ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
Audience Publique du 04 novembre 2004
Pourvoi n° 068/2003/ PC du 31 juillet 2003
Affaire : Ayants droit de BAMBA Fétigué composés de :
– BAMBA Amadou
(Conseil : Maître Jour-Venance SERY, Avocat à la Cour)
- BAMBA AWA
(Conseil : Maître Claude MENTENON, Avocat à la Cour)
– BAMBA Ibrahim
(Conseil : Maître KASSI Abel, Avocat à la Cour)
contre
Madame ADIA YEGO Thérèse
(Conseils : SCPA DADIE-SANGARET & Associés, Avocats à la Cour)
ARRET N°031/2004 du 04 novembre 2004
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires ( O.H.A.D.A ) a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 04 novembre 2004 où étaient présents :
Messieurs Seydou BA, Président
Jacques M’BOSSO, Premier Vice-président
Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge
Maïnassara MAIDAGI, Juge – rapporteur
Boubacar DICKO Juge
Biquezil NAMBAK, Juge
et Maître ASSIEHUE Acka, Greffier ;
Sur le recours enregistré au greffe de la Cour de céans le 31 juillet 2003 sous le n°068/2003/PC et formé par Maîtres Jour-Venance SERY, Claude MENTENON et KASSI Abel, Avocats à la Cour, au nom et pour le compte des ayants droit de feu BAMBA Fétigué, dans la cause opposant ceux-ci à Madame ADIA YEGO Thérèse, ayant pour conseils la SCPA DADIE-SANGARET & Associés, Avocats à la Cour, demeurant immeuble Alliance B, rue Lecoeur, 04 BP 1147 Abidjan 04,en annulation de l’Arrêt n°252/2003 rendu le 08 mai 2003 par la Chambre judiciaire de la Cour Suprême de COTE d’IVOIRE et dont le dispositif est le suivant :
« Casse et annule l’arrêt querellé ;
Evoquant,
Dit qu’il a existé une société de fait entre dame Adia Yego et feu Bamba Fétigué ;
Ordonne la liquidation de ladite société ;
Nomme Me OKOUE Ginette, Notaire à Abidjan aux fins de procéder à l’inventaire de tous les biens acquis par cette société de fait et, en cas d’accord des parties, de procéder à un partage amiable desdits biens entre celles-ci ;
Dit qu’en cas de difficulté il en sera référé au Président de la Chambre Judiciaire ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor Public ;
Ordonne la transcription du présent arrêt sur les registres du greffe de la Cour d’Appel d’Abidjan en marge ou à la suite de l’arrêt cassé » ;
Les requérants invoquent à l’appui de leur recours le moyen unique d’annulation tel qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Maïnassara MAÏDAGI ;
Vu les dispositions des articles 13 et 18 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que, suite au décès de BAMBA Fétigué intervenu le 15 juillet 2000, son ex-concubine, Madame ADIA YEGO Thérèse saisissait le Tribunal de première instance d’Abidjan d’une action tendant à voir reconnaître l’existence d’une société de fait entre eux ; que par Jugement n°804 CIV 3 en date du 22 mai 2002, ledit Tribunal faisait droit à sa demande ; que sur appel des ayants droit de BAMBA Fétigué, la Cour d’appel d’Abidjan, par Arrêt n°962 en date du 26 juillet 2002, infirmait le jugement entrepris, déboutait Madame ADIA YEGO Thérèse de l’ensemble de ses demandes et ordonnait son expulsion de la villa qu’elle occupait aux Deux-Plateaux les Perles ; que sur pourvoi en cassation formé devant la Cour Suprême de COTE D’IVOIRE par Madame ADIA YEGO Thérèse contre l’Arrêt n°962 de la Cour d’appel, la Chambre Judiciaire de la Cour Suprême rendait l’Arrêt n°252/2003 en date du 08 mai 2003, objet du présent recours en annulation ;
Attendu que Madame ADIA YEGO Thérèse, défenderesse au recours, soulève in limine litis l’incompétence de la Cour de céans à connaître du recours exercé sur le fondement de l’article 864 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique par les ayants droit de BAMBA Fétigué aux motifs que ledit article 864 ne trouve pas application dans le cas d’espèce, s’agissant d’état des personnes (physiques) ; qu’en effet, selon elle, « il s’agit d’une affaire matrimoniale, de la liquidation de la communauté de fait ayant existé entre les parties et que les requérants font une confusion regrettable entre la société de fait au sens du droit commercial (société commerciale) dont parle l’article 864 et la communauté de fait résultant d’une union, d’une vie commune » ;
Mais attendu que l’examen du recours des ayants droit BAMBA Fétigué, en application de l’article 18 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, implique nécessairement que la Cour de céans se prononce sur sa compétence ; qu’il suit dès lors qu’il n’ y a pas lieu de statuer spécialement sur l’exception soulevée par Madame ADIA YEGO Thérèse ;
Sur l’annulation de l’Arrêt n°252 du 08 mai 2003
Vu l’article 18 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaire en Afrique ;
Attendu que les requérants demandent à la Cour de céans de déclarer nul et non avenu l’Arrêt n°252 du 08 mai 2003 de la Chambre judiciaire de la Cour Suprême de COTE D’IVOIRE sur le fondement de l’article 18 du Traité susvisé au motif que, passant outre l’exception d’incompétence qu’ils ont soulevée devant elle, ladite Chambre a rendu la décision attaquée ; que pour eux, le problème juridique à débattre en l’espèce étant de savoir si une société de fait avait réellement existé entre Monsieur BAMBA Fétigué et Madame ADIA YEGO Thérèse, la Chambre Judiciaire devait se déclarer incompétente parce que la notion de société de fait est régie par les dispositions des articles 864 et suivants de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique et que par conséquent le recours en cassation est de la compétence exclusive de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage conformément à l’article 14 du Traité susvisé ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que, bien que l’Arrêt n°252 du 08 mai 2003 n’ait pas fait état de l’exception d’incompétence soulevée par les ayants droit de BAMBA Fétigué, ces derniers avaient, par mémoire en date du 02 mai 2003 reçu le même jour au Secrétariat de la Chambre Judiciaire, soulevé l’incompétence de la Cour Suprême de COTE D’IVOIRE à connaître du pourvoi exercé devant elle par Madame ADIA YEGO Thérèse ;
Attendu qu’aux termes de l’article 18 du Traité susvisé, « toute partie qui, après avoir soulevé l’incompétence d’une juridiction nationale statuant en cassation estime que cette juridiction a, dans un litige la concernant, méconnu la compétence de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage peut saisir cette dernière dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision contestée. La Cour se prononce sur sa compétence par arrêt qu’elle notifie tant aux parties qu’à la juridiction en cause.
