/2004/PC du 04 août 2004

Affaire : Ayants droit de KOUAHO OI KOUAHO Bonaventure                   

 (Conseil : Maître OUATTARA Adama, Avocat à la Cour)

Contre

  • Société Ivoirienne d’Assurance Mutuelle dite SIDAM

  (Conseils : Maîtres BOURGOIN et KOUASSI, Avocats à la Cour)

 2) Caisse de Règlement Pécuniaire des Avocats dite CARPA                    

                                                           

ARRET n° 008/2006 du 30 mars 2006

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A), Première chambre, de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A) a rendu l’arrêt suivant en son audience publique du 30 mars 2006  où étaient présents :

 

Messieurs Jacques M’BOSSO,                       Président

Maïnassara MAIDAGI,                  Juge

Biquezil NAMBAK,                       Juge, rapporteur

et Maître ASSIEHUE Acka,          Greffier ;

 

  Sur le pourvoi en date du 27 juillet 2004 enregistré au greffe de la Cour de céans sous le n° 094/2004/PC du 04 août 2004 et formé par Maître OUATTARA Adama, Avocat à la Cour, demeurant Plateau, immeuble DAUDET, 1er étage porte 12 bis, 20 BP 107 Abidjan 20, agissant au nom et pour le compte des ayants droit de KOUAHO OI KOUAHO Bonaventure dans une cause les opposant à la Société Ivoirienne d’Assurance Mutuelle dite SIDAM ayant pour conseils  Maîtres René BOURGOIN et Patrice K. KOUASSI, Avocats à la Cour, demeurant, 44 Av LAMBLIN, Résidence EDEN, 11ème étage 01 BP 8658 Abidjan 01 et à la Caisse de Règlement Pécuniaire des Avocats dite CARPA, dont le siège social est au Palais de justice d’ Abidjan-Plateau, en cassation de l’Arrêt confirmatif n°574 rendu le 04 mai 2004 par la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :

 

« Déclare mal fondés en leur appel les ayants droits de KOUAHO OI KOUAHO ;

 

Les en déboute ;

Confirme l’ordonnance querellée en toutes ses dispositions ;

Les condamne aux dépens » ;

Les requérants invoquent à l’appui de leur pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à l’acte de pourvoi annexé au présent arrêt ;

Sur le rapport de Monsieur le Juge Biquezil NAMBAK ;

Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;

Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;

 

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que par Jugement n°07/2002 du 28 mai 2002, la section du tribunal de Bongouanou avait condamné solidairement la SIDAM et son assuré à payer aux ayants droit de KOUAHO OI KOUAHO, décédé des suites d’un accident de la circulation, la somme de 7.622.588 F à titre de dommages intérêts et ordonné l’exécution provisoire dudit jugement ; que munis de ce titre exécutoire, les ayants droit de KOUAHO OI KOUAHO avaient pratiqué une saisie attribution de créance le 1er décembre 2003 en recouvrement de la somme d’argent, objet de la condamnation ; qu’estimant pour sa part que le jugement précité avait commis une erreur dans la liquidation des droits des victimes en surévaluant les indemnités dont le montant exact aurait dû être de 1.368.815 francs, la SIDAM avait assigné les ayants droit de KOUAHO OI KOUAHO devant le juge des référés du Tribunal de première instance d’Abidjan pour s’entendre ordonner le règlement de la somme non contestée de 1.368.815  francs et la consignation du solde entre les mains d’un séquestre ; que par Ordonnance n°5799 du 24 décembre 2003, ledit juge des référés avait accédé à la demande de la SIDAM en ordonnant le règlement de la somme de 1.368.815 F aux requérants et en  nommant en qualité de séquestre la CARPA pour recevoir et conserver le surplus jusqu’au règlement du litige ; que sur appel des ayants droit de KOUAHO OI KOUAHO, la Cour d’appel d’Abidjan avait, par Arrêt n°574 du 04 mai 2004 dont pourvoi, confirmé l’ordonnance querellée en toutes ses dispositions.

 

 Sur le premier moyen  

 Vu l’article 32 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution

 

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 32 de l’Acte uniforme susvisé en ce que la Cour d’appel a estimé que la poursuite de l’exécution prévue par ce texte est facultative pour la juridiction saisie et qu’elle pouvait choisir de l’interrompre à son gré ; qu’en outre, le jugement de condamnation n’est pas un titre exécutoire parce que frappé d’appel alors que, selon le moyen, la faculté de poursuivre ou non l’exécution forcée sur la base d’un titre exécutoire par provision appartient à la partie poursuivante seule, à l’exclusion du débiteur et du juge ; que ledit jugement est assorti de l’exécution provisoire et rentre bel et bien dans l’hypothèse prévue à l’article 32 de l’Acte uniforme susvisé ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la Cour d’appel d’Abidjan s’est arrogée un pouvoir qu’elle n’a pas, tout comme le juge des référés dont l’ordonnance était soumise à son contrôle ; qu’ainsi, l’arrêt entrepris encourt cassation ;

 

Attendu qu’aux termes de l’article 32 de l’Acte uniforme susvisé, « à l’exception de l’adjudication des immeubles, l’exécution forcée peut être poursuivie jusqu’à son terme en vertu d’un titre exécutoire par provision.

L’exécution est alors poursuivie aux risques du créancier, à charge pour celui-ci, si le titre est ultérieurement modifié, de réparer intégralement le préjudice causé par cette exécution sans qu’il y ait lieu de relever de faute de sa part » ;

 

Attendu qu’il résulte des dispositions susénoncées que le titre exécutoire par provision peut donner lieu à une exécution forcée au seul choix du créancier poursuivant qui accepte le risque d’une condamnation à la réparation intégrale du préjudice causé au débiteur provisoirement condamné si la décision n’est pas ultérieurement confirmée en appel ; qu’en l’espèce, les requérants avaient entamé l’exécution forcée en vertu du Jugement n°07/2002 du 28 mai 2002 rendu par le tribunal de Bongouanou et assorti d’exécution provisoire ; que cette exécution ne concernait pas l’adjudication d’immeuble ; qu’il suit qu’en confirmant l’Ordonnance n°5799 du 24 décembre 2003 ayant suspendu partiellement l’exécution forcée entreprise alors même que la régularité de la saisie attribution pratiquée n’a pas été mise en cause, l’arrêt attaqué a violé l’article 32 de l’Acte uniforme susvisé et encourt de ce fait cassation ; qu’il échet en conséquence de casser ledit arrêt et d‘évoquer sans qu’il soit besoin d’examiner le second moyen ;

 

Sur l’évocation

 

Attendu que par exploit d’huissier en date du 26 décembre 2003 les ayants droit de KOUAHO OI KOUAHO ont relevé appel de l’Ordonnance n° 5799 rendue le 24 décembre 2003 par la juridiction présidentielle du Tribunal de première instance d’Abidjan ; qu’ils demandent d’infirmer ladite ordonnance en toutes ses dispositions, d’ordonner le paiement intégral, à leur endroit, du montant des condamnations résultant du Jugement n°07/2002 rendu le 28 mai 2002 par le Tribunal de Bongouanou et d’assortir cette condamnation d’une astreinte comminatoire de 1.000.000 de francs  par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir ; qu’au soutien de leur demande, les appelants affirment que le juge des référés a méconnu  sa compétence car il ne peut suspendre, en aucune manière, l’exécution déjà entamée d’une décision rendue par les juges du fond ; qu’en suspendant le paiement ordonné par le Tribunal de Bongouanou, le juge des référés a violé l’article 32 de l’Acte uniforme du Traité OHADA relatif aux procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution

 

Attendu que la SIDAM, intimée, soutient pour sa part, que le juge des référés du Tribunal d’Abidjan n’a pas outrepassé ses compétences comme tentent de le faire admettre les appelants ; qu’à aucun moment, il n’a suspendu l’exécution d’une décision de justice et que bien au contraire, il a ordonné l’exécution de cette décision ; que le juge des référés est tout à fait compétent pour ordonner que la somme à laquelle l’une des parties est condamnée soit versée à un séquestre alors surtout que les appelants n’offrent aucune garantie de solvabilité ;

 

Sur la demande de paiement intégral du montant des condamnations résultant du Jugement n°07/2002 du 28 mai 2002 du Tribunal de Bongouanou

 

Attendu que pour les mêmes motifs que ceux sur le fondement desquels l’arrêt attaqué a été cassé, il y a lieu d’infirmer l’Ordonnance n°5799 rendue le 24 décembre 2003 par la juridiction présidentielle du Tribunal de première instance d’Abidjan et d’autoriser les ayants droit de KOUAHO OI KOUAHO Bonaventure à poursuivre l’exécution entreprise ;

 

Sur l’astreinte

 

Attendu que les ayants droit ayant été autorisés à poursuivre l’exécution entreprise jusqu’à son terme, il n’y a pas lieu à astreinte ;

 

Attendu que la SIDAM ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens ;

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après en avoir délibéré,

Casse l’Arrêt n°574 rendu le 04 mai 2004 par la Cour d’appel d’Abidjan ;

Évoquant et statuant sur le fond,

Infirme l’Ordonnance n°5799 rendue le 24 décembre 2003 par la juridiction présidentielle du Tribunal de première instance d’Abidjan ;

Ordonne la poursuite de l’exécution entreprise ;

Dit qu’il n y a pas lieu à astreinte ;

Condamne la SIDAM aux dépens.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé.

 

 Le Président

  Le Greffier