Si la Cour décide que cette juridiction s’est déclarée compétente à tort, la décision rendue par cette juridiction est réputée nulle et non avenue » ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure et notamment de l’exploit introductif d’instance intitulé « assignation en liquidation de la Société de fait » que Madame ADIA YEGO Thérèse demandait bien au Tribunal de première instance d’Abidjan de constater qu’il a existé une société de fait entre Monsieur BAMBA Fétigué et elle, par conséquent ordonner la liquidation de la société de fait, nommer pour y procéder un expert et condamner les défendeurs aux dépens dont distraction au profit du Cabinet DADIE-SANGARET & Associés sur son affirmation de droit ; que Madame ADIA YEGO Thérèse a introduit son action sur le fondement de l’article 866 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique aux termes duquel, « quiconque y ayant un intérêt peut demander à la juridiction compétente du lieu principal de l’activité d’une société de fait, la reconnaissance de la société de fait entre deux ou plusieurs personnes dont il lui appartient d’apporter l’identité ou la dénomination sociale » ; qu’au soutien de son action, elle expose que pendant sa vie commune avec feu BAMBA Fétigué, ils s’étaient comportés comme des associés et dans le cadre de cette association, ils avaient créé une entreprise en bâtiment qui leur avait permis d’acquérir un important patrimoine immobilier, des comptes bancaires et de souscrire à plusieurs contrats d’assurances ; qu’en sa qualité d’épouse élevée dans la tradition et surtout dans la religion musulmane, elle avait laissé la gestion de ce patrimoine immobilier à feu BAMBA Fétigué qui agissait pour leur compte ; que dans le cadre de cette gestion, tous les biens immobiliers acquis par le couple ont été mis au nom de feu BAMBA Fétigué avec son accord ;
Attendu qu’aussi bien le Tribunal de première instance d’Abidjan que la Cour d’appel d’Abidjan se sont prononcés sur l’existence entre les susnommés d’une société de fait, la Cour d’appel d’Abidjan ayant d’ailleurs fondé sa décision sur les dispositions des articles 864 et 867 de l’Acte uniforme précité ;
Attendu qu’il ressort de tout ce qui précède que l’affaire qui a donné lieu à l’Arrêt n°252 en date du 08 mai 2003 soulève bien des questions relatives à l’application d’un Acte uniforme ; que la chambre judiciaire de la Cour Suprême de COTE d’IVOIRE s’étant par conséquent déclarée compétente à tort pour connaître du pourvoi en cassation exercé par Madame ADIA YEGO Thérèse contre l’Arrêt n°962 du 26 juillet 2004 de la Cour d’appel d’Abidjan, sa décision est réputée nulle et non avenue en application des dispositions susénoncées du Traité susvisé ;
Attendu que les ayants droit de BAMBA Fétigué demandent à la Cour, après annulation de l’Arrêt n°252 du 08 mai 2003 de la Chambre Judiciaire de la Cour Suprême de COTE D’IVOIRE, d’évoquer et de rejeter le pourvoi formé par Madame ADIA YEGO Thérèse ;
Mais attendu qu’aux termes de l’article 52.4 du Règlement de procédure susvisé, « si la Cour décide que la juridiction nationale s’est déclarée compétente à tort, la décision rendue par cette juridiction est réputée nulle et non avenue. Toute partie devant ladite juridiction peut dans les deux mois de la signification du jugement de la Cour saisir cette dernière d’un recours en cassation contre la décision du juge du fond dans les conditions prévues à l’article 14 du Traité et aux articles 23 à 50 du présent Règlement » ; qu’il échet en conséquence de renvoyer les parties à se conformer aux dispositions susénoncées ;
Attendu qu’il y a lieu de condamner Madame ADIA YEGO Thérèse aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Dit que la Chambre Judiciaire de la Cour Suprême de COTE D’IVOIRE s’est déclarée compétente à tort pour examiner le pourvoi en cassation formé par Madame ADIA YEGO Thérèse ;
Déclare en conséquence nul et non avenu l’Arrêt n°252 du 08 mai 2003 rendu par la Chambre judiciaire de la Cour Suprême de COTE D’IVOIRE ;
Dit qu’il n’y a pas lieu à évocation et renvoie les parties à se conformer aux dispositions de l’article 52.4 du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Condamne Madame ADIA YEGO Thérèse aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier